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AFRIQUE

Sénégal : Logiques compromissoires


Alwihda Info | Par Serigne Saliou Guèye - 28 Mai 2014



Le Parti Socialiste (PS), dans la tempête des renouvellements de ses instances de direction, semble être au bord de l’implosion avec son congrès qui sera organisé les 6 et 7 juin prochains au nom d’un centralisme démocratique en vérité anti-démocratique.

Un scrutin qui tournera à la pantalonnade puisque tout le processus électoral a été tripatouillé par Ousmane Tanor Dieng, l’actuel secrétaire général, lequel compte par tous les moyens rempiler. Les instances de base électives du Ps n’ont pas été totalement renouvelées et voilà que, par la magie d’un comité central quasi-totalement dévoué à sa personne, le même Tanor Dieng fixe les dates du prochain congrès soit à vingt jours des locales. En procédant de cette manière, il veut couper l’herbe sous les pieds de ses sérieux concurrents que sont Khalifa Sall — qui n’est pas candidat au poste de secrétaire général — et Aïssata Tall Sall. Malgré l’opposition des jeunes partisans du maire de Dakar comme Youssou Mbow et le député Aminata Diallo, Tanor, par la voix de ses jeunes loups Barthelemy Dias et Abdoulaye Wilane, tient vaille que vaille à la tenue de ces élections aux dates initialement retenues. On comprend aisément cet empressement tanorien pour organiser vaille que vaille l’élection du nouveau secrétaire général du Ps, le 7 juin prochain. Puisqu’il va présenter à nouveau sa candidature, il doit se donner les moyens de gagner son élection. Ainsi, il lui faut influer sur le comité central stalinien acquis à sa cause pour procéder à un pseudo-vote qui ne favorise que son initiateur. On pensait que la dernière défaite de Tanor à la présidentielle de 2013 serait son chant du cygne mais, à la grande surprise des Sénégalais, l’Union départementale de Mbour qu’il dirige a proposé sa candidature. Ce qui sonne comme un dépôt officiel de candidature puisque l’intéressé s’en est réjoui. Pourtant ses défaites successives de 2000, en tant que directeur de campagne d’Abdou Diouf, 2007 et 2012 en tant que candidat devaient sonner l’hallali politique de Tanor. Mais que nenni ! D’ailleurs Le 12 janvier 2012, dans une interview accordée à «Jeune Afrique», Ousmane Tanor Dieng avait clairement déclaré que, s’il ne gagnait pas l’élection présidentielle de 2012, il ne serait plus candidat à une autre. En sus, il avait ajouté le 03 avril 2013 à la 2STV que « quelle que soit la formule utilisée, il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2017». Comme si la pratique politique conditionnait son souffle vital, l’actuel secrétaire général du Ps n’est pas près de rendre le rendre le tablier. Piqué par le virus wadien du « wakh wakhète », il a versé dans des rétractations verbales pour guigner une fois encore le fauteuil qu’il occupe dans l’appareil socialiste. Ce qui pose un problème d’éthique pour un leader politique qui a toujours montré aux Sénégalais qu’il était un parangon du respect de la parole donnée. Quelles leçons d’éthique n’a-t-il pas donnée à Wade lorsque ce dernier renonçait à sa parole donnée pour briguer un troisième mandat présidentiel ? Cette rétractation verbale a été lourde de conséquences puisqu’elle a été à l’origine de plusieurs morts lors de la période pré-électorale.

UN CONGRES MANIPULE

Pourtant, la descente aux enfers du Ps entre 2000 (40 % des voix), 2007 (13 %) et 2012 (11 %) devait pousser l’actuel patron des « verts » de Colobane à prendre sa retraite politique sachant que le peuple ne partage pas son projet depuis 18 ans. Aujourd’hui il est de notoriété publique qu’il a verrouillé, tripatouillé les règles de procédure électorale pour s’imposer encore à la tête du Ps. Khalifa Sall qui sait que ce vote est déjà piégé a fait savoir qu’il ne participerait pas à une telle mascarade. Le maire de Dakar, conscient que le congrès est manipulé d’avance, ne veut pas offrir à Tanor une victoire éclatante parce que portant la marque de la défaite de celui que tout le monde désigne comme le vrai leader de la formation socialiste. Une défaite qui lui aurait parsemé de clous pointus le chemin qui devra le mener à la présidentielle de 2017. Mais Secrétaire général ou pas, Khalifa Sall, porteur d’un projet rénovateur qu’il compte présenter au peuple en 2017, fera face au président Macky Sall lors de cette échéance fatidique.

