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Tchad : silence à Paris (Le Monde)


Alwihda Info | Par - Җ€BIЯ - - 12 Février 2008


Paris a préféré s'en tenir à un langage à minima, visiblement soucieux de préserver sa relation avec M. Déby en lui épargnant le moindre reproche public, alors que les normes élémentaires du droit international ont été bafouées. Le Quai d'Orsay s'est contenté de rappeler l'"attachement (de la France) aux droits de l'homme" et de demander que les prisonniers puissent faire l'objet de visites du Comité international de la Croix-Rouge. Rama Yade, secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, n'a pas prononcé une seule phrase publique, depuis le début de cette crise, pour exprimer une préoccupation quant au sort des détenus au Tchad.


Depuis dix jours, trois opposants politiques tchadiens sont détenus au secret par le pouvoir du président Idriss Déby, auquel la France a apporté un important soutien diplomatique, ainsi qu'une aide militaire logistique, lors de l'attaque de la rébellion contre la capitale, N'Djamena, les 1er et 2 février. La France observe, à propos de ces arrestations, un silence gêné ou, pour le moins, une retenue surprenante. Aucune demande de libération de ces personnes détenues dans des conditions extrajudiciaires, et dont les proches sont sans nouvelles, n'a été adressée publiquement au régime tchadien par les autorités françaises.

C'est de Bruxelles, et non de Paris, qu'est venue, lundi 11 février, la première déclaration forte mettant en garde le régime tchadien contre ce qui ressemble à une nouvelle dérive autoritaire. Louis Michel, le commissaire européen au développement, a appelé à la "libération immédiate" des opposants tchadiens et il a exprimé une "une inquiétude croissante" quant à l'évolution politique au Tchad. Les arrestations, a-t-il dit, "mettent en péril" le processus de dialogue politique lancé en août 2007 par l'accord conclu entre le gouvernement tchadien et l'opposition, sous l'égide de l'Union européenne. L'un des trois opposants détenus, l'ancien président tchadien Lol Mahamat Choua, était l'une des figures de proue de cet accord.

Paris a préféré s'en tenir à un langage a minima, visiblement soucieux de préserver sa relation avec M. Déby en lui épargnant le moindre reproche public, alors que les normes élémentaires du droit international ont été bafouées. Le Quai d'Orsay s'est contenté de rappeler l'"attachement (de la France) aux droits de l'homme" et de demander que les prisonniers puissent faire l'objet de visites du Comité international de la Croix-Rouge. Rama Yade, secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, n'a pas prononcé une seule phrase publique, depuis le début de cette crise, pour exprimer une préoccupation quant au sort des détenus au Tchad.

Un régime africain "ami" de la France enferme des opposants au prétexte d'affrontements armés, et Paris se tient coi : on pouvait imaginer meilleure rupture avec les méthodes de la "Françafrique". Les responsables français s'en défendent en expliquant qu'ils ont agi par des canaux discrets. Mais la parole publique compte. C'est elle qui véhicule le message de la France, qui est censée, depuis mai 2007, mettre en exergue la dénonciation des "oppresseurs" dans le monde.

Un silence d'autant plus confondant que Paris est à l'origine de la création de la force européenne Eufor, qui doit, en principe, se déployer dans l'est du Tchad et aider, ainsi que le dit la résolution 1778 du Conseil de sécurité de l'ONU, "à la surveillance ainsi qu'à la défense des droits de l'homme".

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