Djamil Ahmat

Tchad : un Président en "ligne directe" ?


Rédigé le Dimanche 16 Septembre 2018 à 21:47 | Lu 2587 fois | 67 commentaire(s)


Crédits photo : DR
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Pour la conférence de presse du chef de l'État tchadien du 11 août 2018, plus d'une centaine de questions ont été formulées par la presse nationale et accréditée au service de communication de la Présidence. Pourtant, seulement une dizaine ont été retenues après le tri, afin de tenir dans le timing imparti de 90 minutes. Autant dire que les médias sont restés sur leur faim.

Le symbolique Palais du 15 janvier qui accueille assez souvent des rencontres sans grand intérêt pourrait trouver une utilité plus pertinente dans une inspiration venue, entre autres, de Russie ! 

Un grand oral télévisé

En quoi consiste la "ligne directe" russe ? Chaque année, le président de la République de Russie, Vladimir Poutine, fait face aux questions des citoyens russes, pendant 4 heures d'horloge voire plus, en direct des chaînes de télévision. Il est directement interpelé sur diverses questions et interroge en retour les administrateurs du pays en cas de défaillances. Ainsi, pour une question qui manquait de clarté, Poutine a directement appelé le ministre de l’Énergie. Pour communiquer avec les autorités régionales, Poutine a utilisé la téléconférence. Les Gouverneurs des régions devaient être prêts à recevoir un appel en direct du Président pour répondre à une question.

Chaque citoyen peut envoyer des questions grâce à différents canaux de communication mis à disposition. Cette année, le président russe a reçu plus de 1,7 million de questions (notamment 1.000.381 appels téléphoniques, 384.132 sms, 41.359 mms, 13.314 vidéos, 6.620 questions posées via le dialogue vidéo et 185.000 questions envoyées par le biais d'un site internet dédié). En 4h20 minutes, il a répondu à 79 questions qui proviennent directement du peuple. D'après les sondages, 3/4 des Russes (74%) disent apprécier le concept de la "ligne direct" avec leur dirigeant.

La "ligne directe" avec les tchadiens

L’actuel ou le prochain Président de la République du Tchad pourrait, ou devrait lui aussi se mettre en « ligne directe ». Un tel procédé créera un contact direct entre le "Gouverneur de la cité" et les citoyens, sous réserve d’une absence de censure et du respect de la liberté d'expression. Par exemple, Poutine ne s'est pas irrité d'une plaisanterie sur le prix de l'essence. Dans ce cas, cela permettrait aussi de renforcer la consolidation de la démocratie tchadienne.

L’idée n’est pas de répondre à toutes les questions, ce qui prendrait bien trop de temps, mais de faire un balayage d’ensemble de façon directe en regroupant celles qui sont connexes. Ainsi, des questions directes trouveront des réponses directes.

Ca pourrait également être une force de proposition, une sorte d’assemblée nationale bis à "session unique", une fois par an, mais face au peuple, sans représentants. Il ne s’agit pas seulement de critiquer mais de proposer des solutions : une question, assortie d’une idée, elle-même assortie d’une solution. Il ne s’agit pas également d’humilier en direct un Gouverneur ou un administrateur, mais plutôt de combler les défaillances. 

​En Russie, quelques semaines avant le début de la "ligne directe", les autorités administratives s'activent pour répondre aux doléances des citoyens.

Un tel événement devrait trouver plus de légitimé aux yeux du peuple que le forum national des réformes institutionnelles. Il serait suivi de recommandations consignées dans un rapport, avec des objectifs précis et un bilan. Aussi, il pourrait remplacer d'autres évènements moins importants, à l'exemple de festivités ou célébrations coûteuses et inopportunes.

Le mardi 18 septembre prochain, le chef de l'État a prévu "un échange direct" avec la jeunesse, au terme d'un forum national de quatre jours. Un pas vers la "ligne directe" ?