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ANALYSE

Des étudiants africains deviennent SDF en France : La responsabilité du bail précaire


Alwihda Info | Par Aliou TALL - 17 Juillet 2017


Des milliers de bacheliers et d’étudiants africains se préparent à poursuivre leurs études en France pour la prochaine rentrée universitaire. Ils courent tous derrière un sésame nécessaire à l’obtention du visa : le justificatif de domicile. A défaut d’obtenir une attestation d’hébergement établie par un proche, certains se résignent à signer un bail meublé-étudiant. Mais avec ce bail ils seront inéluctablement, comme beaucoup d’étudiants africains déjà en France, dans la précarité du logement. Les moins chanceux deviennent SDF : Sans Domicile Fixe. Il urge de les conseiller sur les vicissitudes du bail meublé-étudiant ; et de dénoncer la carence et la responsabilité des autorités africaines dans cette misère inadmissible.


Etudiants africains en France, faites attention à l’arnaque de bailleurs sur la qualification de bail meublé.

Le bail meublé est régi par la loi Mermaz du 6 juillet 1986 et par loi dite ALUR du 24 mars 2014, qui vient encadrer rigoureusement la location de logements meublés. Malgré cela, beaucoup de bailleurs, pour pouvoir vous expulser aisément, ont recours systématiquement au bail meublé, sans que le logement loué ne réponde aux critères impératifs posés par la loi pour que cette qualification soit retenue. Dorénavant, le bail ne peut être qualifié de meublé si le logement n’est pas décent, s’il ne dispose pas d’un mobilier suffisant et de qualité pour vous permettre d’y vivre, d’y manger et d’y dormir convenablement. Il ressort de la loi ALUR et d’un décret applicable depuis septembre 2015, que pour être qualifié de meublé, le logement doit obligatoirement disposer des éléments suivants : un lit avec une couette ou une couverture ; une cuisine avec plaques de cuisson et four, une table et des chaises, et des ustensiles de cuisine ; des étagères de rangement ; des lampes et du matériel d’entretien. Si votre logement meublé ne remplit pas ces conditions, vous pouvez faire injonction à votre bailleur de le mettre aux normes. A défaut il manquerait à ses obligations contractuelles et la qualification de bail meublé ne pourra pas être retenue. Il ne pourra pas alors vous expulser au terme initial du bail qui était inférieur ou égal à un an : la nouvelle durée de votre bail sera de 3 ans avec tacite reconduction.

Etudiants africains en France, faites attention à la précarité qu’engendre le bail meublé-étudiant.

Déjà avec le bail meublé de droit commun la durée du bail, qui est d’un an maximum, vous plonge dans une précarité du logement. Mais si ni le bailleur, ni vous, ne mettez expressément fin au contrat, il continue automatiquement par tacite reconduction. Toutefois, vous dépendez toujours de l’humeur du bailleur qui peut assujettir la reconduction du bail à une augmentation du loyer. Si vous la refusez, il peut légalement refuser de renouveler le bail et vous expulser. Votre galère au logement ira de mal en pis si vous acceptez de signer un bail meublé-étudiant : non seulement la durée du bail est ramenée à 9 mois, mais encore vous ne bénéficiez pas de la tacite reconduction. Cela veut dire que même si votre bailleur ne se manifeste pas à la fin du bail, vous devez quitter les lieux. Pour maintenir votre logement meublé-étudiant vous êtes obligé de négocier un nouveau bail. A la fin de celui-ci, vous serez encore obligé de renégocier un nouveau bail pour garder votre logement. Pour rester dans le même logement de la première année de licence au Master, l’étudiant étranger doit négocier 6 fois le renouvellement de son contrat de bail. Même s’il y parvient, ce qui n’est pas gagné d’avance, la loi le plonge dans une précarité structurelle qui peut compromettre la bonne marche de ses études. Donc bail meublé-étudiant doit être un dernier choix, si vous n’avez aucune autre alternative.

Etudiants africains en France, le bail meublé-étudiant convient aux étudiants français, pas à vous.

Cette évolution législative a été plutôt pensée pour les étudiants français qui peuvent retourner vivre chez les parents ou des proches à la fin de chaque année universitaire : Jean DUPONT, étudiant à la Sorbonne, ira chez ses parents qui disposent à Carcassonne d’une villa de 600 m² avec 5 chambres inoccupées. Nathalie DESCHAMPS, étudiante à Marseille, ira chez son grand-père qui est propriétaire d’une grande concession à Cassis. Que fera l’étudiant malien, camerounais, sénégalais, guinéen, gabonais, etc., qui n’a aucun proche DUPONT ou DESCHAMPS pour l’héberger ? Il ne peut non plus compter sur des proches parents qu’il aurait en France. Ces derniers étant eux-mêmes confrontés à une promiscuité due à une famille nombreuse (A partir de 3 enfants en France) et un logement avec peu de chambres. S’il n’a pas les moyens de rentrer dans son pays pendant l’été, il comptera sur des amis, des promotionnaires d’école ou de faculté, ou des membres de l’association des étudiants ressortissants de son pays d’origine, qui lui viennent temporairement en aide. Etudiants comme lui, avec plus ou moins les mêmes galères existentielles en France, ils ne pourront pas lui offrir une solution pérenne de logement. Il dormira ça et là avec sa petite valise. Il ira passer les vacances d’été dans une autre ville pour y faire un job d’été, sans savoir dans quelles conditions il y dormira. Il devient SDF !

Il est de la responsabilité des gouvernements africains d’affronter cette problématique pour offrir des solutions viables, et non des annonces et mesures en trompe-l’œil, qui ne parviennent même pas à soigner la partie superficielle de la plaie générée par le miroir aux alouettes qu’est le bail meublé-étudiant.

Aliou TALL,
Juriste, Président du RADUCC. Email : [email protected]



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