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RCA: GROS PLAN SUR LES PREMIERS MINISTRES


Alwihda Info | Par GBANDI ANatole - 20 Octobre 2014



 
                         GROS PLAN SUR LES PREMIERS MINISTRES
    Paralysée par la sinistrose, la RCA dérive tel un bateau ivre sur les eaux dé- montées des affaires et des groupes armés. Ses fils, pour éviter qu'elle ne som- bre corps et biens, s'accrochent à des babioles, se gargarisent de billevesées et de broutilles.   Le premier remaniement gouvernemental de l'ère Samba Panza a donné lieu à d'interminables joutes dont l'enjeu était la Primature. Chaque parti avait son candidat, chaque président de la sous-région aussi le sien. CACOPHONIE   Fidèle à son habitude, l'ex-Séléka, sur un ton comminatoire, réclamait ce pos- te, probablement le plus juteux de la République, qu'on lui aurait réservé, dans un accord secret signé depuis N'Djaména, lors du départ de Djotodja. La France aurait, elle aussi, fait pression, par l'intermédiaire de Laurent Fabius, pour que son poulain fût nommé à la Primature. Les musulmans voulaient d'un musulman alors que les chrétiens eux réclamaient un laïc. Toute cette agitation laissait espérer qu'au désastre centrafricain, on avait enfin trouvé la panacée.   Samba Panza reprend la main. Elle devient, du jour au lendemain, le deus ex machina de l'imbroglio centrafricain. Elle prend son temps, savoure ce qui, dans la pétaudière qu'elle dirige, s'apparente à un répit. Elle consulte ou fait semblant de consulter ceux qui, de plus en plus nombreux, la critiquent violemment. Et qui ont mis une sourdine à leurs critiques pour espérer voir un des leurs nommer à la Primature. Elle reçoit des propositions, des noms qu'elle évalue ou fait semblant d'évaluer. Après tout, dans ce pays, tout le monde fait semblant : les Séléka et les Antibalaka de déposer les armes, la Sangaris de désarmer les uns et les autres et la France d'aider la RCA...    Si le Premier ministre centrafricain avait coutume de jouer un rôle pré- pondérant dans son gouvernement, il y a longtemps qu'on l'aurait su. Et personne ne se serait hasardé à s'interroger sur son rôle. Personne n'aurait eu l'indélicatesse de demander:<< A quoi rimait tout le raffut fait autour de la nomination de Mahamat Kamoun? >> A masquer une vérité, à savoir l'effacement du Premier ministre devant son président. Ce n'est point en
Centrafrique que la presse s'offusquerait d'entendre le chef de l'Etat traiter son Premier ministre de proche << collaborateur >>. Tous les Premiers ministres centrafricains, à moins qu'ils ne soient animés par la volonté de provoquer un clash, n'ont jamais vécu que dans l'ombre de leurs présidents respectifs. RETOUR EN ARRIERE   Avec un peu de recul, nous pouvons écrire aujourd'hui que nous nous sommes époumonés pour rien. Nzapayèké ayant démissionné, il nous suffisait d'examiner son bilan pour constater qu'il est voisin de zéro. A quoi a donc servi ce Premier ministre ? A inaugurer les chrysanthèmes. Il ne contrôlait rien, même pas l'intégralité de sa capitale. Il n'avait pas d'armée, pas de police...et donc pas de pouvoir de coercition contre les groupes armés. On pourrait, pour sa défense, ajouter qu'il n'était resté que six mois à la Primature. Les mauvaises langues diraient même trois mois, l'annonce du remaniement ayant été maladroitement faite dès le début du mois de mai.   Un autre Premier ministre Tiangaye, le prédécesseur de Nzapayèké, le flamboyant avocat, président de la Ligue Centrafricaine des Droits de l'Homme. A quoi a-t-il servi ? A inauguré les chrysanthèmes lui aussi. Son cas continue d'étonner : il avait plus de pouvoir que Djotodja, il était inamovible, il pouvait voyager partout dans le monde alors que son président putschiste était persona non grata à l'ONU, à l'UA, en Europe etc. Il faudra que les politologues centrafricains nous expliquent un jour pourquoi cet ancien opposant au régime Bozizé n'a pas su tenir tête aux dirigeants sanguinaires de la Séléka. Je sais qu'il était entouré de nervis dangereux. A sa place, je n'aurais peut-être pas fait mieux ; mais je ne suis pas un homme politique. Je sais aussi que sa maison a été saccagée : preuve que la Séléka ne le considérait pas comme l'un des siens. Mais alors pourquoi s'est-il enfermé dans un mutisme incompréhensible ? Au moment où Djotodja se répand dans les journaux, ne ferait-il pas mieux de se lancer dans un plaidoyer pro domo ?   