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COMMUNIQUE

Communiqué du CPS du 27 Octobre 2014 sur les États en situation de fragilité


Alwihda Info | Par Union Africaine - 1 Novembre 2014


Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), en sa 463ème réunion tenue le 27 octobre 2014, sous le format d’une séance publique, conformément à l’article 8 (10) du Protocole relatif à la création du CPS, sur le thème: “Prévention structurelle des conflits – Revigorer les États en situation de fragilité en Afrique”, a adopté la décision qui suit:


Le Conseil,

1. Prend note de la Note de cadrage PSC/PR/2(CDLXIII) sur le thème "La prévention structurelle des conflits: Revigorer les États en situation de fragilité en Afrique", élaborée par la Commission, ainsi que des déclarations faites par les États membres de l'UA, les partenaires bilatéraux et multilatéraux et les organisations de la société civile;

2. Rappelle la "Déclaration solennelle sur le 50ème anniversaire de l'Organisation de l’unité africaine (OUA)/UA", adoptée par la Conférence de l'Union, à Addis Abéba, le 25 mai 2013, à l'occasion du Jubilée d'Or de l'Union [Assembly/AU/Decl.3(XXI)], dans laquelle les chefs d'État et de Gouvernement se sont engagés à ne pas léguer le fardeau des conflits à la prochaine génération d'Africains, se fixant comme objectif l'élimination de tous les conflits d'ici 2020 ; ont exprimé leur détermination à faire du respect de l'État de droit, des droits de l'homme et de la dignité humaine, ainsi que de la participation populaire, de la gestion appropriée de la diversité, de l'inclusion et de la démocratie, les points d'ancrage des sociétés, Gouvernements et institutions du continent ; et se sont engagés à placer à placer les populations africaines au centre des efforts de l’Union et à éradiquer la pauvreté;

3. Rappelle en outre ses communiqués et communiqués de presse antérieurs relatifs à la prévention structurelle des conflits, y compris le communiqué de presse PSC/PR/BR/ (CCLXXIV) sur "le Rapport sur le développement dans le monde 2011 – conflit, sécurité et développement’’, adopté lors de sa 274ème réunion tenue le 25 avril 2011 ; la Déclaration PSC/MIN/BR.1(CCLXXV) sur "l'état de la paix et de la sécurité en Afrique", adoptée lors de sa 275ème réunion tenue le 26 avril 2011 ; le communiqué PSC/PR/COMM.(CCCLX) sur "l’utilisation intégrale de tous les instruments disponibles en matière de diplomatie préventive", adopté lors de sa 360ème réunion tenue le 22 mars 2013 ; et le communiqué de presse PSC/PR/BR (CDXXX) sur le thème : "Réduire les armes au silence - préalable pour réaliser l'objectif d'une Afrique exempte de conflits d'ici à 2020", adopté lors de sa 430ème réunion tenue le 24 avril 2014;

4. Rappelle également la décision Assembly/AU/Dec.512(XXII) adoptée par la 22ème session ordinaire de la Conférence de l'Union, tenue à Malabo, en Guinée équatoriale, les 26 et 27 juin 2014, entérinant le rapport du Groupe de haut niveau sur les États fragiles intitulé "Mettre fin aux conflits et consolider la paix en Afrique : un Appel à l'Action". À cet égard, le Conseil note que le Groupe de haut niveau considère la fragilité non pas comme une notion s’appliquant à une catégorie d'États, mais plutôt comme un risque inhérent au processus de développement lui-même, et qu’au cours de la période à venir, ce risque apparaîtra à travers toute l'Afrique, en différents lieux et sous des formes variées, aux niveaux national ou local - y compris dans des pays qui ne sont pas actuellement classés comme fragiles. Le Conseil note en outre que pour le Groupe de haut niveau, la fragilité en Afrique est liée à l'urbanisation rapide, au chômage des jeunes, à l'inégalité et à l'exclusion sociale, aux découvertes de nouvelles ressources naturelles, au changement climatique, ainsi qu’aux processus de construction de l‘État et de consolidation de la paix, autant de facteurs qui peuvent mettre les institutions nationales à rude épreuve, créant ainsi un risque de violence;

