Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
INTERVIEW

Tchad: Mahamat Nouri se confie à Marchés Tropicaux


Alwihda Info | Par - Җ€BIЯ - - 26 Février 2008


"Nous ne trouverons la solution qu'autour d'une table ronde qui doit regrouper les politico-militaires, les partis politiques, les membres de la société civile et les associations de défense des droits de l'Homme. Mais actuellement nous posons une seule condition : la libération des chefs de partis politiques qui ont été arrêtés. Une visite du président Sarkozy dans la phase actuelle serait une insulte à notre peuple. Idriss Déby était il y a quelques jours acculé dans son blockhaus, protégé par des troupes françaises. Si le président français vient à N'Djaména lui dire « je suis avec vous, je vous soutiendrai », alors nous désapprouvons totalement cette façon de faire." Le général Mahamat Nouri


Tchad: Mahamat Nouri se confie à Marchés Tropicaux
Le général Nouri, président de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), co-dirige avec le neveu du président tchadien Timane Erdimi à la tête du RFC et le président de l’UFDD-Fondamentale Abdelwahid Aboud Makaye les forces rebelles coalisées. Cet homme de 61 ans fut ministre de la Défense du président Déby il y a cinq ans avant d'être nommé ambassadeur du Tchad en Arabie Saoudite, un poste dont il démissionna avec fracas pour regagner le maquis. Considéré par certains observateurs comme « le rebelle préféré du Soudan », Mahamat Nouri se présente ici comme un démocrate prêt à laisser le pouvoir à un Forum national en cas de victoire, après des dissensions avouées entre lui et Timane Erdimi lors de l’attaque de N’Djamena début février. Selon certaines sources, l’UFDD du général Nouri compterait actuellement plus de 7 000 hommes dans ses rangs, réunies dans la région de Goz Beïda où elles sont prêtes à refaire route vers N’Djamena.

Marchés tropicaux : Le ministre tchadien des Relations extérieures M. Allam-Mi affirme être en contact en vue de négociations avec des éléments rebelles présents à N'Djaména. Quelle est votre réponse, et de quelle faction s'agit-il ?
Mahamat Nouri : Pour ce qui nous concerne (l'UFDD) nous n'avons pris aucun contact avec le gouvernement tchadien. Nous avons toujours dit que le problème du Tchad est un problème politique, qui doit trouver une solution politique et nous sommes prêts à entrer en négociation dans le cadre d'un forum national. Mais concernant les fameux contacts évoqués par M. Allam-Mi, aucune composante de l'Alliance ne nous a dit être en contact avec les autorités tchadiennes. Nous réfutons ces propos.

Accepteriez-vous de répondre à une proposition de négociation d'Idriss Déby, et à quelles conditions ?
Nous ne trouverons la solution qu'autour d'une table ronde qui doit regrouper les politico-militaires, les partis politiques, les membres de la société civile et les associations de défense des droits de l'Homme. Mais actuellement nous posons une seule condition : la libération des chefs de partis politiques qui ont été arrêtés.

Si vous deviez prendre le pouvoir à N'Djaména, quel type de régime souhaiteriez-vous instaurer ?
En cas de départ d'Idriss (Déby, ndlr), nous proposons deux schémas.. D'abord un forum national, comme je vous l'expliquais, qui devra bien sûr mettre en place une transition. Le forum national sera souverain. Moi je n'ai rien à imposer à ce forum. C'est autour de cette table ronde que nous devrons arrêter les grandes orientations du pays. À ces assises, nous déciderons comment sortir le Tchad du drame actuel. Le Tchad ne sera plus jamais ce qu'il a été hier. Le monde a évolué, les Tchadiens ont évolué, je suis persuadé que le régime de demain au Tchad sera un régime démocratique qui répondra aux aspirations du peuple.

Accepteriez-vous que cette transition soit dirigée par un opposant politique, ou par une personne issue de la société civile ?
Moi j'accepterai toute proposition de cette rencontre nationale. Personnellement, je suis prêt à céder la première place à quiconque sera choisi par la majorité des Tchadiens qui s'y réuniront. Aucune famille, aucune tribu, aucun parti politique ne pourra plus diriger le Tchad par la force. C'est par la volonté populaire et selon des règles démocratiques que le Tchad sera gouverné.

On sait que la France, en soutenant Idriss Déby, préserve un certain nombre d'intérêts diplomatiques et militaires. Comment voyez-vous les relations entre le Tchad et la France en cas de renversement du président Déby ?
Les relations entre la France et le Tchad sont très anciennes. Nous avons avec la France une communauté d'histoire, de religion, de sang, de culture. Ces relations ne seront pas rompues d'un coup de baguette magique. Le gouvernement français paraît aujourd'hui ami d'Idriss Déby contre notre peuple. Mais je dis bien le gouvernement, pas le peuple français. La France sera toujours un partenaire privilégié du Tchad. Personne ne peut rien contre ça. Les relations seront revues, de la manière la plus contructive, afin que les Français sachent que le Tchad est un ami de la France.

Tchad: Mahamat Nouri se confie à Marchés Tropicaux
Et vos relations avec le reste de l'Europe, incarnée aujourd'hui dans votre pays par la force européenne de maintien de la paix, Eufor ?
La lecture que je fais aujourd'hui de cette situation est que l'Europe fait beaucoup pour le développement du Tchad. En ce qui concerne l'Eufor, si la force européenne arrive au Tchad pour assurer la sécurité des personnes déplacées et des réfugiés soudanais au Tchad, cette force sera la bienvenue.
Mais composée en majorité de Français, si cette force vient au Tchad pour appuyer Idriss Déby, si elle se pose entre Idriss Déby et notre peuple, alors cette force devient un ennemi du peuple du Tchad. J'ai la conviction que les Européens ne soutiendront pas Déby, malgré les efforts des Français. D'ailleurs l'Eufor a été décidée sur initiative française. Les Nations unies ont donné le feu vert pour soutenir Idriss Déby sur une initiative française. Si, sous commandement français, l'Eufor s'attaque à nos positions, évidemment nous serons obligés de répondre.

Pouvez-vous me donner votre point de vue sur l'affaire de l'Arche de Zoé ?
Les membres de cette association ont peut-être commis des erreurs malgré leurs bonnes intentions, de sauver des enfants du Darfour. Et je crois à leurs bonnes intentions. Mais malheureusement notre justice a été embarquée dans une mascarade par Idriss Déby. Nous désapprouvons totalement le comportement de notre justice dans cette affaire. Du reste, on a parlé de pédophilie, de trafic d'organes humains et que sais-je encore. Dès le départ nous avons communiqué sur le fait qu'Idriss Déby utilisait cette affaire pour redorer son image de marque auprès du peuple tchadien. Que le gouvernement du Tchad ne nous dise pas qu'il ignorait ce qui se passait. Il était parfaitement au courant de ce que faisait cette association, du déplacement des enfants à Abéché. Le gouvernement tchadien avait autorisé ces actions. Je crois que notre justice n'a pas instruit ce dossier, et que c'est un dossier totalement à réinstruire.

Quelle serait votre réaction à une visite du président français Nicolas Sarkozy fin février à N'Djaména ?
Une visite du président Sarkozy dans la phase actuelle serait une insulte à notre peuple. Idriss Déby était il y a quelques jours acculé dans son blockhaus, protégé par des troupes françaises. Si le président français vient à N'Djaména lui dire « je suis avec vous, je vous soutiendrai », alors nous désapprouvons totalement cette façon de faire.

Propos recueillis par Myrtille Delamarche



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)