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Ahmat Yacoub Dabio expert en gestion des conflits obtient un doctorat en sociologie


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 22 Septembre 2018


Ancien conseiller du Médiateur de la République au Tchad, un poste qu'il a quitté fin juin après la suppression de l'institution, le désormais Docteur Ahmat Yacoub Dabio dirige le Centre d'études pour le développement et la prévention de l'extrémisme (CEDPE) qu'il a crée fin janvier 2018.


Le jury de soutenance avec Ahmat Yacoub Dabio, ce vendredi 21 septembre 2018.
Ahmat Yacoub Dabio a obtenu ce vendredi 21 septembre 2018 un doctorat en sociologie, axé sur une thématique qui lui est chère, à savoir la gestion des conflits et surtout l’apport de l’ombudsman comme étant un des mécanismes de gestion des conflits, sans perdre de vue le cas de la Médiature du Tchad. Il a remercié tous ceux qui l’ont aidé de près ou de loin et qui ont permis l’aboutissement de ce travail de recherche.

Depuis 2009, il occupait le poste de conseiller chargé de missions à la Médiature de la République du Tchad, jusqu’à sa suppression en juin 2018.

Inscrit en 2014, cela fait quatre ans qu’il travaillait au sein du laboratoire ESO de Le Mans Université, en France. Arabophone de formation, et malgré la présence d’un accent, il n’est pas du tout étranger à la langue de Molière comme l’ont constaté les membres du Jury car il s’est exprimé le plus clairement possible.

Fils d’un enseignant arabophone, conservateur, Imam, il a eu l’opportunité d’étudier comme lui à la prestigieuse Université égyptienne d’Al-Azhar (1982 – 1986) et obtenu un master 1 en langues et traduction puis master 2 à l’université du Maine en histoire sous la direction de Mme Brigitte Waché.
 
"Jeune collégien, Ahmat Yacoub a rejoint la rébellion (le maquis) durant plus de 4 ans en s'engageant dans les rangs du Front National de Libération du Tchad (FROLINAT)", a relevé le Professeur Servert Ertul. D'après le sociologue français, profitant d’une stabilisation éphémère des conflits à multiples facettes, Ahmat Yacoub Dabio a repris ses études en novembre 1979, en suivant la trace de son père. "il est inscrit à l’Institut puis à l’université Al-Azhar pour poursuivre des études de langues et de traduction arabe-français", a-t-il poursuivi.

Dans son exposé de soutenance, hier, Ahmat Yacoub est revenu sur les raisons qui l’ont conduit à entreprendre cette recherche. La thèse en sociologie et surtout la thématique relative à l’ombudsman et son rôle avec ses technicités dans le traitement des conflits est le résultat, dit-il, d’un long parcours socioprofessionnel. « La première motivation qui m’a attiré vers cette thématique, dit-il, est beaucoup plus d’ordre passionnel que d’ordre méthodologique. Mon intention première en me lançant dans cette recherche est d’élargir ma culture en la matière ». Puis, il atteste qu’il est lui-même le produit de la médiation « Je suis moi-même produit de la médiation grâce à laquelle j’ai regagné le pays après 15 années de refuge politique en France. A mon retour, en avril 2009, j’ai occupé pendant neuf années, le poste de conseiller chargé de missions auprès du Médiateur de la République ». C’était à un moment où la situation était très difficile, où des mouvements armés menaçaient de passer à l’offensive militaire pour s’emparer du pouvoir.

Son parcours socioprofessionnel et sa participation à des événements tels que des séminaires, ateliers, congrès, conférences et débats ont sans doute joué un rôle dans l’irrigation positive de sa réflexion et ont contribué au perfectionnement de son projet de recherche.

Parmi les grands évènements auxquels il a assisté : le congrès des ombudsman et médiateurs francophones en 2015 au Québec où il a présenté l’impact de la présence des médiateurs sur les réseaux sociaux, ainsi que le XXème congrès de l’Association Internationale des sociologues francophones (AISF) à Montréal où il a présenté un papier sur la Médiatologie sociologique en milieux scolaires. Sa réflexion n’a pas manqué d’évoluer jusqu’à la création en janvier 2018 d’un centre d’études pour la prévention de l’extrémisme à N’Djamena. Pour lui, il faut œuvrer désormais dans le cadre de la prévention de l’extrémisme et ne pas seulement attendre l’arrivée du conflit pour réagir.