5. Réitère sa conviction que les situations de marginalisation, de violations des droits de l'homme, de non-acceptation de défaites électorales, de manipulation de Constitutions, de mauvaise gestion et de répartition inégale des ressources, d’absence d'opportunités socio-économiques, de chômage, ainsi que la corruption sont, entre autres, des facteurs qui contribuent grandement à l’éclatement de conflits violents en Afrique. En conséquence, le Conseil souligne l’impératif de la bonne gouvernance à travers le renforcement de la culture et des institutions démocratiques, le respect des droits de l'homme, la préservation de l’État de droit, ainsi que le développement socio-économique, comme moyens de prévention des conflits et de promotion de la paix et de la stabilité sur le continent;

6. Reconnaît que l’édification d'institutions étatiques solides, réactives et responsables aux niveaux local et national, qui offrent des services essentiels promeuvent des processus politiques inclusifs, l'État de droit et la sécurité publique, est essentielle à la prévention des conflits et au renforcement des acquis enregistrés dans les processus de consolidation de la paix;

7. Reconnaît qu’au fil des ans, l'UA a adopté plusieurs instruments sur les droits de l’homme et des peuples, la gouvernance, les élections et la démocratie, le respect de la diversité et des droits des minorités, les jeunes, ainsi que sur la gestion des ressources naturelles, instruments qui représentent un cadre consolidé de normes et de principes, dont le respect scrupuleux contribuerait grandement à la prévention structurelle des conflits et à la consolidation de la paix là où elle a été réalisée. À cet égard, le Conseil souligne, une fois encore, la pertinence de la Déclaration sur un Cadre de l'OUA pour une réponse aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement de juillet 2000; la Déclaration solennelle sur la Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (CSSDCA) de juillet 2000 et son Protocole d'accord de juillet 2002; la Convention de l'UA sur la prévention et la lutte contre la corruption de 2003; la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de janvier 2007; la Déclaration sur les valeurs partagées de janvier 2011; la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 et ses Protocoles relatifs à la création d'une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de 1998 et aux droits des femmes de 2003; la Charte africaine de la jeunesse de 2006 ; et le Plan d'action pour la mise en œuvre de la Vision africaine sur les mines et la gestion de ressources naturelles de 2012;

8. Note également la mise en place de mécanismes visant à assurer le suivi des progrès réalisés dans le domaine de la gouvernance, tels que le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP) et le Rapport sur la Gouvernance en Afrique (RGA) que publie la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), qui fournissent des outils d'alerte rapide pour anticiper l’apparition de conflits liés à la gouvernance, ainsi que les progrès accomplis dans la mise en œuvre du Système continental d'alerte rapide (SCAR) tant au niveau de l'UA que des Communautés économiques régionales (CER). Le Conseil souligne que l'utilisation efficace des instruments/mécanismes existants réduirait considérablement les risques de conflits et de violence sur le continent, tout en améliorant les conditions de vie des populations africaines;

9. Exprime sa conviction que pour l’UA l'accent ne devrait plus être mis sur l'adoption d'instruments supplémentaires, sauf lorsque des circonstances exceptionnelles l'exigent, mais plutôt sur la mise en œuvre de ceux existants. À cet égard, le Conseil appelle à des efforts renouvelés de la part de toutes les parties concernées pour surmonter les lacunes enregistrées en terme de mise en œuvre, renforcer le respect des instruments existants et répondre aux attentes en vue d’une meilleure gouvernance découlant des engagements pris par les États membres, et souligne l'importance d'un leadership efficace dans l’édification et la pérennisation d’institutions de bonne gouvernance. En particulier, le Conseil souligne la nécessité :

(i) de mettre en place et de renforcer des institutions réactives, responsables et robustes aux niveaux local, national, régional et continental;

(ii) d’accélérer la signature, la ratification et l’intégration dans les législations nationale des instruments pertinents de l'UA, ainsi que d’entreprendre des activités soutenues de sensibilisation et de vulgarisation – à cet égard, le Conseil appelle les États membres qui ne l'ont pas encore fait à prendre d'urgence les mesures requises pour devenir parties à ces instruments;

(iii) de renforcer le respect des instruments existants. À cet égard, le Conseil souligne la contribution importante attendue de la Commission dans le suivi et l’encouragement de la mise en œuvre;

(iv) d’utiliser efficacement les mécanismes et les instruments existants, tels que le MAEP et le RGA, pour mieux suivre et améliorer la qualité de la gouvernance en Afrique;

(v) d’impliquer davantage le Groupe des Sages de l’UA, le Parlement panafricain et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans les efforts d’ensemble visant à promouvoir la bonne gouvernance et à prévenir les conflits, conformément aux dispositions pertinentes du Protocole relatif à la création du CPS; et

(vi) de mettre en œuvre, le cas échéant, des programmes de réforme du secteur de la sécurité, sur la base du Cadre de l'UA sur la réforme du secteur de la sécurité et d'autres instruments pertinents ;

