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INTERVIEW

Soudan: le leader du MJE se défend d'avoir été défait par le régime de Khartoum


Alwihda Info | Par - ҖЭBIЯ - - 23 Mai 2008


Je vous jure par trois fois que nous n'avons perdu que 20 personnes dans Omdourman et les forces gouvernementales ont perdu environ 2500 personnes. Nous n'avons pas d'autre choix que de faire la guerre et de précipiter la chute du régime. Nous avons la possibilité de précipiter sa chute et nous travaillons en ce moment pour ça. Le gouvernement n'a d'autre moyen actuellement que de pleurnicher dans le média.


Soudan: le leader du MJE se défend d'avoir été défait par le régime de Khartoum

Arrivé dans la capitale tchadienne en début de semaine, Khalil Ibrahim répond par téléphone aux questions du journal saoudien

Question: Le gouvernement soudanais a affirmé que vous n'étiez pas avec vos forces lors de l'offensive de Omdourman le 10 mai et que vous êtes même traqué dans le Darfour. Que répondez-vous?

Dr. Khalil: Tout d'abord je vous remercie pour avoir couvert l'événement de Khartoum sans parti pris. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi votre journal pour faire passer mon message. Les allégations du gouvernement Elbéchir sont mensongères. Moi, je suis resté plus de 72 heures à Omdourman parmi la population. Le gouvernement n'a pas pu me tuer ni m'arrêter. Je ne suis pas pourchassé et mes forces sont à Kordofan et dans le Darfour. Ce sont les forces gouvernementales qui sont poursuivies et pas nous. Nous nous sommes retirés de Khartoum conformément à notre volonté. Nous avons la possibilité de faire chuter le régime mais nous n'avons pas voulu.

Maintenant, nous nous préparons pour se débarrasser définitivement du régime puisqu'il n'a jamais été sérieux pour faire la paix. Nous avons déjà signé un cessez-le-feu en avril 2004 mais ça n'a pas empêché le gouvernement soudanais de poursuivre la violence dans le Darfour. Depuis l'échec en 2005 à Abuja (Nigeria) des négociations de paix, le gouvernement ne donnait aucune importance à la médiation de l'ONU et de l'UA. Avec toutes mes considérations pour les missions de Jian Eliasson de l'ONU et Salem Ahmed Salem de l'UA, je crois que leur médiation a besoin d'être beaucoup plus efficace et un soutien des grandes puissances surtout des Etats unis d'Amérique, de l'Union européenne, de la Grande Bretagne et de la France. Nous souhaitons que ces pays jouent un rôle important dans la recherche d'une solution pacifique.

Question : Vous dites que vous avez dirigé les affrontements de Omdourman alors que le gouvernement dit que vous avez fui ?

Dr. Khalil: Je suis rentré à Omdourman par Dongola qui est à 42 km au Nord de la capitale. J'ai emprunté la route officielle (goudronnée) pour ouvrir la voie à mes forces. J'étais en première ligne jusqu'à la base militaire de Wadi Sayidna puis nous avons occupé le quartier Almouhandissine, le pont de Omdourman, le pont de Nil Al-Abyad. Nos forces sont entrées dans la capitale Khartoum. Nous nous sommes promenés dans Omdourman et ses banlieues. Je sui resté plus de 72 heures et toute la population de Omdourman m'a vu puisque je n'étais pas masqué.

Ce sont les dignitaires du régime qui se sont cachés. Ils ont eu peur de venir me voir. Il faudrait qu'ils disent où étaient-ils quand nos forces sont entrées dans la capitale. Ils étaient incapables de lever la tête pour voir ce qui se passe autour d'eux. Le Soudan ne mérite pas d'être dirigé par ces gens. Je vous assure que nous allons revenir dans la capitale et ils seront incapables de lever la tête pour nous voir. Par lâcheté, ils ont arrêté des femmes y compris mon épouse qui n'ont rien à voir avec ce qui se passe.

Question : Pourtant votre offensive est qualifiée par beaucoup d'analystes politiques de suicidaire?

Dr. Khalil: C'est totalement faux. Au contraire, c'est une opération d’un grand succès puisque nous l'avons très bien étudiée. A défaut de trouver d'autre voie, nous avons décidé d'envoyer un message clair au régime soudanais en le frappant au cœur de ses institutions. En tout cas, l'option pacifique reste toujours valable pour nous. Si Elbéchir, Nafi et le directeur des renseignements Salah Goshe continuent à s'entêter, nous avons la possibilité de les punir. Tout le monde sait qu'ils sont cachés dans le sous sol et que l'avion du Président Elbéchir qui venait de l'Arabie Saoudite a atterri à Kenana et non à Khartoum. L'expérience nous a appris que le régime est un tigre en carton. Il vient d'être vaincu par l'armée populaire à Abyé. La puissance du régime réside dans la communication qu'il possède. Nous sommes prêts à les frapper s'ils continuent dans leur politique néfaste. Nous savons qu'ils sont déjà prêts à quitter la capitale au moindre clash puisqu'ils ont transféré tout ce qu'ils possèdent comme fortune en dehors du Soudan. Leurs avions sont déjà prêts à s'envoler pour l'étranger.

