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ANALYSE

LE PEN – MACRON : le choix imposé entre deux losers


Alwihda Info | Par Aliou TALL - 7 Mai 2017


L’élection présidentielle de 2017 est marquée par une cacophonie politique qui n’honore pas la France. La démocratie électorale française était presque irréprochable, et servait de modèle à d’autres nations. Mais le scénario de cette élection est digne d’une république bananière africaine. La médiocrité de l’offre politique, surtout au 2ème tour, est corroborée par le choix imposé entre deux losers, propulsés par les medias et des micmacs ; soutenus par des opportunistes et assoiffés de pouvoir.


1er loser : la démocratie française.

Jamais une élection présidentielle française n’aura été aussi pitoyable. Les affaires judiciaires déclenchées pendant la campagne présidentielle contre Fillon et Le Pen, et l’acharnement médiatique contre ces candidats ont faussé le libre jeu de la compétition électorale. On se croirait dans une dictature africaine classique, édulcorée d’un semblant de système démocratique. A cela s’ajoute une offre politique décevante qui, tantôt se résume à la distribution de la haine contre tout ce qui ne ressemble pas à la France (Immigrés, musulmans, Europe), tantôt à une remise en cause du SYSTÈME. Les micmacs au sein et entre les partis, ont altéré l’image de la démocratie française. On découvre la morale corrompue de politiques qui s’autoproclament vertueux, et aiment donner des leçons en ce sens. D’autres politiques, inlassablement complimentés comme des mastodontes de la représentation étatique, ne sont en réalité que des coquilles vides, prêts à tout pour goûter ou conserver les avantages et solennités des fonctions régaliennes. Comment expliquer qu’un Manuel Valls remette en cause, dans les faits, les résultats des primaires socialistes qu’il a perdues, en refusant de soutenir Hamon qui l’a sèchement battu, et en courtisant Macron pour espérer mettre fin à son chômage ministériel ? Comment expliquer qu’un Dupont-Aignan, qui aimait dicter des leçons de morale républicaine, se tire une balle dans le ventre en s’accouplant à l’extrême droite de Marine Le Pen, contre la promesse d’un poste de premier ministre ? Comment expliquer des ministres du parti au pouvoir, comme le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, s’aborde le navire du PS en rejoignant Macron avec qui ils espèrent continuer à savourer les délices du pouvoir ? Ces piteuses manœuvres ont profondément dégradé l’image de la démocratie française. Le jeu démocratique a aussi été faussé par des lobbies médiatiques. Notamment par des chaines d’informations qui répètent la même chose de jour comme de nuit. S’il s’avérait que BFM-TV, qui se targue d’être la première chaîne d’infos de France, est manipulée pour les intérêts de son propriétaire et de ses acolytes, alors l’information deviendrait périlleuse pour les français et pour la vie politique. Macron était chouchouté par les media et des instituts de sondage, qui ont réussi à lobotomiser une grande partie des électeurs français, pour qui le point de départ de la connaissance est : « c’est vrai, je l’ai vu à la télé ». Par ailleurs, on a du mal à concevoir que les attaques systématiques et sans relâche, notamment contre François Fillon pendant la campagne présidentielle, par des média comme « Le canard enchainé » ou « Mediapart », étaient innocentes. Sinon pourquoi ces media, et par la suite la justice, n’ont pas montré le même engouement contre tous les députés ayant employé des proches comme Fillon ? Pourquoi Mélenchon n’a pas connu le même sort, alors qu’il est ouvertement accusé d’avoir fait embaucher sa fille Maryline Mélenchon en tant qu’agent administratif au conseil général de l’Essonne, sans respecter les règles d’impartialité ; et d’être désinvolte avec l’argent public ? Un élu l’a accusé, preuves à l’appui, d’avoir signé au profit d’un camarade socialiste une facture de plus de 18 000 euros avec l’argent public, juste pour la conception d’une carte de vœux, sans la fabrication, ni l’impression; d’avoir bénéficié entre 2000 et 2002 d’une indemnité de 57 000 euros au Conseil général de l’Essonne, alors qu’il était pendant ce temps ministre délégué à l’enseignement professionnel. Malgré ces graves accusations, il n’a pas été ni inquiété ni perturbé pendant la campagne présidentielle. Au contraire les media l’encensaient.

Enfin, la démagogie typiquement française qui consiste à appeler à l’érection d’un front républicain, à chaque fois que le Front National accède au second tour de l’élection présidentielle, est un déni de démocratie. Si le Front National est un parti illégal, il faut l’interdire. Si c’est un parti légal (ce qui est le cas), c’est le front républicain qui est illégal. Les idées racistes, xénophobes, et islamophobes soutenues par le Front National sont tolérées, à partir du moment le FN a le droit de les promouvoir et qu’une partie de plus en plus importante des français les soutiennent. La France doit s’assumer ou sombrer dans une impasse républicaine.

Marine Le PEN, le loser-perdant.

