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AFRIQUE

Sénégal : Miser sur les résultats plutôt que… sur les responsables de l’APR !


Alwihda Info | Par Mamadou Oumar NDIAYE - 6 Juillet 2014


Oh certes, les Dakarois ont plébiscité Khalifa Ababacar Sall, le maire de Dakar, dans ce qui était un véritable référendum pour ou contre lui mais généralement, partout où l’équation ne s’est pas posée en ces termes, notamment à Pikine et à Guédiawaye voire...


Le président Abdoulaye Wade n’a assurément pas réussi son pari qui consistait à former une vaste coalition contre les listes de son successeur sous le slogan « tout sauf l’APR ! » Il comptait ainsi, si son but était atteint, mener une gigantesque campagne nationale et internationale sur le thème « le président Macky Sall est devenu minoritaire, légitimement il ne peut plus diriger ce pays ». Les mauvais résultats de son parti, même s’il résiste encore dans quelques parties du territoire national, l’empêchent de plastronner et de sonner l’hallali contre son successeur au pouvoir. Pour autant, ce dernier non plus ne peut pas jubiler. On peut même dire qu’il a senti passer de très près le vent du boulet tellement les élections locales de dimanche dernier ont eu un goût amer pour ses troupes. La majorité présidentielle a sans doute gagné globalement à travers le territoire national, mais il s’agit à n’en point douter d’une victoire à la Pyrrhus pour ne pas dire d’une victoire aux allures de défaite ! Car si, de manière tout à fait arithmétique, le camp présidentiel peut affecter de faire bonne figure, il n’en demeure pas moins qu’il y a des victoires qui peuvent assurément être considérées comme  des défaites ! Celle de dimanche dernier que revendiquent l’APR et ses alliés est de celles-là, assurément ! Car, dans un pays comme le Sénégal où la capitale est hypertrophiée et concentre dans ses très étroites limites territoriales presque 80 % des activités économiques, les sièges de toutes les institutions, l’essentiel des hôpitaux et universités, presque 40 % de la population, mais aussi presque toute la vie intellectuelle, médiatique… et politique, perdre cette même capitale est synonyme de défaite nationale, assurément ! A cette aune, le département de Dakar équivaut assurément à plusieurs centaines de collectivités locales de l’intérieur du pays dont la plupart ne sont que de gros villages dépourvus de tout. Dans ces conditions, évidemment, dire que l’APR et ses alliés ont gagné 475 des 602 collectivités locales du pays ne signifie absolument rien du moment qu’ils ont perdu Dakar  dont on peut dire sans risque d’être démenti qu’elle est l’équivalent d’au moins 75 % de nos communes ! Le poisson pourrit par la tête, c’est bien connu, or tout le monde sait que Dakar est la tête du Sénégal. La perdre c’est donc un sinistre présage de ne pas gagner l’élection présidentielle qui suivra. Ainsi, quand les socialistes avaient été défaits à Dakar en 1993, ils ont fait leurs bagages lors de la présidentielle de 2000. De même, quand le président Abdoulaye Wade a perdu la capitale en 2009, les Sénégalais l’ont chassé du pouvoir  trois ans plus tard. Car, encore une fois, en matière politique, économique et électorale, c’est Dakar qui donne le la dans notre pays. C’est ainsi et pas autrement, malheureusement.
 
Il s’y ajoute, circonstance aggravante pour lui, que le camp présidentiel n’a pas perdu Dakar seulement mais aussi la ville et le département de Thiès ainsi que tout le pays mouride. De Touba où la liste (illégale) du Khalife a été sanctionnée à Bambey en passant par Diourbel, Mbacké, Bambey et Darou Mousty, les hommes du président ont été laminés. On savait que les Mourides étaient fâchés contre le président de la République malgré tout ce qu’il a fait pour Touba et les dignitaires de la confrérie (sans doute même plus que Wade malgré les apparences), cela a été confirmé dans les urnes dimanche dernier. Au vu de cette  contre-performance des troupes présidentielles dans ces grandes villes que sont Dakar, Thiès et Touba, sans compter d’autres villes secondaires, le Président doit effectivement avoir de sérieuses craintes par rapport à sa réélection en 2017. Encore une fois, même si la Bérézina nationale prédite n’a pas eu lieu, c’est de justesse que le président de la République et son camp ont gagné ces élections car ne serait-ce que d’un cheveu, il les ont gagnées. Sur le plan arithmétique tout au moins ! Or, en 2009, quand l’opposition et la presse avaient proclamé partout que Wade et alliés avaient perdu les élections locales, le professeur Iba Der Thiam, coordonnateur de la Cap 21, s’était fendu d’un rapport aux allures de comptes d’épicier dans lequel il recensait commune par commune, communauté rurale par communauté rurale et région par région, les victoires et les défaites de son camp pour conclure que, arithmétiquement, il avait gagné. Ce qui était sans doute vrai même si, là encore, l’éminent historien avait fait semblant d’oublier le poids écrasant de Dakar… exactement comme le font aujourd’hui les stratèges de l’APR. On espère que tout cela ne conduira pas aux mêmes résultats en 2017 !
 