10. Félicite la Commission pour les efforts qu’elle déploie en vue de finaliser l'élaboration d'un Cadre continental de prévention structurelle des conflits (CSCPF), et ce dans le prolongement de la réunion qu’elle a organisée à Kigali, au Rwanda, du 14 au 16 juin 2013, comme un outil pour faciliter une approche commune et coordonnée de la Commission sur la prévention structurelle, et demande que ce processus soit accéléré. Le Conseil se félicite en outre des efforts en cours de la Commission visant à élaborer un outil d’évaluation de la vulnérabilité structurelle (SVA) pour faciliter l'identification, à un stade précoce, de la vulnérabilité structurelle d'un pays aux conflits, avec un accent particulier sur les domaines particulièrement pertinents pour l’identification des facteurs des conflits violents: (i) développement socio-économique; (ii) bonne gouvernance, y compris la prévention et la lutte contre la corruption, l’État de droit, la démocratie et les droits de l'homme; (iii) secteur de la sécurité; (iv) environnement et changement climatique; (v) égalité hommes - femmes et jeunesse; (vi) consolidation de la paix en phase post-conflit, y compris le rôle de la société civile, et (vii) justice transitionnelle et réconciliation. Le Conseil encourage la Commission à accélérer le parachèvement de l’élaboration de l’outil sur la SVA, en vue de le mettre à la disposition des États membres dans le cadre des efforts nationaux visant à prévenir les conflits et à maintenir la paix et la stabilité. Le Conseil attend avec intérêt la soumission par la Commission d’un rapport sur les mesures prises pour finaliser aussi bien le CSCPF que l’outil sur la SVA, pour approbation ;

11. Exhorte les États membres à établir des infrastructures nationales de paix, y compris les systèmes d'alerte rapide, afin de soutenir les efforts de prévention des conflits aux niveaux local et national. Le Conseil demande à la Commission, en étroite collaboration avec les CER, d’apporter l'assistance technique nécessaire aux États membres à cet égard, y compris la mise en place de Salles de veille qui regroupent toutes les parties prenantes pour faciliter la collecte des informations nécessaires à une action rapide par les décideurs;

12. Appelle à redoubler d'efforts pour la mise en œuvre du Cadre d’action de l'UA pour la reconstruction et le développement post-conflit (RDPC), adopté par la 9ème session ordinaire du Conseil exécutif, tenue à Banjul, en Gambie, du 25 au 29 juin 2006 [EX.CL/Dec.302(IX)], afin de permettre aux pays sortant de conflit de relever plus efficacement les défis auxquels ils sont confrontés. À cet égard, le Conseil souligne l'importance cruciale de l'Initiative de solidarité africaine (ISA), lancée le 13 juillet 2012, comme un outil pour mobiliser, au niveau du continent, un soutien aux pays africains sortant de conflits, ainsi que pour consolider et élargir la coopération interafricaine et l'assistance mutuelle, conformément au Cadre d’action pour la RDPC et à la Convention interafricaine instituant un Programme africain de coopération technique. Le Conseil, conformément à la décision Assembly/AU/ Dec.425(XIX) sur l’ISA, adoptée par la 19ème session ordinaire de la Conférence de l'Union, tenue à Addis Abéba, les 15 et 16 juillet 2012, encourage la Commission, en collaboration avec les États membres, les CER et les autres institutions africaines compétentes, à intensifier ses efforts visant à mobiliser un soutien en nature et en renforcement des capacités, ainsi que des contributions financières, pour soutenir les activités de reconstruction et de développement post-conflit dans les pays sortant de conflit ;

13. Appelle les entrepreneurs du secteur privé et les mécènes à canaliser davantage d'investissements pour la création d'emplois et d’activités génératrices de revenus dans les pays en situation de fragilité en Afrique et dans ceux sortant de conflit ;

14. Exprime son plein soutien aux recommandations contenues dans le rapport du Groupe de haut niveau sur les États fragiles, et appelle à des efforts soutenus par les États membres, afin de:

(i) gérer les changements et de relever les défis majeurs susceptibles d'exercer une pression supplémentaire sur les institutions nationales, y compris le chômage des jeunes, l'urbanisation, la gestion et la découverte de ressources naturelles, le dérèglement climatique, la pauvreté et les inégalités ; et