La problématique : Lorsque début octobre 2014, il a demandé un rendez-vous pour la première fois au professeur, le sociologue Servet ERTUL (celui qui deviendra son directeur de thèse), son sujet était la gestion des conflits à travers la médiation. A la suite de l’entretien, il a pu conceptualiser le sujet, autant que faire se peut, puisque il a compris que c’est un sujet largement insaisissable, « c’est un océan difficile à affronter et qu’il fallait choisir une île de refuge avec un œil réflexif sur l’océan », avoue-t-il lors de sa soutenance.

C’est ainsi qu’il a réussi à définir sa problématique sur la gestion des conflits via la médiation en prenant comme exemple le cas du Tchad. Il s’agit d’étudier le degré d’importance voire la nécessité de l’institution qui joue un rôle dans la recherche des solutions consensuelles, surtout en s’adaptant à l’espace socio-temporel et en aidant la justice à se désengorger. Il a en même temps survoler les difficultés auxquelles cette profession fait face dans certains cas et dans certains pays. Il y a le statut, la protection même de l’institution, sa dépendance, son pouvoir, la nomination, le trajectoire du rapport annuel, etc. 
 
En terme de méthodologie, il explique avoir fixé une période de lecture de six mois en désignant une trentaine d’ouvrages sociologiques. C’était son premier baptême de feu, dit-il, lui qui n’était pas sociologue.

Puis, il a constitué une base biographique et bibliographique en identifiant tout d’abord, une documentation ayant des ramifications avec sa thématique. Il a centré son choix sur plusieurs types d’ouvrages pour sa recherche : la médiation, la sociologie, le droit, la philosophie, l’anthropologie et les sciences politiques. Il dit avoir rassemblé une importante masse d’informations, surtout en menant de démarches reposant sur : Des sources imprimés (publications spécialisées, communiqués...) ; Des archives originales provenant de l’institution ; Enfin, l’exploitation des documents des événements comme des conférences, congrès, ateliers, réunions relatifs à la thématique en question.  
S'agissant des grandes lignes de sa recherche, il a initialement opté pour une thèse en quatre parties avant de renoncer pour revenir à trois, dans le but de mieux cerner la forme et le fond. Puis, il a consacré la 1ère partie à l’historiographie de la médiation, avant, pendant et après la colonisation. Il a ensuite étudié la médiation dans son contexte général. La 2ème partie a été consacrée à l’étude de l’institution tchadienne, sa nature juridique et le rôle qu’elle joue dans la typologie des conflits spécifiques au pays. La 3ème partie est consacrée à l’évolution de l’institution et ses perspectives en accordant une importante place à la jeunesse, surtout le rôle de la "médiatologie" dans la prévention de l’extrémisme en milieux scolaires, et aussi une étude comparative des institutions au monde avant de conclure par une étude statistique.

