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INTERVIEW

Importation frauduleuse de carburant : "un manque à gagner pour l'État tchadien", Doudjidingao Antoine


Alwihda Info | Par - 2 Juillet 2018


L'enseignant chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université de N'Djamena, Doudjidingao Antoine donne son point de vue sur la vente frauduleuse d'essence frelatée en provenance de l'extérieur du Tchad, les enjeux pour l'État, les consommateurs et les vendeurs. Il met en garde sur le manque à gagner pour les finances publiques, mais ne ferme pas les yeux sur les difficultés que vivent de nombreux tchadiens face à la pauvreté.


L'enseignant chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université de N'Djamena, Doudjidingao Antoine.
L'enseignant chercheur à la Faculté des sciences économiques et de gestion de l'Université de N'Djamena, Doudjidingao Antoine.
Alwihda Info : L'interdiction de l’essence frelatée est-elle une bonne chose ?

Doudjidingao Antoine : Je pense qu’il faut faire une analyse sur deux points de vue : le premier point de vue, il faut se placer du côté de ceux qui importent et commercialisent ce carburant. Le second point de vue, il faut se mettre du côté de l’État qui collecte les ressources et les répartit. On parle notamment des pertes en termes de taxe. Le carburant importé c’est de la fraude et donc du coup, c’est des ressources qui s’échappent de la poche de l’État.

Il faut reconnaître qu’avec la crise qui a frappé le pays, beaucoup de personnes se battent comme ils peuvent pour s'en sortir. Dans ce contexte-là, tous les moyens sont bons pourvu qu'ils soient efficaces, c’est pour ça que les gens ont profité des failles au niveau de nos frontières pour faire entrer ce carburant dans notre pays. Maintenant, il faut reconnaître qu’à ce niveau, il y a deux choses : le carburant c’est quand même un produit chimique dont la manipulation doit être réservée au professionnel. Le fait qu'il soit manipulé par des femmes, des jeunes, etc., ça les expose au danger, ce qui n'est pas forcément une bonne chose.

Ensuite, la conservation de ce carburant peut être sujet à préoccupation dans la mesure où il est stocké dans les maisons d'habitation alors que ce sont des produits inflammables. Ça peut avoir en cas d’incendie des conséquences négatives sur les ménages.
 
"Il faudra mettre en place des dispositifs, des mécanismes qui permettent de contrecarrer ce genre d'activités, même si l'on reconnait que ça a aidé des gens à s'en sortir"

Maintenant, les gens ont profité du fait qu’il y a une demande liée au faible revenu, ils ont tendance à acheter le moins cher en termes de qualité. Comme ce carburant est moins cher, beaucoup de gens se dirigent vers celui-ci, notamment ceux qui gèrent les groupes électrogènes et utilisent les engins roulants, motos et autres. Tout le monde se dirige vers ces produits, ce qui a augmenté l’importation de carburant, mais en réalité, c’est tout de même une préoccupation.

Si l’on se place du côté de l'État, on peut dire que ce n’est pas une bonne chose dans la mesure où le gouvernement fait des efforts pour mobiliser des ressources afin de régler des problèmes sociaux dont nous souffrons actuellement. Du coup, quand il y a des opportunités de perdre ces ressources, des occasions qui font échapper des ressources des mains de l'État, il y a alors une préoccupation. Il faudra mettre en place des dispositifs, des mécanismes qui permettent de contrecarrer ce genre d'activités, même si l'on reconnait que ça a aidé des gens à s'en sortir.

Quel est le manque à gagner pour l’économie tchadienne ?

Le manque à gagner, c'est en termes de taxes. Si l'on prend le carburant produit à Djarmaya, il y a quand même une bonne partie de ce carburant qui est assis sur des taxes et ça permet à l'État de régler des problèmes sociaux. Maintenant, quand ce carburant est issu de la fraude, il n'y a aucune taxe là-dessus. Peut-être que la taxe est prélevée au niveau du Cameroun, mais c'est de la fraude, donc ça passe directement du pays d'origine au consommateur. L'État perd en termes de revenus fiscaux qui devraient être générés au niveau du pays par la voie légale.

Propos recueillis par Djimet Wiche.
 
Djimet Wiche Wahili
Journaliste, directeur de publication. Tél : +(235) 95415519 / 66304389 E-mail :... En savoir plus sur cet auteur



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