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AFRIQUE

Sénégal/Sonatel : Les travailleurs en guerre contre les projets de « mutualisation » et d’ « externalisation » de la direction

Ils ne veulent pas être pressés… comme une Orange !


Alwihda Info | Par Moustapha BOYE - 1 Octobre 2013



On croyait que certaines mœurs propres aux capitalistes purs et durs n’auraient jamais cours dans nos contrées, particulièrement de ce côté-ci de l’Atlantique et notamment au Sud du Sahara. L’une d’entre elles, qui avait scandalisé en Europe où la mode consistait — consiste toujours d’ailleurs — à afficher des profits record… avant de licencier une partie du personnel, histoire d’augmenter encore plus la rentabilité de l’entreprise et de gonfler les profits des actionnaires. Eh bien, elle serait en passe de s’acclimater dans notre doux climat. Du moins si l’on en croit les employés de la Sonatel qui sont sur le pied de guerre pour combattre de vilains projets prêtés à la direction générale de leur entreprise, et, par-delà elle, à l’opérateur France Télécom. D’après les syndicalistes de la boîte, la direction aurait concocté un plan secret visant à mettre à la porte la moitié du personnel d’ici 2016. Oh rassurez-vous, il ne s’agit pas licenciements « secs » ni de charrettes. Simplement, ces employés seraient reversés dans

des sociétés dont la création aura été suscitée et fortement aidée par France Télécom. Et officiellement, ces travailleurs ne perdraient aucun de leurs avantages. Surtout que les sociétés où ils vont être reversés vont travailler avec la Sonatel qui leur fourguera généreusement des marchés. Officiellement, il s’agit de « mutualiser » les moyens de France Télécom, qui opère sous la marque commerciale Orange, et d’externaliser certaines activités comme c’est déjà le cas un peu partout au niveau des accueils commerciaux ou des raccordements de lignes. France Télécom disposant de plusieurs filiales en Afrique, notamment de l’Ouest, les moyens seront donc mis en commun, l’objectif étant de faire effectuer une cure d’amaigrissement à l’entreprise… Laquelle pourra générer encore plus de bénéfices pour le plus grand bonheur des actionnaires dont, pour ce qui concerne la Sonatel, France Télécom qui contrôle 42 % des parts. Une externalisation et une mutualisation jugées d’autant plus incongrues que, rien que pour le premier semestre de l’année en cours, la Sonatel a déjà réalisé un bénéfice de… 91 milliards de francs ! L’excellent résultat de 2012, année faste au cours de laquelle l’opérateur historique sénégalais avait fait 174 milliards de francs de bénéfices, est donc en passe d’être pulvérisé…

Dans ces conditions, évidemment, les travailleurs ne voient pas au nom de quoi ils devraient être sacrifiés

sur l’autel de la recherche de plus de profits pour l’entreprise même s’ils en sont actionnaires à hauteur de 10 %. Surtout que rien ne leur garantira que la Sonatel ne retirera pas les marchés qu’elle promet aux entreprises satellites d’ici deux ou trois ans, entraînant leur licenciement économique. Et puis, il y a l’aspect stratégique. Comme nous le confie un syndicaliste de la boîte, « les télécommunications sont un instrument de souveraineté des Etats, par conséquent on ne peut pas accepter un mariage de la carpe et du lapin du genre de celui qu’on veut nos proposer avec Orange Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays, il s’agit d’une filiale contrôlée à plus de 50 % par France Télécom alors qu’au Sénégal, cette dernière société n’est encore qu’à 40 % et la Sonatel reste encore l’opérateur historique ». Un silence, puis notre interlocuteur reprend par cette métaphore sportive qui prend tout son sens à la veille d’un célèbre match : « de toutes façons, on n’a jamais vu des Eléphants se marier avec des « Lions » ! Autre reproche fait à la direction : une volonté d’abandonner progressivement le cœur de métier de la Sonatel, à savoir les télécommunications, pour glisser vers les activités parabancaires comme « Orange Money »

Dans une note affichée un peu partout, le directeur général a pourtant démenti tout projet de licenciement ou tout plan social mais les travailleurs restent méfiants et mobilisés. Hier, ils ont tenu une

assemblée générale au cours de laquelle les oreilles de la direction et de France Télécom ont sifflé et ils risquent de se faire entendre aujourd’hui à l’occasion d’un conseil d’administration de tous les dangers qui va se tenir à Dakar.

Au-delà des travailleurs de la Sonatel, certains au gouvernement soupçonnent France Télécoms de vouloir dépouiller la Sonatel de manière à faire baisser sa valeur au moment de la renégociation de la convention liant l’opérateur français à l’Etat du Sénégal. Une convention qui expire en 2016. Au moment où, ces jours-ci, il est vertement reproché au gouvernement d’avoir bradé le secteur de l’Eau à l’opérateur français Bouygues, il ne manquerait plus que France Télécom soit accusée de dépecer la Sonatel en vue d’une nouvelle convention au rabais…

Moustapha BOYE
« Le Témoin » N° 1138 –Hebdomadaire Sénégalais ( SEPTEMBRE 2013)



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