Entre tradition et réalité économique
Selon Arnaud Ndjilbay, sociologue, « historiquement et culturellement, la société tchadienne, comme beaucoup d'autres en Afrique, a assigné à l'homme le rôle de principal pourvoyeur et chef de famille, garantissant la subsistance de personnes vivant sous son toit. Cette tradition est profondément ancrée dans les mentalités. Jusqu'au point où on a du mal à comprendre qu'avec l'évolution, les choses ont changé. » Il estime que cette tendance devrait évoluer, surtout dans un monde où l'égalité des sexes est prônée.
Pourtant, la réalité économique de N'Djamena, marquée par un coût de la vie élevé et des salaires parfois modestes, rend de plus en plus difficile pour un seul revenu de couvrir toutes les dépenses d'une famille. Les factures augmentent, le prix des denrées alimentaires fluctue, et les frais de scolarité pèsent lourdement sur les budgets. Dans ce contexte difficile, certaines femmes salariées ne se soucient guère de ces difficultés, leurs salaires étant directement gérés par leur famille d'origine.
Des points de vue divergents
Les avis sur la question sont partagés. Solange, par exemple, affirme : « C'est vrai que je travaille, mais je ne suis pas prête à assurer la charge conjugale vu que l'homme est le chef de famille. Je peux faire le minimum selon ma volonté mais pas assumer à part égale que je gagne plus ou pas. »
À l'opposé, Kadjidja, communicatrice, soutient que le foyer se fonde à deux, et que les efforts de l'homme et de la femme doivent concourir au bien-être de tous. Il n'y a aucune raison que la femme n'apporte pas sa contribution, que les deux soient salariés ou « débrouillards », chacun doit jouer sa partition. Elle ajoute : « C'est vrai que la vie du couple dépend de l'organisation de l'homme et sa femme, que celle-ci soit salariée ou non, elle doit venir en aide à son époux surtout pour le bien-être des enfants. » Pour elle, le manque de contribution de la femme relève en partie de l'éducation reçue, insistant sur le fait que les jeunes filles doivent comprendre que le mariage est une responsabilité partagée, et non un simple refuge. « Comment voulez-vous qu'un seul salaire puisse tout payer aujourd'hui ? » s'interroge-t-elle.
Une évolution nécessaire des mentalités
Cette tendance crée une pression immense sur l'homme, générant frustrations et tensions au sein du couple. Si certaines épouses bien rémunérées ne se sentent pas concernées par la charge conjugale, d'autres, conscientes des difficultés, apportent une aide ponctuelle ou gèrent des dépenses spécifiques. D'autres encore justifient leur non-participation par le respect des rôles traditionnels ou par le fait que leur salaire n'est pas suffisant après leurs propres dépenses.
Le débat révèle ainsi un clivage entre des normes culturelles persistantes et des réalités socio-économiques en pleine mutation. La notion de charge conjugale doit évoluer. Dans un contexte où les femmes sont de plus en plus éduquées et actives économiquement, il est essentiel de reconnaître leur potentiel de contribution au bien-être du foyer, au-delà de la seule gestion domestique.