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Le Président TOUADERA doit renoncer à l'enseignement au cour de son mandat.


Alwihda Info | Par POLISSE-BEBE Médard - 13 Juin 2016



Opinion

LE PRESIDENT TOUADERA DOIT RENONCER A L’ENSEIGNEMENT PENDANT SON MANDAT

Ce matin, au détour d’une consultation sur internet, je suis tombé sur un article dont le lien suit : http://www.centrafriquelibre.info/?p=23107 intitulé : « Le Président TOUADERA a dispensé hier un cours sur la théorie de la distribution ».
Quelle n’a pas été ma fascination de savoir qu’un Président de la République en exercice puisse ainsi faire preuve de modestie et de « simplicité » en continuant de dispenser des cours à l’Université de son Etat (en occurrence l’Université de Bangui) dans l’optique de contribuer directement, par ce truchement, non seulement à la transmission du savoir dont il est dépositaire, mais à la formation des cadres du pays. Une telle entreprise est louable et force l’admiration d’un homme qui aspire à rester comme « monsieur tout le monde », continuant de vaquer tout naturellement à ses occupations habituelles, sans se préoccuper des exigences que lui impose le cadre contraignant de ses lourdes et difficiles fonctions.
Cette situation exceptionnelle en son genre m’inspire une interrogation banale (mais fondamentale) que tout citoyen lambda peut se poser en pareille circonstance : Le Professeur TOUADERA a-t-il le droit de poursuivre ses activités d’enseignant à l’Université de Bangui en même temps que sa fonction de Président de la République ? Quelles pourraient être les implications (pour ne pas dire les conséquences) politiques, éthiques et juridiques d’une telle d’une telle situation ?
Pour tenter de donner mon humble avis sur ces questions, j’aimerais me garder de la prétention de « donneur de leçons », de « constitutionnaliste chevronné » ou même de « politiste attitré ». Il est manifestement de la responsabilité des spécialistes, dès lors qu’une pratique politique tend à franchir le cadre constitutionnel, de se saisir de la question pour prévenir des risques de violations qui font généralement le lit des crises politiques pouvant déboucher sur des situations malheureusement imprévisibles. Et c’est justement ce que je crains de ce que raconte l’article cité en référence sur la « passion professorale » du Président TOUADERA.
En effet, il faut partir du fait que, d’après la constitution en vigueur, le Président de la République est une institution (personnifiée sans doute), si ce n’est la première de toutes les autres institutions du pays (malgré la suprématie juridico-politique de la Cour constitutionnelle) ; son fonctionnement est régi par des dispositions constitutionnelles qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. L’article 22, par exemple, stipule qu’il est « le Chef de l’Etat » et qu’« Il veille au respect de la constitution ». Cela appelle donc de la part du Président, non seulement le respect scrupuleux de la loi fondamentale, mais aussi et surtout la garantie de l’inviolabilité de celle-ci. Le poids de ses responsabilités exige, par ailleurs, qu’il puisse se consacrer entièrement et pleinement à sa fonction, se mettant en congé de ses activités antérieures, subsidiaires ou annexes dans l’intérêt du peuple. C’est ce que recommande explicitement l’article 23 : « La fonction de Président de la République est incompatible avec l’exercice de toute autre fonction politique, de tout autre mandat électif, de toute autre activité lucrative ».
Dès lors, il apparait clairement que, dans l’esprit et la lettre de cette disposition, le Président TOUADERA n’est pas en situation de continuer à exercer sa profession d’enseignant à partir du moment où celle-ci rentre dans le cadre d’une activité lucrative ; et rien ne justifie ou ne peut justifier une dérogation en la matière, pas même le fait qu’il soit le seul spécialiste de sa discipline dans le pays. De ce fait, il s’agit là en occurrence d’une violation flagrante de la constitution promulguée par ses soins. Le Professeur TOUADERA que l’on croyait rompre avec les vieilles habitudes se met ainsi allègrement au-dessus des lois en se livrant à une activité que la loi fondamentale juge incompatible avec sa fonction officielle. En tant que garant des institutions de la République, il a pourtant le devoir de se montrer respectueux des textes de base.
Cela dit, la violation d’une disposition aussi limpide est un mauvais signal pour tous ceux qui aspirent à la justice, à l’Etat de droit, au respect des valeurs de la démocratie, etc. Elle vise à encourager le non-respect des règles dans un pays encore en proie aux pratiques mafieuses et pourrait, in fine, alimenter les frustrations susceptibles de s’exprimer par la violence. Elle donne, par ailleurs, un prétexte éloquent à toutes les velléités d’injustices et d’impunités afin de se mettre en mouvement au grand dam du peuple centrafricain victime depuis des lustres des dirigeants qui ne pensent qu’à défendre leurs propres intérêts.
En élisant le professeur TOUADERA, les centrafricains ne s’attendaient pas à ce qu’il puisse faillir aussi facilement à son devoir d’exemplarité en méprisant la loi fondamentale.
C’est pourquoi, malgré sa bonne intention (supposée), le professeur Président devra renoncer à ses activités universitaires lucratives pour se consacrer uniquement et entièrement à la lourde responsabilité que les centrafricains lui ont confiée, et ce dans le respect scrupuleux de la constitution. Ce faisant, il mettra un terme au mélange des genres et à un éventuel conflit d’intérêts. Car il est inconcevable, voire incongru qu’un Chef d’Etat en exercice puisse travailler sous les ordres d’une hiérarchie qu’il est censé gouverner. Manifestement, sans pour autant aller dans le détail de ce fonctionnement particulier, cela pose un problème…
Aussi, n’est-il pas inopportun de penser que l’accès du Président de la République avec son dispositif de sécurité dans l’enceinte de l’Université de Bangui n’est pas sans risque, pour lui-même, pour les étudiants et pour tout le personnel de l’institution universitaire. Au regard de la franchise universitaire, cela pose également un problème. Car non seulement l’Université doit être préservée des hommes en Armes en général, furent-ils ceux chargés de la sécurité du Président de la République, mais elle doit éviter les risques d’une réaction du service de sécurité du Chef de l’Etat au sein de l’Université ou même d’un éventuel affrontement si son intégrité physique venait à être menacée, ce qui pourrait avoir de graves conséquences.
Cela dit, l’interêt de cet article n’est pas tant d’empêcher qui que ce soit d’exercer sa profession en dépit de ses activités politiques et/ou ses fonctions étatiques, mais de pouvoir le faire dans le cadre du respect de la loi. Et j’ose espérer que le Président Faustin Archange TOUADERA, avec l’intelligence qui le caractérise en tant que professeur d’Université, saura entendre raison de cette situation en se ravisant ne serait-ce que par principe.
Fait à Paris, le 08/06/2016




Médard POLISSE-BEBE

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