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POINT DE VUE

Cameroun : le ministre des Finances « en campagne » de séduction


Alwihda Info | Par Dr Albert Mavoungou Ebah, économiste. - 22 Juin 2021


Le 18 juin 2021, le ministre des Finances du Cameroun, Louis Paul Motaze s’est adressé au Sénat. Interlocuteur délégué des bailleurs de fonds, il mène à son compte, comme jamais, un ministre des Finances ne l'a fait avant lui, une approche de politique étrangère, à travers de nombreuses audiences aux plénipotentiaires des puissances, notamment occidentaux. C’est l’analyse faite par un économiste, le Dr Albert Mavoungou Ebah, dans une tribune parvenue à la rédaction de Alwihda Info.


Cameroun : le ministre des Finances « en campagne » de séduction
« De toute évidence, la sortie médiatique du ministre camerounais des Finances au Parlement, la semaine dernière était très « belle » pour ne pas marquer la sensibilité de ses compatriotes et de l’opinion, même internationale. Avec un air empreint de suffisance, et qui frise même un brin d’arrogance vis-à-vis de l'Institution parlementaire. Cette arrogance est ainsi doublée d'une assurance, celle d'avoir toutes les cartes en main, dans la perspective de la succession au président Paul Biya.

Interlocuteur délégué des bailleurs de fonds, il mène à son compte, comme jamais, un ministre des Finances ne l'a fait avant lui, une approche de politique étrangère, à travers de nombreuses audiences aux plénipotentiaires des puissances, notamment occidentaux. On ne le dira jamais assez : Louis Paul Motaze semble en campagne pour se positionner comme interlocuteur valable, maître de tous les grands dossiers économiques du pays, le meilleur à même de garantir les intérêts des Occidentaux en général, et des Français en particulier.
En témoigne, son soutien des plus compromettant à Bolloré, et l’échec des projets structurants, financés par la Chine pour mieux assurer le retour des investissements étrangers du pré-carré français. Par ses liens familiaux et prébendiers avec les régions de l’Extrême-Nord et de l’Ouest, il se présente, auprès de l’opinion tant nationale, qu’internationale, comme le meilleur garant de l’unité nationale et de la stabilité post-Biya.

La mission qu'il conduit actuellement à Paris, pour les négociations relatives aux eurobonds, dont certains experts disent qu'ils participent de la riposte européenne aux financements chinois et russes, constitue une opportunité de plus pour lui, de donner des garanties à ses soutiens européens, et de gagner davantage leur confiance !
Pourtant, s’agissant de l’épineux problème des projets structurants, l’on parle d’éléphants blancs et de projets immatures qui sont au cœur de la politique économique ayant hypothéqué la vie de plusieurs générations, sur des endettements improductifs. En effet, depuis des années, l’actuel ministre des Finances occupe des postes de responsabilités dans le secteur de l’économie.
C’est tout naturellement qu’il a eu à piloter la quasi-totalité des gros projets d’infrastructures qui, selon des observateurs, ont fait perdre plus de 3000 milliards de FCFA dans les projets immatures. Arrivé au gouvernement en 2009 avec d’autres personnalités, ils ont fait passer l’intérêt sur la dette de 40 milliards de FCFA à 250 milliards de FCFA en 2018.
Projets immatures
Architecte du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), en 2019 le gouvernement camerounais a reconnu l’échec du ministre en charge de l’Econome de l’époque. Cette boussole de l’action gouvernementale, en termes de programmation économique, a été bottée en touche et remplacée par la Stratégie Nationale de Développement (SND 30).
C’est encore Louis Paul Motaze qui implémentera le programme agropole qui permettait au gouvernement de financer les projets privés dans l’agro-industrie. Aujourd’hui, le bilan est plus que catastrophique. Au final, l’on peut citer le projet mort-né de l'usine d’abattage de poulet de Bafang. D’autres unités de production financées sont restées non réalisées : l’usine de pommes de Babadjou, l’usine d'ananas de Njmbe financé, l’usine de riz de Galim, l’usine des mangues de N’Gaoundéré, l’usine de poulet de Bomono, l’usine d'avocat de Mbouda, l’usine de manioc de Sangmélima, l’usine des tracteurs d'Ebolowa, avec au passage 16 milliards de FCFA dans la broussaille, à côté des multiples projets d’élevage. L’on peut se rendre à l’évidence qu’un même personnage, président du conseil d’administration d’Hydromekin, du Comité de pilotage du port de Kribi et bien plus ministre des Finances, a pu financer dans le budget d’investissement public (BIP) de 2018, plus de 45% de projets immatures, sans impact sur l'économie.

A l’époque, l’ancien Premier ministre Yang Philémon, s'était senti obligé de signer un décret pour interdire le financement desdits projets immatures. Alors qu’il devait initialement devait coûter 25 milliards, le barrage de Mekin est aujourd’hui à plus de 100 milliards de FCFA. Un barrage de 15 mégawatts qui ne fournira que 10 Mw. Sur un autre plan, le Cameroun s'est ainsi illustré en exception par ses coûts exorbitants dans les projets routiers. Alors que le kilomètre de route en Zambie, en Ethiopie, et autres pays varie entre 200 millions à 600 millions le kilomètre de route, au Cameroun plus de 05 projets sont évalués à pas moins de 05 milliards le kilomètre, allant jusqu’à 07 milliards de FCFA. On peut citer la pénétrance Est de Douala, l’autoroute Yaoundé-Nsimalen, l'autoroute Yaoundé-Douala, l'autoroute Kribi-Lolabe, la route Batchenga-Ntui-Yoko-Lena.
Dix ans après le lancement des gros projets d'infrastructures sous la coordination des mêmes personnes, aucun n'a été inauguré par Paul Biya. »



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