Toutefois Aïssata Tall Sall, dont la coordination départementale de Saint-Louis qu’elle dirige a proposé sa candidature, disputera sans grandes illusions le poste du SG du Ps à Tanor. La pasionaria de Podor sait d’avance que ses chances d’être couronnée sont très minces à cause des manœuvres manipulatoires de Tanor et d’une certaine oligarchie sous la coupe de ce dernier mais elle veut montrer à l’actuel secrétaire qu’il est temps de raccrocher et de laisser la place à ceux qui ont un projet politique réellement rénovateur. Aujourd’hui, après l’historique congrès « sans débats » de 1996 qui avait consacré les premières grandes lignes de fracture du Ps avec un Ousmane Tanor Dieng illégitimement parachuté à la tête des « Verts » et des éléphants écartés, on s’achemine vers un deuxième congrès sans âme avec un éventuel vote stalinien comme l’a ironisé Youssou Mbow, proche de Khalifa Sall. Le seul mérite de Tanor après presque deux décennies à la tête du Ps, c’est de l’avoir fait sombrer. En cela, ses adversaires politiques devraient le féliciter puisqu’il a fait du parti qui a dirigé le pays pendant vingt ans une machine électorale non gagnante. En 1996, Tanor incarnait la rénovation du Parti socialiste qui ne parvenait plus depuis 1984 à impulser de changements en profondeur dans son mode de fonctionnement et à proposer un projet politique en phase avec les attentes populaires. On attendait des orientations politiques et des axes programmatiques sous la supposée ère de rénovation socialiste, finalement on a assisté à des batailles de positionnement et à un déni du débat contradictoire ayant débouché sur des exclusions arbitraires de militants de la première heure. Djibo Ka, qui a eu l’outrecuidance de contester la dictature d’Abdou Diouf qui a imposé son rival d’antan (Tanor) à la tête du Ps, fut exclu avec bon nombre de militants socialistes qui partageaient ses convictions. Trois ans après, ce fut au tour de Moustapha Niasse de divorcer d’avec le parti de Senghor. Ces départs de poids ont eu comme conséquence la chute du président Abdou Diouf et la fin de règne du Ps à la tête du pays après quatre décennies. Et de Charybde en Scylla, les démissions en cascade s’accentuèrent au lendemain de la défaite de Diouf avec un Ousmane Tanor Dieng qui ne voulait quitter pas la barque qui tanguait dans les eaux houleuses de la défaite électorale de 2000. Même s’il parvenait à maintenir le gouvernail, il était évident que le capitaine conduisait le navire socialiste vers les écueils des défaites électorales successives. En 2007, de 40 % en 2000, il passe à 13 % avant de dégringoler à 11 %. Il appert aujourd’hui que ce Ps tanorien ne pèse plus 10 % tant l’actuel et futur secrétaire général a montré ses limites comme vrai leader d’un parti aussi lourd que le Ps. Ainsi la courbe électorale du Ps ne cesse de décroitre dangereusement. Et si ce parti continue se descente aux enfers, c’est à cause du manque de vision de son Secrétaire général qui n’a pas un projet rénovateur fédérateur. Tanor sait pertinemment qu’il a atteint ses limites politiques. Finalement, on est passé du parachutage à la dégringolade. Il ne peut plus prospérer, son discours ne porte plus, ne captive, bref ne charme plus. D’ailleurs, il ne l’a jamais été. Son manque de charisme doublé d’un projet socialiste peu convaincant ont fait toujours perdre le Ps sous sa coupe. Le Parti socialiste, caudataire d’une Apr chancelante, n’a plus de ligne politique. Ainsi la logique commande qu’il quitte la scène politique avant que des événements inattendus ne le fassent partir. Aujourd’hui le paysage politique interne de la formation socialiste est totalement à recomposer, mais cette recomposition doit faire émerger une équipe nouvelle et surtout un fonctionnement totalement différent de ce que les militants ont connu depuis 1996.

TANOR POUR JOUER LA CARTE MACKY EN 2017

Après Moustapha Niasse, qui a fait acte d’allégeance pour soutenir Macky Sall, il est évident que Tanor suivrait les traces du leader de l’Afp même si les formes de soutien peuvent différer. Il ne sera pas candidat d’opposition pour contrer le président Macky Sall qui lui a donné véhicule, salaire mensuel et autres passe-droits en tant que ministre conseiller mais il est dans des logiques compromissoires pour faire triompher le candidat de l’Apr en 2017. Le premier schéma retenu par Tanor serait de présenter une candidature de diversion au nom du Ps dans l’optique de barrer la route à Khalifa Sall qui ne pourra pas le faire en s’appuyant sur la machine électorale socialiste. Pour l’actuel SG du Ps, voir Khalifa Sall triompher à la prochaine présidentielle pour une première participation là où il a subi trois revers amers sera ressenti profondément comme une avanie, une humiliation. Le second schéma tanorien serait de ne pas se présenter contre le président Macky Sall mais tout en imposant un oukase interdisant toute autre candidature au sein du Ps, comme Niasse l’a fait à l’AFP (Alliance des Forces de Progrès). Auquel cas des jeunes comme Barthélemy Dias, très attachés à Tanor mais pas au point d’acquiescer l’idée d’une éventuelle non-participation à la présidentielle, n’hésiteraient pas à se dresser contre leur mentor si le Ps devait dérouler le tapis rouge à Macky Sall pour un second couronnement en 2017. Et c’est là que Khalifa Sall aurait les coudées franches pour en découdre avec le président de la République sortant. Donc la position de Khalifa Sall, qui n’est en rien liée aux rets de Bennoo Bokk Yaakaar, est très opportune pour une participation à la prochaine présidentielle. Comme quoi le duel Tanor/Khalifa, loin d’être à fleurets mouchetés, atteindra son paroxysme à l’heure des choix pour la présidentielle de 2017.

Serigne Saliou Guèye
Article paru dans « Le Témoin » N° 1166 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2014)



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