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LITTERATURE

Centrafrique : Bambote Makombo, un écrivain engagé


Alwihda Info | Par GBANDI Anatole - 5 Octobre 2016



Barbote Makombo. Crédit photo : Sources
Barbote Makombo. Crédit photo : Sources
J'avais commencé cet hommage quand je fus rappelé pour un problème personnel au pays. Je le reprends et le termine après des retards indépendants de ma volonté. Avec mes excuses à l'illustre disparu.

Né en 1932, Bamboté Makombo était un auteur méconnu : premier poète centrafricain, premier romancier aussi et premier novelliste. Il vient de mourir loin de sa Centrafrique natale, au Canada où il vivait depuis plusieurs années.

1. DE L'ANONYMAT A LA RECONNAISSANCE UNIVERSITAIRE

Bamboté est mort comme il a vécu, discrètement. Quelques médias lui ont rendu un hommage discret, en ces temps troubles où n'importe quel rebelle est monté en épingle et promu au rang de sauveur de la patrie. Ainsi va la Centrafrique : pour y être populaire et célébré, il faut porter une arme. Bamboté n'avait que sa plume, Bamboté n'avait que ses vers dont la force était considérablement amoindrie par l'éloignement.

Les lycéens centrafricains l'ignorent. Très peu de ses compatriotes le connaissent. Et pour cause : il a essentiellement vécu et travaillé à l'étranger, en France d'abord et au Canada.

Je le connaissais de nom, depuis Bambari, par oui-dire ou, très probablement, par le biais d'une anthologie. Mais il passait, dans mon esprit, pour une figure mythique, une espèce d'écrivain sans écrit, condamné à vivre anonymement dans la galaxie des grands écrivains, c'est-à-dire ceux qui étaient inscrits au programme des lycées, et qu'on pouvait compulser et lire. Un Molière ou un Corneille mort depuis longtemps était plus vivant que Makombo Bamboté, dont on ne trouvait nulle part en Centrafrique la moindre trace littéraire.

Il a fallu attendre Tchokongbo et surtout le professeur Danzi, qui lui a consacré le mémoire de son Habilitation à Diriger des Recherches, pour que les Centrafricains se réapproprient leur talentueux prosateur.

2. ANNÉE FASTE

1972. Le programme Apollo touche à sa fin. Bokassa président à vie continue son ascension vers ce qu'il croit être la canopée du pouvoir. Les ministres africains de l'Éducation nationale décident de donner à la littérature négro-africaine ses lettres de noblesse, en l'inscrivant au programme de l'enseignement. Chinua Achebe publie Filles à la guerre et autres histoires. Ousmane Sembène publie Xhala. Mais l'évènement littéraire, qui est passé presque inaperçu, c'est la publication de deux œuvres fondatrices de la fiction centrafricaine. Il s'agit de  Le lac des sorciers d'Ipéko Étomane et de Princesse Mandapu de Bamboté Makombo.

Grâce à ces deux œuvres ou plutôt à leurs auteurs, la littérature centrafricaine est passée du domaine de l'Oralité, où elle s'était cantonnée jusqu'ici, à celui de l'Écriture. Dorénavant la fiction ne sera plus anonyme comme dans l'univers des contes et des mythes. Dorénavant elle sera pensée et signée par des auteurs vivants. La fiction ne sera plus rabâchée mais travaillée et sans cesse renouvelée.

En un an, la littérature centrafricaine est passée de la nouvelle, le récit court, réduit à ses principales séquences, au roman, le récit élaboré, complexe... Le mérite en revient à Ipéko Étomane et à Bamboté Makombo.

3. UN POÈTE ENGAGÉ

Contre le sous-développement qui sévit de manière endémique dans son pays ; contre la guerre civile aux relents de conflit religieux, qui a balayé tel un cyclone américain l'ensemble de la Centrafrique ; contre ceux qui, dans l'ombre, ont poussé le pays dans le précipice.

La poésie de Bamboté ne s'embarrasse pas de fioritures : elle est limpide et quasi prosaïque :
<< […] Ce grand pays a perdu son temps
durant soixante ans d'indépendance
la saison sèche les éperviers volant
haut ont rempli leurs gosiers de toi
l'étranger te dispute les os des chiens
squelettiques qui fit semblant de te donner […]>>

Je parle bien sûr de ses derniers poèmes, de ceux que lui ont inspirés la crise centrafricaine. Et qui nomment, accusent et condamnent à la manière d'un procureur.

Quand éclate la crise Séléka, le poète bêafricain a quatre-vingts ans. Il aurait pu, sans encourir le risque d'un reproche à cet âge canonique, se contenter de vivre paisiblement ses derniers jours. Il aurait pu se contenter de regarder de loin et de haut les gesticulations de ces apprentis sorciers qui, après avoir réussi l'exploit de transformer la Centrafrique en un gigantesque panier de crabes, se démenaient ou faisaient semblant de se démener pour faire cesser ses souffrances. Mais Bamboté n'était pas un contemplateur. C'était un homme de combat, qui maniait avec brio une plume armée de réquisitoires. Un homme de son temps, qui entendait participer à tous ses combats dignes d'intérêt. En somme, un écrivain tel que le concevait Jean-Paul Sartre.



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