En termes des résultats, il y a eu : Les difficultés, dit-il, font partie de la recette des recherches. Il reconnait toutefois avoir fait face à quelques difficultés qu’il a toujours réussi à surmonter, comme la coordination entre ses activités professionnelles et la recherche, le coût des déplacements entre la France et le Tchad, l’absence des statistiques, l’accès aux archives, les difficultés d’envoyer des fichiers par mail en raison de la médiocrité de la connexion, la porosité négative des frontières entre les différents types de médiation tant au niveau de la terminologie qu’au niveau des missions, et la fragilité de l’institution soumise dans la plupart des pays à la volonté politique. La multidisciplinarité dans le domaine de la médiation marque une interdisciplinarité positive, elle est plutôt complémentaire que contradictoire. En plus, la coopération entre les deux institutions à savoir le Droit et la Médiation constitue une sorte de complémentarité positive. A la fin de son étude, dit-il, il a cherché à savoir si l’institution telle quelle est aujourd’hui, dans le monde, reste encore intéressante, après un siècle d’existence, ou nécessite-t-elle une réforme à l’instar de la péninsule Ibérique ? Nouvel apport : Ahmat Yacoub dit avoir apporté une pierre à l’édifice du débat comme des nouvelles approches sur le rôle de la médiation dans la prévention de l’extrémisme en milieux scolaires ; l’extrémisme intelligent ; et la proposition des deux terminologies néologiques à savoir Médiatologie et Médiatologue qu’il proposera aux instances internationales des ombudsmédiateurs à savoir l’AOMF, l’AOMA, le CROA et l’IIO ; Il dit rejoindre la proposition de Bonafé-Schmitt Jean-Pierre qui recommande « la création d’un Observatoire » dans le but dit-il, de « dresser un état des lieux de la médiation, mais aussi d’analyser ce phénomène de la médiation ». Il a fait une autocritique en soulevant quelques regrets dans son travail sur la forme et sur le fond, en citant un célèbre proverbe Indien qui dit : "Nul n’est parfait ici-bas, le soleil lui-même a ses taches". Il regrette quelques coquilles qu’il a nettoyé par la suit, et pense ne pas avoir donné un design esthétique à la hauteur de la technologie à certains graphiques comme celui des statistiques (P. 383). Sur le fond, il dit n’a pas pu procéder à une analyse croisée pour « évaluer les effets de la médiation sur les médias et sur la gestion de leurs relations post-médiation », et aussi les effets sur les médiateurs et les instructeurs. Il regrette aussi de n’avoir pas réussi à déterminer avec précision le nombre d’institutions d’ombudsman au Monde.

En conclusion, cet exposé apporte un éclairage suffisant sur la démarche et l’objectif recherché par le nouveau Docteur ahmat Yacoub. Par rapport à la thèse, en diversifiant les thèmes de la recherche divisée en trois parties et en abordant le sujet au-delà de ses frontières standardisées, il a donné à sa thèse un caractère hybride visant à ouvrir un débat sur l’amélioration des mécanismes de gestion des conflits sur le plan national et international. Au niveau du Tchad, l’institution serait plus efficace lorsqu’elle est indépendante, autonome, lorsqu’elle deviendra constitutionnelle et lorsqu’elle obtiendra des moyens financiers pouvant lui faciliter la tâche de sa mission. Sur le plan international, et en réponse au soucis de Grelley Pierre qui disait : "on se perd devant le nombre et l’hétérogénéité des tâches aujourd’hui confiées à des médiateurs", les instances associatives ont encore du travail à faire pour remédier aux profondes dénivellations qui affectent les institutions.

Dans un monde marqué par des conflits qui n’en finissent pas de menacer la paix et la quiétude, la Médiation qui est bien loin d’apporter des solutions à tous les conflits, demeure néanmoins un besoin réel, un des mécanismes de protection non juridictionnelle des droits fondamentaux des personnes. Elle est un dispositif additionnel nécessaire à ceux mis en place pour assurer la démocratie, l’État de droit et la bonne gouvernance. Elle est comme le disait Daniela Gaddi, « l’un des instruments les plus innovants et les plus prestigieux de l’intervention sociale (…) qui cherchent à instaurer une meilleure cohabitation entre les individus et les groupes, à mettre en place des comportements civiques, à encourager le dialogue et l’intégration et à assainir le tissu social ».

Pour en finir, Ahmat Yacoub reprend Olivier Christin dans le ‘Dictionnaires des concepts nomades en sciences humaines’ ; notre travail « gardait une dimension expérimentale et n’avait d’autre intention que de proposer une série de cas exemplaires, sans prétention à l’exhaustivité ni à la systématicité ».

Il s’engage à poursuivre sa recherche en indiquant que "c’est un début d’interrogations et de réflexions sur le rôle de ce mécanisme de gestion des conflits que peut jouer dans la prévention de l’extrémisme surtout en milieu scolaire". C’est en tout cas dans cette direction qu’il dit espérer pouvoir orienter ses recherches futures.

Avant de finir, le Docteur Ahmat Yacoub a déclaré qu’il s’est, cette fois-ci, trop rapproché de l’océan pour pouvoir désormais l’affronter.

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