Question : Le gouvernement soudanais a demandé à Interpole de vous arrêter. Avez-vous peur d'être arrêté ?

Dr. Khalil : Premièrement, il faut comprendre que Interpole n'arrête pas quelqu'un qui mène une lutte juste. Je suis président d'un mouvement plus reconnu que le gouvernement d'Elbechir. Nous recevons des délégations du monde entier dans nos territoires occupés. Notre mouvement exerce une activité politique légale contre un gouvernement criminel qui tue ses citoyens, qui est responsable d'un génocide contre son propre peuple. Je ne reconnais pas ce gouvernement.

Secundo, il existe au Soudan trois gouvernements qui se disputent le pouvoir. Le Sud est dirigé par le SPL (de John Garang), Le Darfour est dirigé par notre mouvement le MJE et le triangle de Khartoum est dirigé par le Congrès national d'Elbéchir (parti au pouvoir). S'ils disent que nous sommes des rebelles puisque nous sommes en possession des armes alors dans ce cas, le SPL et le Congrès national sont tous des rebelles puisqu'ils sont armés. Elbechir s'est emparé du pouvoir par un coup d'Etat militaire. Il s'est rebellé contre l'armée. Finalement, nous sommes tous des rebelles et en conflit ouvert avec le parti au pouvoir, le Congrès national.

Troisièmement, vous savez que cette bande au pouvoir est impliquée dans un crime de guerre et poursuivie par le tribunal pénal internationale pour génocide dans le Darfour. Vous savez aussi qu'ils ont planifié l'assassinat du président égyptien Mohamed Hosni Moubarak. Le jour où nous arrivons au pouvoir, nous allons les juger conformément à la loi.

Question : Comment avez vous décidé d'attaquer la capitale et quelles sont vos raisons ?

Dr. Khalil : La décision d'attaquer la capitale a été prise lors d'une assemblée générale, fin 2007. C'était une décision pour sauver nos frères du Darfour par la paix ou la guerre. Nous avons constaté que le gouvernement exploite la situation du Darfour dans l'échiquier internationale. Nous sommes majoritaire et nous n'admettons pas cela. Après son échec à Omdourman, le régime est en train de procéder au nettoyage ethnique contre les citoyens du Darfour, dans la capitale et ailleurs. Nous le mettons en garde car nous n'allons pas rester les bras croisés. Nous lançons un appel aux organisations de défense des droits de l'homme afin de faire cesser ces graves violations des droits de l'homme.

Questions : Comme le gouvernement, vous avancez des bilans contradictoires. Quel est le nombre exact de vos morts ?

Dr. Khalil: Je vous jure par trois fois que nous n'avons perdu que vingt personnes dans Omdourman (…) et les forces gouvernementales ont perdu environ 2500 personnes.

Question : Le gouvernement considère que les moyens utilisés par votre mouvement proviennent du Tchad et d'autre pays qu'il n'a pas voulu citer. Il accuse ces pays de vous avoir entraîné, financé et équipé.

Dr. Khalil: Il s'est avéré que le gouvernement d'Elbéchir est sous informé par rapport à la capacité de notre mouvement. Accuser le Tchad de nous soutenir est un mensonge grossier. Le gouvernement d'Elbéchir a accusé tout le monde : le Tchad, l'Amérique, la France et Israël. Le matériel en notre possession provient de l'armée soudanaise qui refuse de nous combattre. Nous partageons avec le Ministère de la défense les mêmes armes, munitions et véhicules qui lui proviennent de l'argent du pétrole. Je vous promets que nous allons rentrer à Khartoum en pleine matinée pas comme la dernière fois où j'ai eu un retard.

Question : Mais le gouvernement estime qu'il est capable de vous arrêter ou de vous assassiner ?

Dr. Khalil: Celui qui est capable de faire cela ne demande pas l'aide d'Interpole. Puis Interpole poursuit ceux qui se trouvent à l'étranger alors que moi je me trouve chez moi.

Question : Que sont devenus les membres de votre mouvement détenus en Egypte ?

Dr. Khalil: Je saisis l'occasion pour demander au président Moubarak et au ministre des renseignements Omar Suleyman d'intervenir pour libérer nos responsables détenus et de ne pas prendre en compte les allégations du gouvernement d’Elbéchir. Le MJE jouit d'une large masse populaire. Les personnes détenues sont : Ahmed Teguet Lissane, Dr. Mahamat Ali et Mahamat Hissène Charaf.

Question : Croyez-vous qu'il est possible de revenir à la table de négociation et mettre fin à l'effusion de sang ?

Dr. Khalil: Nous n'avons pas d'autre choix que de faire la guerre et de précipiter la chute du régime s'il refuse la voie pacifique. Nous avons la possibilité de précipiter sa chute et nous travaillons en ce moment pour ça. Le gouvernement n'a d'autre moyen actuellement que de pleurnicher dans le média.

Question : Peut-on considérer que la guerre s'est déplacée dans la capitale ?