(ii) créer des sociétés et des États résilients ayant la capacité de gérer les pressions mentionnées ci-dessus, sur la base de la résilience intrinsèque des sociétés africaines, y compris les capacités et la contribution du secteur privé, de la société civile, des communautés de base et des femmes, ainsi que sur la base des instruments pertinents de l'UA sur les facteurs de conflits ;


15. Demande à la Commission, en étroite collaboration avec la Banque africaine de développement (BAD) et la CEA, et avec le soutien de partenaires internationaux concernés, d’œuvrer activement à la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport du Groupe de haut niveau sur les États fragiles;

16. Décide, dans le cadre des dispositions pertinentes du communiqué PSC/PR/COMM (CCCLX):

(a) de tenir une revue annuelle approfondie de l'état de la paix et de la sécurité sur le continent, en utilisant des analyses prospectives, sur la base des mises à jour fournies par le SCAR, les institutions compétentes de l'UA, tels le Groupe des Sages, les cercles de réflexion africains, les organisations africaines de la société civile et d’autres parties prenantes ;

(b) d’opérationnaliser pleinement la Formule de Livingstone de 2009 et les Conclusions de Maseru sur l'interaction avec la société civile à travers la tenue annuelle, en décembre, d'une réunion avec les organisations de la société civile ; et

(c) d’organiser une réunion annuelle avec toutes les parties prenantes, y compris le Parlement panafricain et la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, afin de suivre plus efficacement, dans le cadre de ses responsabilités dans le domaine de la prévention des conflits, les progrès accomplis dans la promotion des pratiques démocratiques, de la bonne gouvernance, de l’État de droit, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du respect du caractère sacré de la vie humaine et du Droit international humanitaire par les États membres, tel que prévu à l'article 7 (m) du Protocole relatif à la création du CPS ;

17. Attend avec intérêt la soumission par la Commission à la Conférence de l'Union, à travers le Conseil exécutif, d'une Feuille de route sur les actions nécessaires à la réalisation de l'objectif d'une Afrique exempte de conflits d’ici 2020, étant entendu que cette Feuille de route devra également inclure des mesures pratiques pour la mise en œuvre du paragraphe 17 de la décision Assembly/AU/Dec.501(XXII), qui a proclamé 2014-2024 comme la Décennie Madiba Nelson Mandela pour la Réconciliation en Afrique ;

18. Demande à la Présidente de la Commission de soumettre des rapports réguliers, au moins une fois par an, sur le suivi et la mise en œuvre du présent communiqué;

19. Décide de rester activement saisi de la question.


" LA PRÉVENTION STRUCTURELLE DES CONFLITS : REVIGORER LES ÉTATS EN SITUATION DE FRAGILITÉ"

NOTE DE CADRAGE

I. INTRODUCTION

1. La présente Note de cadrage est soumise pour faciliter les délibérations du Conseil à l'occasion de sa séance publique sur le thème: "La prévention structurelle des conflits - Revigorer les États en situation de fragilité". La Note fournit un bref aperçu des défis auxquels le continent continue d’être confronté dans le domaine de la paix et de la sécurité, ainsi que des instruments et outils dont dispose l'Union africaine (UA) pour faire face aux situations de fragilité, et ce par le biais de la prévention structurelle des conflits. Elle identifie une série de questions qui pourraient être approfondies lors de la séance publique, et se conclut par une présentation succincte des résultats attendus du débat.

II. CONTEXTE

2. Au cours des dernières années, l'UA et les Communautés économiques régionales/Mécanismes régionaux pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits (CER/MR) ont réalisé des progrès importants dans leurs efforts visant à rendre l'Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) pleinement opérationnelle. Des progrès ont également été enregistrés dans le règlement des conflits en Afrique, créant ainsi une lueur d'espoir et ouvrant des perspectives de renouveau et de développement qu'il importe maintenant de renforcer par des efforts soutenus de consolidation de la paix et de reconstruction post-conflit.

