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AFRIQUE

Sénégal : Quand l’Etat et la SDE s’empêtrent dans leurs propres mensonges


Alwihda Info | Par Serigne Saliou Guèye - 29 Septembre 2013



Le président du Sénégal Macky Sall. | REUTERS
Le président du Sénégal Macky Sall. | REUTERS
La capitale, dont le ravitaillement en eau est tributaire de l’usine de Keur Momar Sarr, est confrontée depuis deux semaines à une grave pénurie d’eau potable. Cette situation est aggravée par la forte chaleur hivernale qui contraint les populations à augmenter leur consommation d’eau. Or, du fait de la pénurie consécutive à une panne au niveau de l’usine SDE (Sénégalaise des Eaux) de Keur Momar Sarr, les ménages sont obligés de veiller toute la nuit pour guetter la moindre goutte d’eau qui coulerait de leurs robinets. Ainsi dès potron-minet des femmes, les bassines sur la tête et seaux retenus autour des reins par des cordes, des jeunes garçons portant jerricans et autres bouteilles vides d’eau minérale à la main parcourent les quartiers à la recherche du précieux liquide. Le spectacle qu’offrent les chercheurs d’eau est désolant voire pitoyable. Ils courent dans toutes les directions où ils espèrent trouver quelques gouttes du liquide précieux devenu subitement introuvable. Dans tous les quartiers de Dakar, les robinets sont à sec pendant des jours entiers. Dans la banlieue, autour de pompes manuelles où au bord des puits, les femmes abattues forment de longues files dans l’hypothétique espoir d’avoir quelques centilitres d’eau. Les vendeurs du précieux liquide, eux, profitent de la pénurie pour proposer des bonbonnes de dix et de vingt litres d’eau à 100 et 200 francs CFA respectivement. Certains charretiers se rabattent même sur les eaux insalubres du bassin de rétention en contrebas du pont de la Patte-d’oie au vu et au su de tout le monde pour remplir leurs fûts de 200 litres avant d’aller la vendre. On nous dit que cette eau insalubre est destinée aux travaux de maçonnerie. Mais qui sait si ces charretiers peu scrupuleux ne la vendront pas dans des quartiers éloignés où elle servira à un usage domestique avec tous les risques sanitaires que cela comporte ? Très insuffisants, les camions citernes affrétés par la SDE ne desservent sélectivement qu’une infime partie des populations éprouvées. Le reste, la grande partie, est abandonné à son triste sort.