Cela dit, si ses troupes ont été malmenées un peu partout, il nous semble que le coefficient personnel du président de la République est encore supérieur à celui des listes qu’il a parrainées dimanche dernier. Ce qui veut dire que, si nous ne nous trompons pas, il bénéficie encore d’un préjugé favorable et d’une faible majorité dans le pays et que si une élection présidentielle était organisée aujourd’hui dans le pays, il aurait toutes les chances de l’emporter. Oh certes, les Dakarois ont plébiscité Khalifa Ababacar Sall, le maire de Dakar, dans ce qui était un véritable référendum pour ou contre lui mais généralement, partout où l’équation ne s’est pas posée en ces termes, notamment à Pikine et à Guédiawaye voire Rufisque et Bargny, pour ne parler que de la seule région de Dakar, les listes de Benno Bokk Yaakar ne s’en sont pas trop mal sorties. Et ce même s’il est incontestable que le Président a beaucoup perdu de sa popularité en deux ans seulement. La faute à un immobilisme qui ne s’explique pas, à une chasse aux sorcières contre certains dignitaires de l’ancien régime qui ressemble à une justice des vainqueurs, à une interdiction de séjour décrétée contre l’argent dit sale (nous, on n’arrive toujours pas à comprendre comment le distinguer de l’argent dit propre), à une priorité donnée à la politique politicienne et à la massification de l’APR au détriment de l’économie, à des erreurs de castings manifestes dans les nominations aux postes de responsabilités comme les ministères, la direction des sociétés nationales, les ambassades… bref partout. Des errements que nous n’avons pas cessé de dénoncer depuis 18 mois au moins en prévenant que le président de la République allait droit dans le mur. Nous n’avons pas été écoutés. De manière générale, tous ceux qui ont tenté d’alerter le président de la République en ont été pour leurs frais.
 
Cela dit, tout n’est peut-être pas irrémédiablement perdu pour lui s’il prend la mesure du terrible avertissement que lui ont adressé nos compatriotes, en particulier le peuple de Dakar. Nous n’aurons pas la prétention de lui indiquer ce qu’il doit faire car nous supposons qu’il le sait mieux que nous. Ce qu’on peut souhaiter, en revanche, c’est qu’il desserre la vis de la politique d’austérité économique qui ne dit pas son nom menée actuellement, qu’il tienne davantage compte des intérêts des hommes d’affaires nationaux qui sont trop marginalisés dans leur propre pays, qu’il cesse cette chasse aux sorcières contre-productive et ces emprisonnements tous azimuts dont le plus injuste est celui du président Hissène Habré qui doit être libéré en même temps que Karim Wade. Il est aussi souhaitable qu’il lance enfin de grands travaux d’infrastructures en s’affranchissant si possible de toutes ces dispositions contraignantes du Code des marchés publics et autres structures comme l’Armp. Ce qui suppose, bien sûr, qu’il se libère aussi vis-à-vis des Ong droits de l’hommistes qui semblent tant inspirer son action.
 
Surtout, surtout, le président devrait se convaincre que les Sénégalais en général et les Dakarois en particulier qui ont sanctionné ses listes dimanche ne peuvent être influencés par aucun homme politique, par les responsables de l’APR encore moins. Ils ont apprécié positivement le bilan du maire de Dakar, M. Khalifa Ababacar Sall, et on voté pour lui. C’est tout. Ces gens-là, qui constituent la majorité silencieuse, ne sont membres d’aucun parti politique et ne vont pas dans les meetings. Ils regardent les réalisations, ils écoutent, ils apprécient à leur propre niveau les  conséquences des politiques menées et font leur choix. Croire que tel ou tel responsable de l’APR ou tel ou tel transhumant peut les influencer, c’est se gourer. Encore une fois, la meilleure manière de les convaincre, c’est de faire des réalisations concrètes. Ce qui passe par la formation d’un gouvernement composé de compétences, peu importe qu’elles soient étiquetées politiquement ou pas. La même chose devrait prévaloir au niveau de la nomination des dirigeants des sociétés nationales, la carte de l’Apr ne devant pas être le seul sésame. Mais bon, c’est le président de la République qui a été élu par les Sénégalais en mars 2012, c’est lui qui sera sanctionné positivement ou négativement en 2017. Ou en 2019. A lui de savoir bien s’entourer et de mener de bonnes politiques s’il veut être élu…  Dans tous les cas, il sera jugé à ses résultats.    
   
Mamadou Oumar NDIAYE
Article paru dans « Le Témoin » N° 1171 –Hebdomadaire Sénégalais (JUILLET 2014)



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