3. Cependant, les conflits, l'insécurité et l'instabilité continuent d‘affliger certaines parties du continent, avec leur cortège de conséquences humanitaires et socio-économiques négatives. Dans le même temps, la nature des conflits a changé: les dynamiques transnationales, la violence perpétrée par les acteurs non-étatiques et d'autres menaces nouvelles à la sécurité prennent une place croissante. Les instances décisionnelles compétentes de l'UA ont, à plusieurs reprises, exprimé leur préoccupation face à cette situation. En particulier, la 360ème réunion du Conseil, tenue le 22 mars 2013, a noté que si "le nombre de conflits violents sur le continent a été considérablement réduit et des progrès importants accomplis, grâce à la détermination de l'Afrique et aux efforts collectifs qu'elle déploie avec l'appui de ses partenaires, nombre de pays africains restent enfermés dans un cercle vicieux de conflits liés à de multiples facteurs, notamment un déficit en termes de gouvernance" [Communiqué PSC/PR/ COMM.CCCLX)]. La 21ème session ordinaire de la Conférence de l'Union, tenue à Addis Abéba, les 26 et 27 mai 2013, a fait echo à ce communiqué, relevant, outre l’existence de conflits dans certaines parties du continent, le recours fréquent à la rébellion armée pour faire valoir des revendications politiques, les menaces que font peser le terrorisme et les prises d'otage, la prolifération illicite d'armes, la criminalité transnationale organisée, le trafic de drogue, la piraterie et l'exploitation illicite de ressources naturelles pour alimenter des conflits [Décision Assembly/AU/Decl.1 (XXI) sur le rapport du Conseil de paix et de sécurité sur ses activités et l'état de la paix et de la sécurité en Afrique].

4. La nécessité de redoubler d'efforts face au fléau des conflits en Afrique a été soulignée par la "Déclaration solennelle sur le 50ème anniversaire de l'OUA/Union africaine", adoptée par la Conférence de l'Union, à Addis Abéba, le 25 mai 2013, à l'occasion du Jubilée d'Or de l'Union [Assembly/AU/Decl.3(XXI)]. La Conférence s'est engagée à ne pas léguer le fardeau des conflits à la prochaine génération d'Africains, se fixant comme objectif l'élimination de tous les conflits d'ici 2020, et ce dans le cadre plus global de l'"Agenda 2063 - l'Afrique que Nous Voulons". La Conférence a exprimé sa détermination à faire du respect de l'État de droit, des Droits de l'Homme et de la dignité humaine, ainsi que de la participation populaire, de la gestion appropriée de la diversité, de l'inclusion et de la démocratie, les points d'ancrage des sociétés, Gouvernements et institutions du continent. Elle s’est aussi engagée à placer les populations africaines, en particulier les femmes, les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes handicapées, au centre des efforts de l’Union, et à éradiquer la pauvreté.

5. Lors de sa 430ème réunion tenue le 24 avril 2014 sur le thème "Réduire les armes au silence - préalable pour réaliser l'objectif d'une Afrique exempte de conflits d'ici à 2020" [Communiqué de presse PSC/PR/BR. (CDXXX)], le Conseil a convenu de la nécessité d'élaborer d'urgence, pour examen par la Conférence de l'Union, une Feuille de route articulant les mesures à prendre pour atteindre les objectifs fixés. À titre de suivi, la Commission a organisé à Durban, en Afrique du Sud, les 28 et 29 avril 2014, une Retraite de haut niveau, qui a esquissé les éléments constitutifs d'un document intitulé "Réduire les armes au silence: Feuille de route pour un continent exempt de conflit", aux fins de s'attaquer aux facteurs des conflits en Afrique - tels que la pauvreté et la répartition inéquitable des ressources et des richesses, la mauvaise gouvernance, ainsi que la marginalisation sociale, politique et ethnique.

III. ÉTATS EN SITUATION DE FRAGILITÉ ET PRÉVENTION STRUCTURELLE DES CONFLITS

6. Le continent africain est confronté à des situations de vulnérabilité structurelle susceptibles de se transformer en conflits violents. Ces situations de crise ou de conflits violents potentiels sont décrites par le recours à une variété de termes et attribuées à nombre de causes sous-jacentes. Dans le débat académique et politique, aussi bien en Afrique qu'en dehors du continent, référence est souvent faite, de façon indifférenciée, aux expressions suivantes: "fragilité", "instabilité", "effondrement de l'État", "inversion de l'État", "déclin de l'État", "faillite de l‘État", "États faibles", "quasi-États", "degrés d'absence de l'État".

7. Le rapport du Groupe de haut niveau sur les États fragiles, intitulé "Mettre fin aux conflits et consolider la paix en Afrique : un Appel à l'Action", a discuté de la question de la fragilité de façon approfondie. Le rapport a été présenté à la 22ème session ordinaire de la Conférence de l'Union tenue à Malabo, en Guinée Équatoriale, les 26 et 27 juin 2014 [Assembly/AU/Dec. 512 (XXII)]. La Conférence de l’Union a entériné ce rapport.