Marine Le Pen a perdu son pari pour l’Elysée et jouera le mauvais perdant. Pour ne pas mourir politiquement d’ici la prochaine élection présidentielle de 2022, elle continuera à attiser la haine contre les musulmans, au prétexte de la lutte contre le terrorisme et contre un communautarisme particulier qui n’existe que dans sa tête. Les musulmans en France ne vivent pas davantage en communauté que les juifs en France. Pourtant elle épargne cette communauté sur cette question. Avec cette malhonnêteté ontologique, elle sera toujours loser. Les immigrés africains en France ne vivent pas plus en communauté que les émigrés français en Afrique. Au contraire ils s’intègrent, ou on leur impose de s’intégrer culturellement pour vivre en France ou devenir français (Connaissance de la langue française et des us et coutumes de la France exigée, répression de la polygamie, connaissance de la géographie et le l’organisation administrative et politique de la France pour les candidats à la naturalisation, etc.) Ce devoir d’intégration est légalement imposé : code des étrangers, code la nationalité, contrat d’intégration. Alors que les français en Afrique continuent de vivre leurs coutumes françaises en formant une communauté fermée, qui ne se mélange pas à la population locale et qui n’essaie aucunement à parler Bambara ou Wolof pendant leur séjour à Bamako ou à Dakar. Par exemple au Sénégal, ils habitent les mêmes quartiers chics, envoient leurs enfants dans les mêmes écoles, fréquentent les mêmes restaurants, font les mêmes distractions dans les mêmes lieux. Il n’y a pas meilleurs exemple de communautarisme d’étrangers dans leur pays d’accueil. Si Marine Le Pen compte sur ce prétexte du communautarisme africain pour devenir présidente de la France, elle sera toujours loser. Par ailleurs Marine Le Pen est condamnée à être loser depuis toujours et pour toujours, car elle n’existe que par rapport à l’héritage du nom qu’elle porte. Son parti s’apparente à une dynastie républicaine, comme celles des dictateurs africains qui ce sont approprié le pouvoir et l’ont cédé, ou ont voulu le céder à leur progéniture. Hormis son excellence dans la propagation de la haine contre les étrangers et les musulmans, ses idées pour la sécurité et le développement socioéconomique de la France sont médiocres. Mais elle est l’héritière du père Le Pen. A ce titre la direction du FN lui revient de droit. Les autres cadres de son parti doivent s’y faire ou disparaître. Cette transmission despotique de la direction du FN risque d’être perpétuée même après la « mort » politique de Marine Le Pen. La nièce Marion Maréchal, une autre Le Pen aussi médiocre que la tante Marine, est en préparation pour cette succession héréditaire. Cette imposture familiale est attentatoire au fonctionnement démocratique des partis politiques français, qui vivent en parti de l’argent public. Tant que le FN sera gangrené par ce processus dynastique, Marine Le Pen comme tout autre Le Pen à venir, seront des losers.

Macron, le loser gagnant.

Il y a trois ans, personne ne parlait de Macron. Ce 07 mai 2017 à 20h, il sera élu président de la République française. Et pourtant il n’est ni magicien, ni marabout africain. En quelques mois, un produit présidentiable a été créé. Par qui ? Par Hollande, Jean-Pierre Jouyet et Jacques Attali ? Par de puissants lobbies financiers et capitalistes ? Quel que soit le « géniteur » du bébé politique Macron, il a pu bénéficier pour sa gestation du « placenta » médiatique qui a offert à l’embryon présidentiable les pitances nécessaires à une délivrance précipitée. Ceux qui ont créé Macron ont pu avoir pour mobile d’empêcher François Fillon de devenir président, d’organiser la déconfiture du Parti socialiste, et/ou de se protéger contre d’éventuelles poursuites judiciaires si le pouvoir tombait entre les mains de la droite ou de l’extrême droite. Par exemple, Macron servirait de bouclier à Hollande, pour lui éviter le même traitement judiciaire infligé à Sarkozy quand il a perdu le pouvoir. Malgré sa prodigieuse naissance politique, Macron n’existe pas. Il doit se créer pendant les cinq ans de son mandat. A ce titre, il est parti loser. Même Hollande et Sarkozy, qui pouvaient compter sur des appareils politiques établis depuis les débuts de la république française, ont eu du mal à gérer la France sans encombre, et ont été éjectés de l’Elysée au bout d’un seul mandat tumultueux. Macron n’a pas de parti politique, malgré les multiples déserteurs qui remplissent les rangs de son mouvement. Ces transfuges opportunistes et une grande partie de ses électeurs n’adhèrent ni à son programme, ni à sa personne. Ils constituent un corps social poreux, versatile et aléatoire, sur lequel Macron ne pourra pas compter pour gouverner. Sous ce regard, il est loser. Macron ne pourra pas non plus compter sur une majorité parlementaire issue d’une victoire personnelle aux prochaines élections législatives. Il sera obligé de débaucher des députés de droite, du centre et de gauche, bien assis sur leurs circonscriptions ; et de négocier des alliances parlementaires pour pouvoir gouverner sans la dictature des décisions par ordonnance. A défaut, il sera obligé de subir une cohabitation avec un premier ministre de l’opposition. Avec cette contrainte certaine, il est loser. Malgré sa victoire programmée, Macron est plutôt méprisé qu’aimé par les français. Il sera confronté à des mouvements sociaux contestant sa légitimité et sa ligne économique ultra libérale : élèves et étudiants, syndicats de travailleurs, partis de l’opposition, etc. Avec cette fracture sociale inévitable, il est loser. A l’image d’un nouveau-né pompeusement baptisé à sa naissance et mort-né le lendemain, la victoire de Macron aura lieu ce 7 mai 2017 à 20h et finira ce 7 mai 2017 à 20h. Pour les cinq ans qui suivent, il est condamné à se battre pour s’extirper de la carapace de loser qui lui est inéluctablement épinglée par les circonstances de sa naissance politique.

Aliou TALL,
Juriste,
Président du Réseau Africain de Défense des Usagers, des Consommateurs et du Citoyen 
(RADUCC) Email : [email protected]



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