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Une veuve tchadienne répond à Fatimé Raymonde Habré: "Arrêtez la victimisation"


Alwihda Info | Par Fatimé Toumlé - 12 Août 2015


Une veuve tchadienne répond à Mme Fatimé Raymonde Habré, « L’islam est du côté des victimes, pas des bourreaux »


Une veuve tchadienne répond à Fatimé Raymonde Habré: "Arrêtez la victimisation"
Une veuve tchadienne répond à Fatimé Raymonde Habré: "Arrêtez la victimisation"
Madame Habré, arrêtez la victimisation de votre mari!

La responsabilité de Hissène Habré est entière. C’est sous ses ordres que tant de Tchadiens ont péri et ont souffert. Il doit être jugé. Les Chambres africaines extraordinaires rendent cette justice possible. Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire ce que ce procès représente pour nous, peuple tchadien. C’est l’aboutissement de notre long combat contre l’impunité. Nous avons fait face à Hissène Habré, sans peur, avec pour seule demande que justice soit faite.

Sachez que l’émotion de voir notre ancien dictateur face à la Cour n’a pas été gâchée par l’attitude irrespectueuse de votre coépouse, Fatimé Bouteille Habré, qui n’a pas hésité à nous menacer, Madame Ismael Hachim, veuve de l’ancien président de l’association des victimes, et moi-même, le premier jour du procès, en nous jetant à la figure : « L’argent que vous avez bouffé, vous allez le payer cher, bande de chiens », comme si nous avions besoin d’être payées pour réclamer justice pour nos maris.
Dans votre texte, Madame Habré, vous osez évoquer « Al Amane ». Cette valeur de confiance accordée à quelqu’un, à une autorité. Pensez-vous réellement que votre mari ait un jour respecté cette valeur ? Était-il digne de confiance lorsqu’il a volé notre trésor public ? Lorsqu’il ordonnait les arrestations, les tortures, les exécutions ? Était-il digne de confiance alors que ses concitoyens, musulmans, chrétiens ou animistes étaient massacrés ? Que des ethnies entières étaient la cible de vagues de répression organisées ?

Oui, votre mari a engagé une vaste campagne de répression contre notre ethnie, les musulmans Hadjaraïs. Il s’en prit aux personnalités de la communauté puis cibla tous les membres de notre ethnie. Mon mari, Haroun Godi, Secrétaire d’État à la Santé puis Secrétaire au contrôle d’état sous le règne de votre mari, a quitté notre maison en avril 1987 et nous ne l’avons plus jamais revu. C’est à la radio nationale, en décembre 1988, que j’ai appris son exécution publique. On ne m’a jamais informé du lieu de sa détention, ni des raisons. Jamais son corps ne m’a été rendu pour faire sa sépulture. Mon mari s’opposait à l’injustice criarde du régime de Habré. Son opposition à votre mari et son appartenance à l’ethnie hadjaraï ont eu raison de sa vie. Beaucoup d’autres Hadjaraï furent exécutés, et nombreux moururent des tortures, notamment dans le Guéra où la répression souhaitée par votre mari fut extrêmement violente. Cette violence ethnique se répéta dès 1989 avec la même campagne de répression dirigée contre les musulmans Zaghawas.

Juste après la disparition de mon mari, Mahamat Djibrine, dit El Djonto, ancien coordonnateur à la DDS, la police politique, est venu m’interroger et nous a placés sous surveillance militaire. À la troisième semaine, nos effets ont été confisqués et nous avons été renvoyés de la maison. J’ai dû quitter mon foyer avec mes six enfants, seule. Ma maison a par la suite été occupée par des familles goranes- l’ethnie de Hissène Habré.

Vous parlez de « Al Amane » comme la confiance que l’on peut avoir envers des personnes capables de faire face à des épreuves, mais ça, votre mari, n’en est pas capable. S’il l’était, il participerait au procès pour se défendre dans le respect de la justice et du Droit. Le silence de votre mari n’est qu’un signe de lâcheté et de faiblesse. Il fuit devant ses responsabilités sans aucune dignité.

Vous invoquez « l’Îmane », notion de foi et de vérité. Comme il vous semble facile d’utiliser cette notion à votre gré. La vérité, Madame Habré, elle émergera des récits des survivants, des veuves, des orphelins. « L’Îmane » c’est aussi l’importance de témoigner. Votre mari reste silencieux. Il ne respecte pas « l’Îmane », il ne veut pas participer à la vérité.

Vous avez l’indécence d’utiliser l’Islam, une religion de paix et de fraternité, pour défendre votre mari des accusations graves portées contre lui. N’oubliez pas que « Quiconque tue intentionnellement un croyant, Sa rétribution alors sera l’Enfer, pour y demeurer éternellement » (Sourate 4, Verset 93). Mon mari était un musulman fidèle, je suis une musulmane fidèle. Nous ne demandons pas l’Enfer, mais seulement la justice et le bon déroulement du procès.

Malgré toutes les épreuves, la justice pour le peuple tchadien et l’Afrique est en marche. Vous ne pourrez l’arrêter en victimisant votre mari, en insultant les vraies victimes, en utilisant des valeurs que votre mari n’a jamais respectées. Nous témoignerons, nous raconterons notre histoire, notre vécu, nos blessures. Votre mari sera jugé pour les crimes dont il est accusé et nous serons là car nous, nous n’avons pas peur.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)