Dr. Khalil : La guerre ne se fera plus jamais dans le Darfour mais dans la capitale. Désormais c'est dans la capitale que nous allons mener la guerre si le régime continue à bouder le processus de paix. Le MJE n'est pas seul dans sa lutte contre le régime, il jouit d'un soutien populaire c'est pourquoi nous appelons toutes les forces politiques de l'opposition à former un front national commun pour se débarrasser du régime. Je saisis l'occasion pour lancer un appel pressant aux différents mouvements dans le Darfour à faire l'unité.

Question : Vous combattez un gouvernement dont vous en étiez membre ! N'est ce pas une contradiction ?

Dr. Khalil : Certes, j'étais membre de ce gouvernement quand il prétendait lutter pour la justice et l'égalité mais dès l'instant où je me suis rendu compte que c'est une bande d'escrocs responsables de détournement des ressources nationales, exploitant la religion musulmane pour des fins personnels, j'ai pris les armes pour les combattre.

Question : Existe t-il de tentative de médiation internationale ou régionale ? Si oui, comment réagissez-vous ?

Dr. Khalil : Il existe plusieurs tentatives de médiation mais nous avons estimé qu'il est très tôt de parler de cela puisque Khartoum a perdu la raison et vit une sorte de panique en raison de leur défaite. Notre vision est claire et tourne autour de la question suivante : Comment diriger le Soudan ? Nous sommes les propriétaires des terres et notre présence à Khartoum date de milliers d'années alors que les dirigeants de ce système n'ont aucune identité connues et nous les considérons comme des colons.

Questions : Pourtant beaucoup pensent que votre mouvement le MJE et le régime d'Elbéchir sont les deux faces d'une même pièce puisque vous appelez à l'instauration d'un régime islamiste à Khartoum?


Dr. Khalil : Vous ne trouvez nulle part une seule déclaration ou un seul passage d'un responsable quelconque du MJE qui évoque l'instauration d'un état religieux au Soudan. Nous sommes pour un congrès général de toutes les régions du Soudan qui doit reconnaître (légaliser) la diversité religieuse, raciale et culturelle au Soudan… En ma qualité de médecin spécialiste en épidémiologie, j'ai constaté que des épidémies ont provoqué la mort d'un grand nombre des citoyens soudanais. On peut réduire le nombre de morts en envisageant des vrais programmes de développement. Malheureusement cela n'est possible qu'après le départ de ce régime criminel.

Question : Allez vous collaborer avec les partis politiques qui ont condamné votre offensive sur Omdurman ?

Dr. Khalil : Le MJE respecte la liberté d'expression mais qu'est-ce qu'on peut attendre de partis crées sur la base de la peur ? Certains qui ont d'ailleurs exercé par le passé la même « violence » que nous, condamnent aujourd'hui notre offensive. Nous considérons que le parti communiste est le plus proche de nous surtout que nous avons la même vison dans les domaines économique et démocratique, puisqu'il s'appuie comme nous sur la justice. Nous devons remercier alors tous ceux qui ont soutenu notre action militaire d'Omdurman.

Question : Le régime évoque votre lien avec le parti du congrès populaire du Dr. Altourabi. Que dites vous ?

Dr. Khalil : Nous n'entretenons pas de relation exceptionnelle avec le parti de Tourabi. Ce sont des relations ordinaires comme d'ailleurs c'est le cas avec tous les partis politiques. Le régime sait très bien que le parti de Tourabi n'a aucun lien avec l'opération « le long bras » de Omdurman.

Question : Avez vous des relations avec le mouvement populaire pour la libération du Soudan ? Et avez-vous rencontré son président Salva Kiir ?

Dr. Khalil : Nous allons procéder au renforcement des relations que nous entretenons déjà avec le mouvement populaire pour la libération du Soudan qui est bien placé pour comprendre la lutte des marginalisés. Le défunt John Garangh était un des leaders des marginalisés. Grâce à lui, plusieurs mouvements de marginalisés sont crées partout dans le pays pour revendiquer leurs droits. Nous sommes contre la séparation du Sud mais nous ne voyons aucun inconvénient pour que SalVa Kiir devienne le président du Soudan. La dernière fois que j'ai rencontré SalVa Kiir était au Caire en 2007 et je souhaite le rencontrer pour échanger nos points de vue.

Question : Enfin, comment voyez vous l'avenir de ce pays avec toutes ses complexités ? Etes vous optimistes ?

Dr. Khalil : Je pense que l'avenir du Soudan sera prospère. Il restera un pays uni dans lequel vont vivre en paix ses fils. Avec tout ce qu'il possède comme ressources, il sera le meilleur pays au Monde mais il faut que ses régions se rapprochent pour réaliser la paix. L'armée soudanaise est la seule au Monde qui tue son peuple depuis 1956. Nous cherchons à réaliser la paix entre tous les fils du pays et je suis optimiste. Le premier pas allant vers ce sens est le départ de ce régime s'il refuse que ce pays soit gouverné sur des bases démocratiques respectant les droits de tous les soudanais.

Propos recueillis par Mustapha Alsiri


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