Les autorités sont aux abonnés absents. La direction de la SDE n’ose plus se prononcer à travers les médias tant elle a donné des échéances de retour à la normale de la situation qui n’ont pas été respectées. L’Etat et la SDE ont tellement promis lors de cette crise qu’ils s’emberlificotent dans leurs propres mensonges. Seul le ministre de l’Hydraulique, contraint, s’est adressé avec gêne et confusion aux populations qui, d’ailleurs, dans leur grande majorité, ne l’ont même pas suivi à la télé ni écouté dans les radios tellement elles sont occupées à la recherche désespérée d’eau pour boire, faire leur toilette, préparer à manger ou faire leur lessive. En sus, les populations en souffrance n’accordent plus de crédit à ces autorités qui excellent plus dans l’art du mensonge que dans la mise en oeuvre de solutions aux difficultés qui les assaillent. Pendant ce temps, le président de la République, insouciant et insensible aux souffrances des populations privées d’eau, plastronne avec sa délégation payée aux frais de la République à l’Assemblée générale des Nations Unies où aucune décision majeure faisant progresser les pays pauvres n’a jamais été prise. Le Premier ministre, qui a pourtant l’habitude de pérorer dans les médias à propos des sujets les plus futiles, est frappé soudainement de mutité. Indépendamment de sa fausse rage lors de sa visite d’hier des installations de Keur Momar Sarr, la seule intervention pathétique et non empathique de l’Etat est consignée dans un communiqué laconique signé Aminata Touré et dans lequel elle exprime faussement la compassion des autorités gouvernementales face au calvaire que vivent les habitants de la capitale. Où se terrent les dirigeants des associations consuméristes que sont l’Association de défense de l'eau, de l'électricité, des télécommunications et des services (ADETELS), l’Association sénégalaise pour la défense de l'environnement et des consommateurs (ASDEC), l’Association pour la défense de l'environnement et des consommateurs (ADEC), l’Union nationale des consommateurs sénégalais (UNCS), l’Association des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN), SOS consommateurs ? Momar Ndao et Massokhna Kane, au lieu d’appeler à des actions concrètes sur le terrain pour exiger le ravitaillement intégral en eau de toute la capitale, se signalent par des interventions médiatiques stériles pour menacer d’une pseudo-plainte la SDE ou pour demander un dédommagement en faveur des usagers éreintés par la recherche lassante du liquide introuvable. Où se tapissent ces associations des droits de l’homme si promptes à occuper l’espace médiatique quand il s’agit d’affaires préoccupant peu les Sénégalais comme celle de Habré et de la traque des biens mal acquis ? Ou bien le droit à l’eau potable ne fait pas partie de la palette des droits de l’homme ? Où est le Forum civil qui ne devrait pas tarder à dénoncer tout ce halo de manque de transparence qui entoure l’achat récent de la conduite d’eau défaillante ? Où sont les tonitruants imams de Guédiawaye qui ont sonné la révolte sous le régime d’Abdoulaye Wade quand la fréquence et la récurrence des délestages asphyxiaient tout le Sénégal ? Où sont les maîtres coraniques et autres oustaz tant enclins à marcher quand leurs médersas insalubres étaient menacées de fermeture ? Où sont les guides spirituels mutiques sur les souffrances populaires mais très empressés à bénir les autorités politiques qui les courtisent avec des mallettes de billets de banque craquants ? Enfin, où est l’opposition politique démocratique qui a chialé à tout-va pendant des semaines quand un ministre de l’Intérieur coloré politiquement a été nommé récemment ou quand la rumeur a couru d’un éventuel report des élections locales ? Où est « Y en a marre » qui galvanisait le peuple sur de futiles questions électorales ? Hélas, face au manque d’eau, les populations déboussolées sont laissées à elles-mêmes.

C’est grave voire honteux que dans un pays comme le nôtre qui prétend frapper à la porte de l’émergence, on entende toujours parler de coupures d’eau et d’électricité, surtout dans la capitale. Et pour quelles raisons ? Des installations dépassées, des matériaux obsolètes, une technologie surannée ! Qu’attendent les autorités élues pour atténuer les souffrances populaires en remédiant à cette pénurie qui dure et perdure ? Après 53 ans d’indépendance, nos régimes successifs ne font que du sur-place. Nonobstant tous les milliards dépensés et le supposé manque de transparence qui entourait le plan « Takkal », l’ex-ministre de la Terre et du Ciel, Karim Wade, avait eu l’ingéniosité d’inventer un système efficace de résolution transitoire de la pénurie d’électricité. Si elles veulent que la comparaison soit à leur avantage, que les autorités actuelles inventent le plan « Naanal » au grand bénéfice des populations martyrisées !

Au lieu de divertir le peuple avec la promesse de faire payer la facture d’eau des pauvres par les riches au moment où la soif tue les habitants, le président de la République ferait mieux de régler cette longue pénurie d’eau qui a atteint des proportions insupportables. Les Sénégalais ne se sont jamais plaints de la cherté de l’eau mais de sa rareté et, souvent, de son insalubrité. En attendant que le ciel ouvre ses vannes pour pallier le manque d’eau, les Dakarois continuent de porter leur croix du fait du calvaire que leur fait vivre la SDE. Qui viendra donc les sauver ?

Serigne Saliou Guèye
« Le Témoin » N° 1138 –Hebdomadaire Sénégalais ( SEPTEMBRE 2013)



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