Un troisième chef du gouvernement. Celui-ci, concomitamment à sa fonction, enseignait à l'université de Bangui. Il n'a pas eu à gérer l'équation Séléka à plusieurs inconnues. Tant mieux pour lui. Mais même en temps de paix, une partie de son administration lui échappait. Jugez plutôt : un jour, avant de commencer son cours, le Premier ministre-professeur demanda à ses quatre étu- diants en maîtrise de mathématiques s'il y avait des boursiers parmi eux. La commission d'attribution des bourses avait siégé la veille. Les quatre étudiants, dans un lamento unanime, lui répondirent : << Non, Monsieur, aucun de nous n'est boursier. >> Et le Premier ministre de murmurer : << Ce n'est pas normal qu'on refuse la bourse aux étudiants de quatrième année. >> Ce n'est pas nor- mal ! Mais qui donc était le chef de l'administration ?   On va arrêter la litanie pour revenir à Mahamat Kamoun, le nouveau Premier ministre. Seuls des rêveurs attendaient de lui des miracles. Le pays est si  déconstruit et la crise qu'il traverse si grande qu'il eût suffi au Premier ministre
de lancer des esquisses de solution pour faire une entrée remarquée sur la scè- ne politique nationale. Mais voilà qu'avant même qu'il ne prenne son envol, ses ailes sont plombées par une affaire de gros sous. Ses services qui, dans ce pays dévasté, ont du pain sur la planche, en sont réduits à le défendre. On attendait de Mahamat Kamoun qu'il amène, en tant que musulman, les Séléka à résipiscence. Mais voilà que ces rebelles, avant même qu'il n'ébauche le moindre geste de réconciliation, lui opposent une fin de non-recevoir définitive. De nouveau, tous les clignotants sont dans le rouge. ARGUMENTS   De nouveau, les observateurs broient du noir. Personnellement, je suis devenu cyclothymique. Hier, j'étais relativement optimiste. Je voyais poindre des lueurs à l'horizon de la République. Je parlais de << catharsis >>. Aujourd'hui, une alternance de mauvaises nouvelles et de nouvelles atroces m'ont scié le moral : massacre à Bambari, massacre à Bouca, Bangui sous des feux croisés...Si je ne déprime pas encore, c'est probablement parce que je suis loin du pays. Mais alors les Centrafricains, ceux qui respirent la poudre de la sinistrose entretenue par des armes, quel remède ou plutôt quelle force leur permet encore de tenir ? Savent-ils que les massacres qui se déroulent chez eux n'émeuvent plus grand monde ? Savent-ils qu'Ebola les a effacés des médias ? Savent-ils qu'ils sont retombés dans l'anonymat, dans cette espèce de huis clos qui caractérisait le régime de Djotodja ? A l'époque, les massacres s'étaient banalisés.   L'homme centrafricain s'est dévalorisé, non pas parce qu'il a posé des actes dévalorisants, mais bien parce qu'il persiste à les poser. Il ne supporte plus la contradiction. Ses arguments que la dialectique ignore sont sans appel. Ce sont des condamnations à mort, ce sont des machettes, ce sont des flèches, ce sont des détonations, ce sont des balles. On se croirait revenu à la Préhistoire ! Comment voulez-vous, chers compatriotes, qu'on nous prenne au sérieux, dans ce monde globalisé, si nous continuons d'user, pour régler tous nos pro- blèmes, des arguments préhistoriques !   Il faut dissiper les ténèbres qui tiennent le pays : que le Premier ministre démontre par des actes que Samba Panza a eu raison de le choisir ; que les dirigeants redonnent aux jeunes qui pourraient être tentés par l'expérience cala- miteuse des groupes armés, des raisons d'espérer.
GBANDI Anatole
            



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