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Revue de Presse

En Centrafrique, les derniers musulmans convertis de force par les Anti-balaka


- 1 Août 2015


“Nous n’avons pas eu le choix : nous avons dû nous convertir au catholicisme. Les anti-balaka ont juré de nous tuer si nous ne le faisions pas”, affirme un ancien musulman de la préfecture de Sangha-Mbaéré, âgé de 23 ans.


Amnesty International

En Centrafrique, les derniers musulmans convertis de force par les Anti-balaka
La minorité musulmane de la République centrafricaine a quasiment disparu d’une large bande du pays couvrant plus ou moins son tiers ouest. Début 2014, une violente vague de nettoyage ethnique, dont les conséquences continuent à se faire sentir lourdement, a déferlé dans cette région. Si dans quelques villes se sont formées des poches de communautés musulmanes protégées par les forces internationales de maintien de la paix, de nombreux villages et villes où vivaient auparavant d’importantes communautés musulmanes ont été vidés de leurs habitants musulmans. Les mosquées ont été gravement endommagées ou détruites, et l’appel du muezzin à la prière, qui autrefois faisait partie des sons familiers, s’est tu.

Mais ce sombre tableau masque une réalité plus complexe. En dépit de la quasi-invisibilité de la présence musulmane, un petit nombre de musulmans sont retournés dans leurs communautés, tout en évitant d'attirer l'attention. Lors d’une récente mission dans trois provinces de l’ouest de la République centrafricaine, des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans 12 villes et villages où vivent actuellement des musulmans. Dans certaines localités, il n’y a qu’une poignée de musulmans, mais dans d’autres il y en a plus de 50.

Le plus grand problème que doivent affronter ces communautés musulmanes est l’absence de sécurité. Les milices armées anti-balaka qui ont violemment expulsé des dizaines de milliers de musulmans du pays l’année dernière continuent de détenir un important pouvoir. Les communautés musulmanes qui sont restées négocient implicitement ou explicitement les conditions de leur existence avec ces milices anti-balaka.

Il en coûte aux musulmans de ces zones pour survivre. Dans certains endroits, les milices anti-balaka ont converti de force des musulmans au christianisme ou ont exercé sur eux de fortes pressions pour qu’ils se convertissent. À l’exception de quelques villes où stationnent les forces de maintien de la paix des Nations unies, dans d’autres parties de cette région on empêche de fait les musulmans de pratiquer ou de manifester ouvertement leur religion. Lorsque leur présence dans cette partie du pays est tolérée par les milices anti-balaka, cette tolérance implique une interdiction d’affirmer ouvertement leur identité musulmane ou leur foi en l’islam. Cela signifie qu’ils ne peuvent ni prier (si ce n’est en secret), ni porter les vêtements traditionnels musulmans ni reconstruire leurs mosquées (ce qui n’est pas le cas à Carnot et Bangui où de récents projets de reconstruction de mosquées ont vu le jour). Souvent ils n’osent même pas parler la langue qu’ils préfèrent à portée d’oreilles indiscrètes. Les membres des communautés majoritaires savent bien qu’ils sont musulmans, mais leur religion a été rendue invisible.

L’affiliation religieuse n’est évidemment pas le seul facteur en jeu. Plus précisément, la tolérance des milices anti-balaka à la présence des musulmans varie considérablement en fonction de l’appartenance ethnique ou nationale des musulmans et de leur degré de parenté ou d’autres liens avec la communauté chrétienne. Les musulmans appartenant à des groupes ethniques considérés comme autochtones – comme les Gbayas – ont plus de chances d’êtres autorisés à rester que les autres groupes. En revanche, les musulmans perçus comme des Tchadiens ou des Soudanais – immigrés ou bien enfants ou petits-enfants d’immigrés tchadiens ou soudanais en République centrafricaine – risquent davantage d’être perçus comme des ennemis.

“Les Arabes n’auront jamais le droit de revenir”, a déclaré un musulman en parlant des descendants des Tchadiens et des Soudanais. “Pour les anti-balaka, ils sont à tout jamais liés à la Séléka.”

Plus de 30 000 musulmans mènent actuellement une vie étriquée dans les enclaves protégées de la République centrafricaine tandis que des dizaines de milliers d’autres ont dû se réfugier à l’étranger. Les communautés musulmanes assiégées et sans protection de l’ouest de la République centrafricaine sont par comparaison relativement petites – avec probablement moins de 500 personnes au total – mais elles revêtent une importance sans commune mesure avec leur taille. Le degré de sécurité et de liberté de religion dont elles jouissent constituera un important baromètre qui déterminera si les autres musulmans peuvent rentrer, ainsi que le moment et les conditions de ce retour. Il y a beaucoup à faire.



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