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TCHAD

Mahamat Alhabo : "les pays fragiles utilisent la rupture diplomatique pour régler leurs comptes"


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 31 Août 2017


Le secrétaire général adjoint du PLD (Parti pour les Libertés et le Développement), Mahamat-Ahmad Alhabo, par ailleurs coordinateur du Front des partis politiques de l’opposition (FONAC), dans un entretien qu’il a accordé à Alwihda Info, a évoqué entre autres la rupture des relations diplomatiques entre le Tchad et le Qatar, la présence des rebelles tchadiens en territoire Libyen et les accusations portées sur eux pour leur accointance supposée ou avérée avec les groupes terroristes.


Le secrétaire général adjoint du PLD (Parti pour les Libertés et le Développement), Mahamat-Ahmad Alhabo.
Le secrétaire général adjoint du PLD (Parti pour les Libertés et le Développement), Mahamat-Ahmad Alhabo.
Le coordinateur de FONAC, Mahamat-Ahmad Alhabo souligne que les grands États du monde ne rompent pas facilement leurs relations diplomatiques. Selon lui, cette pratique est inhérente à deux États fragiles et à la fois légers, pour régler des comptes. Il ne voit pas non plus l’intérêt du Qatar de s’ingérer dans les affaires intérieures du Tchad. Par ailleurs le coordinateur du FONAC estime que la lutte démocratique est meilleure que la lutte armée.

Alwihda Info. Quelle est votre réaction par rapport à la rupture de relations diplomatiques entre le Tchad et le Qatar ?

Mahamat-Ahmad Alhabo : Les États sont des institutions reconnues mondialement qui s’interconnectent, s’interagissent et réalisent ensemble des programmes. Dans ce même cadre, ils peuvent se heurter à des intérêts parfois contradictoires, mais j’ai eu à constater que les grands États du monde ne rompent pas facilement leurs relations diplomatiques avec les autres. Il n’y a que les petits pays fragiles, légers qui utilisent cette méthode là pour régler des comptes. 

Il vous souviendra qu’un pays comme la Libye avec lequel nous avons eu un gros contentieux notamment celui de la bande d’Aouzou et ses multiples interventions dans le conflit tchadien, malgré la guerre qu’on s’est livrée, à la fin, on était obligé de rétablir les relations diplomatiques. Le bon sens a fait que les deux pays ont établi des relations par l’ouverture réciproque des ambassades dans les deux pays, pendant que nous avions un très gros contentieux. 

Le Tchad et le Qatar devraient-ils faire marche arrière et discuter ?

Quand il y a des problèmes entre les États, il faut recourir à d’autres méthodes que celle de la rupture des relations diplomatiques. Ensuite, je constate aujourd’hui que les problèmes avec le Qatar n’ont pas commencé à partir du communiqué du ministre des Affaires Étrangères. Déjà au mois de juin, le gouvernement tchadien a rappelé son ambassadeur à Doha pour consultation. Ce rappel est intervenu après la rencontre organisée en Arabie Saoudite avec l’arrivée du président des États-Unis Trump dans ce pays et à l’issue de cette conférence à laquelle ont pris part beaucoup de présidents africains. 

Parmi eux, il y en a 7 qui ont coupé leurs relations diplomatiques et d’autres ont rappelé leurs ambassadeurs. Le Tchad était parmi ceux qui ont rappelé leurs ambassadeurs pour consultation. Je note en pensant aussi que l’un des pays qui a coupé immédiatement après le sommet de Ryad, c’était aussi l’Égypte. Vous avez peut-être remarqué que le président de l’Égypte est arrivé au Tchad récemment, quelques jour après nous avons eu la surprise de constater que notre gouvernement a coupé ses relations diplomatiques avec le Qatar. Est-ce qu’il y a un lien entre les deux évènements, je n’en sais pas. Mais c’est un constat que je fais. 
 
"Aujourd’hui, vous coupez les relations pour les rétablir demain, ça sert à quoi ?"

S’il m’était donné d’avoir un avis, j’aurai peut-être souhaité dans le cadre de la crise financière, et économique multiforme, et les 16 mesures que le gouvernement a prises après avoir dilapidé toutes les ressources financières et économiques du pays, que soit réduit le nombre des ambassades sans couper les relations diplomatiques. 

Par exemple, pour tous les pays du Golf, on pourrait tout simplement avoir une ambassade située à Ryad qui pourrait gérer l’ensemble de la région. J’étais ambassadeur en France, j’avais une représentativité sur le Maroc, la Turquie, l’Italie, le Vatican et le Portugal. Une seule ambassade couvrait tous ces pays-là. On peut aujourd’hui, plutôt que de rompre les relations avec les États, réduire le nombre de nos ambassades parce qu’il n’y a pas d'argent, dû à la dilapidation et à la mauvaise gestion. Il faut procéder à cela. 