8. Le rapport "considère la fragilité non pas comme un qualificatif s’appliquant à une catégorie d'États, mais comme un risque inhérent au processus de développement lui-même", ajoutant qu’"au cours de la période à venir, ce risque apparaîtra à travers toute l'Afrique, en différents lieux et sous des formes variées, aux niveaux national ou local - y compris dans des pays qui ne sont pas actuellement classées comme fragiles". Le rapport note que la fragilité en Afrique est liée à l'urbanisation rapide, au chômage des jeunes, à l'inégalité et à l'exclusion sociale, aux découvertes de nouvelles ressources naturelles, au changement climatique, ainsi qu’aux processus de construction de l‘État et de consolidation de la paix, autant de facteurs qui peuvent mettre les institutions nationales à rude épreuve, créant ainsi un risque de violence. Les recommandations du Groupe de haut niveau pour faire face aux conflits et à la fragilité en Afrique s'articulent autour de deux axes principaux : d'une part, la formulation d'une réponse efficace aux changements économiques, sociaux et environnementaux les plus perturbateurs se déroulant en Afrique; de l'autre, la création de sociétés et d‘États résilients capables de gérer ces pressions.

9. À la lumière de la définition donnée par le Groupe de haut niveau, l’action préventive implique, par conséquent, tant des mesures directes et opérationnelles, avant que la violence à grande échelle ne survienne, qu'une approche stratégique axée sur les causes structurelles des conflits. En d’autres termes, l‘action préventive consiste en l'application combinée et coordonnée de mesures opérationnelles et structurelles. Bien que la prévention directe et celle dite structurelle demeurent deux réponses politiques distinctes basées sur le type des causes de conflit qu'elles s’emploient à éliminer, chacune nécessite l'autre pour être efficace. En outre, les efforts de prévention directe et structurelle peuvent être déployés à toutes les phases du cycle de conflit. Telle est l’approche de l‘UA, ainsi qu’articulée dans ses instruments pertinents et les prises de position du Conseil.

10. Il convient de rappeler que les conflits et la violence se développent dans des environnements caractérisés par les facteurs structurels suivants : l’existence d’une violence sociale passée, de voisinages instables et d’une pauvreté extrême, se combinant avec des conditions sociétales liées à la discrimination et à la privation économique, à la répression politique et à l'autoritarisme, à la polarisation ethnique, ainsi qu’à la dégradation de l'environnement et à la raréfaction des ressources, qui sont autant d‘éléments pouvant contribuer à l'instabilité politique et aux conflits. Dans ce contexte, les activités de prévention structurelle visent notamment à favoriser la création d’opportunités politiques, économiques, sociales et culturelles égales pour tous les segments de la société, contribuant ainsi au renforcement de la légitimité démocratique et de l'efficacité des institutions de la gouvernance, ainsi qu’à la réconciliation pacifique des intérêts de groupe et à la réduction des clivages entre les différents segments de la société. En cas de succès, ces activités devraient conduire à un développement économique durable, à la bonne gouvernance et au respect des Droits de l'Homme, à la création de structures politiques viables ayant la capacité de gérer le changement sans recourir à la violence, ainsi qu‘à la création de conditions environnementales et sociales saines.

IV. INSTRUMENTS, POLITIQUES ET OUTILS PERTINENTS DE L‘UA

11. La prévention structurelle des conflits s’inscrit dans le droit fil des principes directeurs de l’UA, tels que consacrés par l'Acte constitutif, qui engage les États membres à respecter les principes démocratiques, les Droits de l'Homme, l’État de droit et la bonne gouvernance, tout en traitant d’autres questions liées au développement socio-économique et à l‘intégration. À cet égard, l'UA a, au cours des années écoulées, adopté plusieurs instruments normatifs visant à faciliter la prévention structurelle des conflits. Ces instruments se rapportent aux Droits de l'Homme, à la gouvernance et à la lutte contre la corruption, aux processus de démocratisation, au développement socio-économique, à l’emploi, à l’intégration des jeunes, au désarmement et au terrorisme, ainsi qu’à la prévention et à la réduction des conflits interétatiques. Comme souligné dans le communiqué (PSC/PR/COMM.CCCLX), ces instruments représentent un cadre consolidé de normes et de principes communément acceptés, dont le respect réduirait considérablement le risque de conflit et de violence et consoliderait la paix là où elle a été réalisée.

