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INTERNATIONAL

Rwanda : Kagame réaffirme que la France a préparé le génocide


- 5 Avril 2014



AFP

Le président rwandais Paul Kagame, à Bruxelles le 2 avril 2014 (Photo Thierry Charlier. AFP)
Le président rwandais Paul Kagame, à Bruxelles le 2 avril 2014 (Photo Thierry Charlier. AFP)
Le président rwandais Paul Kagame s’est livré ce week-end à une nouvelle charge contre la France qu’il a accusée d’avoir «participé» au génocide de 1994, ravivant, à la veille des commémorations du 20e anniversaire, les plaies d’une relation qui semblait pourtant s’être apaisée.
 
Dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique, à paraître dimanche, Paul Kagame a dénoncé le «rôle direct» de la Belgique, ancienne puissance coloniale, et de la France «dans la préparation politique du génocide» et «la participation de cette dernière à son exécution même».
 
Il accuse les soldats français de l’opération militaro-humanitaire Turquoise, déployée en juin 1994 sous mandat de l’ONU dans le sud du pays, d’avoir été «complices» mais aussi «acteurs» des massacres qui ont fait, selon l’ONU, 800.000 morts, essentiellement tutsi, entre avril et juillet 1994.
 
Ces déclarations du président rwandais «ne vont pas dans le sens de l’apaisement», a réagi samedi la présidence française. «Le ministère des Affaires étrangères examine les conséquences de ces propos», a ajouté l’Elysée, alors que la France doit être représentée lundi à Kigali aux cérémonies marquant le 20e anniversaire des massacres par la ministre de la Justice Christiane Taubira.
 
Maintes fois démenties par Paris, les accusations du président Kagame, ancien chef de la rébellion tutsi à la tête du Rwanda depuis 1994, reprennent celles déjà formulées par Kigali à plusieurs reprises et notamment en août 2008 à l’occasion de la publication du rapport de la commission d’enquête rwandaise sur le rôle supposé de la France dans le génocide.
 
En janvier dernier, les militaires français nommément cités par Kigali, et notamment le général Jean-Claude Lafourcade, patron de l’opération Turquoise, avaient jugé que «leur honneur était sauf», considérant que le gouvernement rwandais avait été «incapable d’apporter la moindre preuve» de ses accusations «infondées, indignes et inacceptables».
 
- Paris et Bruxelles comme 'exutoires' -
 
Les nouvelles déclarations de Paul Kagame surviennent alors que les relations franco-rwandaises, rompues entre 2006 et 2009, semblaient s’être normalisées, surtout depuis la condamnation en mars à 25 ans de prison de Pascal Simbikangwa, premier Rwandais jugé en France pour génocide.
 
Un procès dont Paul Kagame a également minimisé l’enjeu: «On nous présente cette sentence comme un geste, presque comme une faveur de la France à l’égard du Rwanda, alors que c’est le rôle de la France dans le génocide qu’il conviendrait d’examiner», a-t-il insisté.
 
Pour le sociologue André Guichaoua, spécialiste du Rwanda et témoin-expert auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), «par ses propos, le président Kagame prolonge les campagnes de dénonciation, menées en France par diverses associations et organes de presse, du rôle de l’armée française et de la France officielle au cours de la guerre et du génocide de 1994 en se moquant des avancées comme des usages diplomatiques».
 
«Alors même que les derniers mois ont été marqués par d’importants revers diplomatiques et politiques rwandais, ajoute-t-il, on peut se demander si la France et la Belgique, étonnamment associée à ces graves accusations en tant qu’ex-puissance tutélaire, ne servent pas d’exutoires à l’expression d’une animosité plus profonde du chef de l’État rwandais vis-à-vis de bien d’autres pays et institutions internationales qui n’hésitent plus à mettre en cause sa gouvernance autoritaire personnelle et ses interventions à l’extérieur du pays».
 
Cette nouvelle «sortie» de Paul Kagame survient en effet alors qu'«il est actuellement en position délicate vis-à-vis de ses alliés traditionnels (Etats-Unis, Afrique du sud...) en raison du +traitement+ de ses opposants», abonde Antoine Glaser, expert des relations franco-africaines et auteur de «AfricaFrance - Quand les dirigeants africains deviennent maîtres du jeu» (Fayard).
 
Après avoir bénéficié depuis le génocide d’une forme de «diplomatie dérogatoire en matière de démocratie et de droits de l’homme», selon les termes de M. Guichaoua, le président Kagamé a été sévèrement critiqué ces derniers mois pour son rôle jugé déstabilisateur dans l’est de la République démocratique du Congo, et plus récemment pour son implication supposée dans l’élimination d’opposants en exil.
 
Par ailleurs, estime M. Glaser, Paul Kagame, qui avait adressé une invitation personnelle à son homologue François Hollande, n’est «sans doute pas très heureux que le chef de l’Etat français se fasse représenter par sa ministre de la Justice».
 
A Bordeaux, une poignée de personnes, dont une rescapée du génocide rwandais, a déposé en mairie samedi matin une lettre adressée au maire Alain Juppé, ancien ministre des Affaires étrangères (1993-95) pendant le génocide, l’interpellant sur son rôle à l’époque, et à travers lui celui de la diplomatie française.
 
«Vingt ans après, l’heure est à la vérité», a-t-elle déclaré cette rescapée, Adelaïde Mukantabana, 52 ans, dénonçant la responsabilité de la France dans ce qu’elle qualifie de «non-assistance à population (les Tutsi) en danger».



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