Aujourd’hui, vous coupez les relations pour les rétablir demain, ça sert à quoi ? Autant maintenir les relations et réduire le nombre d'ambassades et es représentations en procédant à la fermeture de quelques-unes pour des raisons financières et économiques face à cette conjoncture. On fera des économies.

La rupture des relations diplomatiques ne serait-elle pas liée au soutien avéré ou supposé que le Qatar apporterait aux mouvements rebelles qui chercheraient à déstabiliser le régime du président Deby ?

Mahamat-Ahmad Alhabo : Je n’ai aucune information sur ce sujet. Il me serait difficile d’apporter un jugement de valeur mais je me pose moi-même une question. Si vous regardez la carte de l’Arabie Saoudite et si vous regardez le Qatar : c’est une petite excroissance de l’Arabie Saoudite qui est située très loin du Tchad, à des milliers de kilomètres de mer entre nous. Si c’est un pays frontalier du Tchad, qu'on me dise que ce pays voisin cherche à déstabiliser, à nuire au Tchad, je peux le croire. Mais je me pose personnellement la question sur l’intérêt du Qatar à s’ingérer dans les affaires du Tchad. Qu’est-ce que ça lui rapporte ? Je ne comprends pas.
"Mon choix est très clair c’est la lutte démocratique"

Quel message adressez-vous à ceux qui ont choisi la voie des armes pour régler leur différend ?

Mahamat-Ahmad Alhabo : Ah non, ça c’est clair. Nous qui sommes militants des partis politiques de l’opposition, nous avons clairement dit que la lutte démocratique est meilleure que la lutte armée. Nous avons fait un choix clair sur ce plan, nous pensons qu’on ne peut pas régler nos différends par la voie des armes. Mais d’autres tchadiens pensent que le régime actuel ne peut être changé par une alternance démocratique, c’est pour quoi ils ont choisi la lutte armée. Chacun est libre d’opérer son choix, je ne peux pas dicter la conduite à tenir des autres. Mon choix est très clair c’est la lutte démocratique.

Les accusations de connivence entre rebelles tchadiens basés en Libye et groupes terroristes sont-elles fondées ?

Mahamat-Ahmad Alhabo : J’ai besoin de preuves. Moi, je ne connais pas parce que je n’ai pas de relations avec eux pour le démontrer. Celui qui a de preuves, qu’il les mettent à la disposition de tous les tchadiens en faisant une démonstration par A+B que tel mouvement rebelle a des relations avec tel autre groupe terroriste. Vous savez aujourd’hui que le terme « terrorisme » s’est galvaudé. N’importe qui n'aimant pas l’autre le traite de terroriste , c’est à la mode. 

On a connu ça depuis que les Américains ont attaqué l’Irak pour le détruire ou l’Afghanistan pour dire que ces pays abritent les terroristes. L’ancien secrétaire d’Etat américain, Collin Powell n’était pas en mesure de démontrer que l’Irak abritait des terroristes et s’est heurté à l’opposition catégorique de la France soutenue par toutes les grandes puissances du monde. Les américains étant incapables de faire voter leur résolution à l’ONU, sont intervenus pour détruire l’Irak sans mandat onusien.
"Nous avons lancé le principe du dialogue inclusif, si le pouvoir est d’accord on peut s’asseoir pour discuter du format, du contenu et de tout​"

Vous avez proposé un dialogue inclusif. Quel en est la teneur ?

Mahamat-Ahmad Alhabo : Il faut absolument que les tchadiens se retrouvent entre-eux et cherchent des solutions à la crise multi-dimensionnelle que le pays connait. Cette crise là, c’est une crise financière, économique, politique, sociale et multiforme. Nous au FONAC, nous avons dit que la meilleure des façons de résoudre ce problème est d’organiser un dialogue inclusif. 

Aujourd’hui, il y’a des tchadiens qui vivent dans la misère absolue. Le pouvoir ne veut pas entendre parler de dialogue inclusif. Quand on dit le dialogue inclusif, nous n’avons pas proposé ni donné de schéma. Nous avons lancé le principe du dialogue inclusif, si le pouvoir est d’accord on peut s’asseoir pour discuter du format, du contenu et de tout. Mais on n’a pas entendu que le pouvoir est d’accord pour un dialogue inclusif parce que quand on a rencontré le président, il a parlé d’Al Qaida, de Boko Haram. On n’a pas dit que le dialogue c’est cela. 

Nous avons dit que le dialogue inclusif c'est celui qui permet de poser tous les problèmes graves que traverse le pays et chercher éventuellement des solutions. On verra qui va participer ou pas, c’est le comité préparatoire composé des différents partis qui va s’asseoir, discuter et arrêter le format, le contenu et le schéma. On ne peut pas parler de ces choses tant qu’on n’a pas l’accord de principe de part et d’autre.

Propos recueillis par Djimet Wiché Wahili.



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