12. En ce qui concerne plus particulièrement les questions relatives à la démocratie, à l’État de droit et à la bonne gouvernance, il convient de mentionner la Déclaration sur un Cadre de l'OUA pour une réponse aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement de juillet 2000; la Déclaration solennelle sur la Conférence sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique (CSSDCA) de juillet 2000 et son Protocole d'accord de juillet 2002; la Déclaration du NEPAD sur la démocratie et le Mécanisme africain d'évaluation par les Pairs (MAEP) de juillet 2002; la Convention de l'UA sur la prévention et la lutte contre la corruption de 2003; la Charte de la démocratie, des élections et de la gouvernance de janvier 2007; ainsi que la Déclaration sur les valeurs partagées de janvier 2011. Il convient également de relever la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (1981) et ses Protocoles relatifs à la création d'une Cour africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (1998) et aux Droits des Femmes (2003).

13. Ces efforts ont été significativement renforcés par ‘‘l'Agenda 2063 - l'Afrique que Nous Voulons", qui introduit une liste de huit "Outils clés pour la transformation de l'Afrique". Evoquant l'impératif de développer les conditions d’une prévention structurelle réussie, ‘‘l'Agenda 2063" souligne, entre autres, la nécessité d’un "leadership responsable et d‘institutions adaptées", y compris une gouvernance démocratique et développementaliste, ainsi que l'importance de promouvoir "des États et des institutions capables, démocratiques et développementalistes".

14. Dans le cadre du Système continental d'Alerte rapide (SCAR) et du suivi du communiqué PSC/PR/COMM.CCCLX, la Commission a organisé une réunion à Kigali, au Rwanda, en juin 2013, pour finaliser son Cadre de prévention des conflits, afin de faciliter une approche commune de la Commission sur la prévention structurelle. Dans ce cadre, la Commission est en train d’élaborer des outils visant à faciliter l'identification, à un stade précoce, de la vulnérabilité structurelle d‘un pays aux conflits, avec un accent particulier sur les domaines suivants qui se sont, dans le passé, révélés particulièrement pertinents pour l’identification des facteurs des conflits violents: (i) développement socio-économique; (ii) bonne gouvernance, y compris la prévention et la lutte contre la corruption, l’État de droit, la démocratie et les Droits de l'Homme; (iii) secteur de la sécurité; (iv) environnement et changement climatique; (v) égalité hommes - femmes et jeunesse; (vi) consolidation de la paix en phase post-conflit; et (vii) justice transitionnelle et réconciliation. Ces outils faciliteront l'élaboration de stratégies appropriées pour favoriser la prévention structurelle des conflits. La notion de stabilité structurelle – une situation qui est à l’exact opposé de "la vulnérabilité structurelle" - est au cœur de ces outils.

V. OBJECTIFS ET QUESTIONS À TRAITER

15. Le but de la séance publique est de faciliter un échange de vues sur les meilleures voies et moyens de renforcer la prévention structurelle des conflits en Afrique, en particulier à travers l'identification, à un stade précoce, de la vulnérabilité structurelle d'un pays aux conflits. À cet égard, les questions suivantes méritent d’être approfondies au cours des discussions :

i. Quels sont les causes et les manifestations de la fragilité et ses effets sur la quête de la paix, de la sécurité, de la stabilité et du développement ?

ii. Sur la base des conclusions et recommandations du rapport du Groupe de haut niveau, comment peut-on élaborer des réponses politiques aux changements économiques, sociaux et environnementaux les plus perturbateurs intervenant en Afrique (urbanisation rapide, chômage des jeunes, inégalité et exclusion sociale, découvertes de nouvelles ressources naturelles, changement climatique, processus de construction de l’État et de consolidation de la paix) et comment promouvoir des sociétés et des États résilients ayant la capacité de gérer ces pressions, y compris à travers des institutions et des partenariats interdépendants aux niveaux local, national et régional?

iii. Quelles sont les stratégies les meilleures pour accélérer la signature, la ratification et l’intégration dans les législations nationales, ainsi que la mise en œuvre des instruments de l’UA relatifs aux Droits de l'Homme, à la gouvernance et à la lutte contre la corruption, aux processus de démocratisation, au désarmement, au terrorisme, à la prévention et à la réduction des conflits interétatiques, étant donné que leur respect permettrait de réduire considérablement le risque de conflit et de violence et de consolider la paix là où il a été réalisée?

iv. Comment peut-on mieux vulgariser les instruments pertinents existants de l‘UA et les dispositions qui y sont contenues, pour permettre leur appropriation par tous les acteurs, y compris la société civile? Comment peut-on assurer une utilisation efficace des mécanismes et instruments existants pour améliorer et mieux suivre la qualité de la gouvernance en Afrique, tels que le MAEP? Comment peut-on assurer un meilleur respect de ces instruments, en particulier à travers le rôle que l’UA et ses institutions compétentes pourraient jouer dans le suivi de leur mise en œuvre, y compris à travers l’élaboration d'un indice de respect qui prendrait appui sur les potentialités qu’offrent les technologies de l'Information et de communication et fournirait des mises à jour régulières sur les mesures prises par les États membres dans la concrétisation de leurs engagements?

v. Comment le Conseil pourrait exercer plus efficacement ses responsabilités dans le domaine de la prévention structurelle des conflits, y compris à travers un suivi approprié des mesures identifiées dans le communiqué PSC/PR/COMM.CCCLX. et le communiqué de presse/PR/BR/CDXXX, notamment : ( a) l‘examen périodique par le Conseil, au moins une fois par semestre, de l'état de la paix et de la sécurité sur le continent, en utilisant des approches prospectives, sur la base de mises à jour fournies par le SCAR, les institutions compétentes de l‘UA, tel le Groupe des Sages, des cercles de réflexion africains et internationaux, des organisation de la société civile et d'autres acteurs; (b) la pleine opérationnalisation de la Formule de Livingstone de 2009 et des Conclusions de Maseru sur l'interaction avec la société civile; c) le suivi efficace par le Conseil, dans le cadre de ses responsabilités de prévention des conflits, des progrès accomplis dans la promotion des pratiques démocratiques, de la bonne gouvernance, de l’État de droit, la protection des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le respect du caractère sacré de la vie humaine et du droit international humanitaire par les États membres, conformément à l'article 7 (m) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité; et (d) l’organisation de réunions semestrielles sur la diplomatie préventive et la prévention des conflits, dans le cadre du mandat et des processus du Conseil?

vi. Comment peut-on assurer une plus grande implication du Groupe des sages de l'UA, du Parlement panafricain, de la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dans les efforts d'ensemble visant à promouvoir la bonne gouvernance et à prévenir les conflits, conformément aux dispositions pertinentes du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité?

vii. Comment peut-on renforcer les options de réponse de l‘UA aux situations de vulnérabilité structurelle, y compris à travers une meilleure intégration entre l’Architecture africaine de paix et de sécurité et l'Architecture africaine de la Gouvernance (AGA), l’opérationnalisation intégrale du SCAR, la diplomatie préventive, la médiation et le règlement des conflits, la cohérence entre l'UA et les CER/MR dans le développement de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, et le financement des initiatives de paix et de sécurité?

viii. Comment peut-on assurer une meilleure mise en œuvre des politiques continentales et régionales sur le développement socio-économique, l’emploi, la réduction de la pauvreté et d’autres questions connexes et mieux les articuler aux efforts déployés dans le domaine de la paix et de la sécurité, dans le cadre d’une approche globale et holistique des situations de fragilité?

VI. RÉSULTATS ATTENDUS

16. La séance devrait contribuer à une plus grande prise de conscience des enjeux liés à la question de la fragilité; donner un nouvel élan aux efforts visant à assurer une mise en oeuvre plus efficace des instruments, politiques et programmes pertinents de l‘UA sur la paix, la sécurité et le développement socio-économique, ainsi qu’une utilisation plus efficace des mécanismes existants; et faciliter une approche globale de l’UA des situations de fragilité sur la base des recommandations contenues dans le rapport du Groupe de haut niveau sur les États fragiles, telles qu’approuvées par la Conférence de l’Union à Malabo. La séance devrait également aboutir à la prise de mesures concrètes qui faciliteront l’exercice par le Conseil du mandat qui lui a été confié dans le domaine de prévention structurelle des conflits.


VII. PARTICIPATION

17. Le séance se tiendra au niveau des Ambassadeurs et sera ouverte aux autres États membres de l'UA, aux partenaires bilatéraux et multilatéraux, aux cercles de réflexion, aux universitaires, aux organisations de la société civile et à d‘autres parties prenantes. La séance sera interactive, et les participants sont encouragés à être francs, objectifs et novateurs dans leurs idées.

VIII. DATE ET LIEU

18. La séance publique se tiendra le 27 octobre 2014, à 10 h 00, dans la salle plénière de l’ancien Centre de Conférence, au Siège de l'UA à Addis Abéba, en Éthiopie.

IX. LOGISTIQUE ET ARRANGEMENTS POUR LA RÉUNION

19. Les délibérations se derouleront en Anglais, Arabe, Français et Portugais. Les interventions seront limitées à un maximum de quatre (4) minutes par orateur
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