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ANALYSE

Les droits de l’enfant : quelles perspectives pour le IIIème millénaire ?


Alwihda Info | Par Magloire KEDE ONANA, docteur en philosophie de l'éducation, consultant en organisation et conduite du changement. - 24 Juin 2025


Comme chacun sait, il y a un chemin que tous les enfants doivent parcourir jusqu’à leur épanouissement complet.


Les droits de l’enfant : quelles perspectives pour le IIIème millénaire ?
Le Docteur FITZHUGH DODSON, dans son livre intitulé « Tout se joue avant six ans », observe effectivement que tout se joue avant cet âge. Autrement dit, les premières années de notre vie sont plus importantes, plus déterminantes, plus prévalentes. Les spécialistes s’accordent à les qualifier « d’années formatrices ».

Nous pouvons ainsi lire sous la plume de notre psychologue qu’ «au moment où l’enfant atteint six ans, les structures essentielles de sa personnalité sont formées ; personnalité qu’il portera en lui toute sa vie. Elle déterminera en grande partie sa réussite scolaire et celle de sa vie d’adulte.

Son comportement dans la société, son attitude vis-à-vis des problèmes sexuels, ce que sera sa jeunesse, quel type de personne il épousera et comment son mariage réussira.» Nous voulons pour ainsi mettre en exergue l’urgence et les devoirs qui reviennent aux adultes : veiller au chevet d’un enfant ; lui venir de bonne heure en aide pour l’apprentissage à la vie, à la pensée, à l’exploitation de ses aptitudes, à la compréhension de ses attitudes et la participation à l’affermissement de sa personnalité.

Tout comme un maçon qui élève les murs d’un immeuble, rien ne doit être pris à la dérobade ou bricolé dans ce processus d’acquisitions. De la solidité des fondations dépendra la construction du premier étage, du deuxième et ainsi de suite jusqu’aux finitions. Il faut donc retenir que dès cette tranche d’âge, toutes les bases de l’avenir, voire du devenir d’un enfant sont déjà jetées. Mais une telle possibilité peut-elle être efficiente dans un monde intenable comme le nôtre où, à cause d’un environnement et d’une conjoncture économique de plus en plus difficiles, le porte-monnaie ne répond plus à tous les défis du quotidien. Du coup, la banalité des jours qui passent installe langueur et désertion dans les esprits des éducateurs et parents avertis.

Sans repères, les valeurs morales et éthiques se détériorent jour après jour, la paix est menacée au quotidien par l’ennemi qui devient de plus en plus invisible, et les droits de l’Homme, tout comme ceux de l’enfant ne préoccupent plus personne. Dans ce monde-là disions-nous, est-il encore légitime de parler de l’avenir à nos enfants, déjà qu’ils sont, traumatisés pour la plupart dès les premières années de leur vie ? Il est peut-être important ici, de diagnostiquer le présent par rapport au passé, puis de déterminer la part de responsabilité des uns et des autres, dans le strict but de mieux dégager des solutions notables pour l’avenir, ou mieux, pour leur avenir.

I/ La situation des enfants dans le monde d’aujourd’hui
Ne perdons jamais de vue que toute réflexion sur l’enfance, dans n’importe quel registre de pensée, constitue une invitation à la conscience universelle. Nous posons le problème en ces termes parce que bien avant nous, l’enfant, dans certaines cultures, est synonyme de richesse, un gage pour l’avenir ou mieux, pour le devenir d’une famille, d’un village, ou de nos sociétés. Plus une contrée a des enfants, mieux ceux-ci représentent la garantie qu’elle peut et doit se construire, voire se re-construire. Mais, la cruelle misère dont sont victime les enfants dans nos sociétés d’aujourd’hui fait déchanter l’observateur averti.

Dans une brochure de l’UNICEF, on peut lire ceci pour s’en convaincre : « L’enfant est le temps de l’espoir et des promesses mais peut aussi être celui de la misère, en particulier dans les pays en développement où le fléau de la pauvreté pèse souvent lourd sur les jeunes : Presque 13 millions d’enfants du monde en développement meurent chaque année principalement de causes que l’on aurait pu éviter … ». Il s’agit là d’un constat alarmant qui devrait interpeller la conscience universelle. Pour éviter la vacuité et l’imprécision chaque fois que l’on parle en termes « d’enfants du monde », nous voulons faire nôtre la classification d’une observatrice, très avisée de ces questions à une dimension internationale : l’Américaine ALICE BAILEY.

Dans son livre : les problèmes de l’humanité, elle range les enfants d’aujourd’hui parmi les groupes suivants :
1- Ceux que les effets de la guerre ont empêché de jamais connaître un foyer, dont les parents ont été tués sous leurs yeux, lors de la destruction de leurs maisons, ignorants parfois même de leurs noms ou de leurs nationalités, et qui n’ont survécu, tels de petits animaux, que protégés par la seule force de l’instinct de préservation.

2- Les enfants un peu plus âgés, qui se souviennent d’un foyer et de leurs parents, mais qui ont vu des spectacles que jamais, un enfant ne devrait contempler, cruels bombardements, horreurs de la guerre, du sang versé, de la brutalité, des tortures, et de la haine. Ils ont survécu, parfois avec des parents ou des amis, parfois seuls, parfois par leur propre ingéniosité. Dans l’un et l’autre cas, ces groupes ignorent la bonne nourriture, tous deux sont souvent victimes de la malnutrition, et tous, normalement, à la suite de pareilles expériences, souffrent souvent de psychose et présentent un problème difficile.

3- Il y a aussi ces enfants bizarres et sauvages (mal ou non élevés) qui n’ont jamais connu l’autorité des parents ; plus âgés que les deux premiers groupes, ils se forment en bandes, comme de jeunes loups, ne songent qu’à survivre et à manger et qui, pour se console, pratiquent de façon précoce, la sexualité du coq, incapable de marquer une différence nette entre sexe et sexualité. Ceux-là sont naturellement dépourvus de tout sens moral et ne connaissent ni valeurs culturelles, ni restrictions sexuelles. Brutalisés par des circonstances et des gens auxquels ils cherchent toujours à échapper, la bonté leur est demeurée étrangère, ils ne connaissent point d’autre loi que l’instinct de préservation.

4 - On distingue ensuite un groupe d’enfants plus grands et mixtes (garçons et filles), toujours réunis en unités de combat. Il y a parmi eux ceux à qui on apprend très tôt à se servir d’un fusil (militarisation des consciences entretenue dès la prime enfance à travers des jouets et autres gadgets que l’Occident déverse sur nos marchés, surtout en période de fêtes). On apprend aussi à ces derniers l’usage et l’abus de la drogue. Très tôt, on leur apprend à poursuivre l’ennemi, et à le tuer à gaz et/ou à gage. Quand on les exerce à un minimum de discipline, c’est pour en faire de bons soldats, experts à la technique de la guerre et dans les maniements des armes venus de l’Occident. Ils ne reçoivent aucune autre instruction. Ils jouent ainsi courageusement le rôle à eux, imposé.

5- On distingue aussi dans ces groupes, les enfants des ghettos qui, depuis la prime enfance, partagent la même chambre avec les parents, généralement dans les quartiers populeux ou des banlieues de nos villes.

6- Il y a également pour finir, les enfants généralement mieux protégés. Ils bénéficient d’un regain d’attention ès les premières années de leur vie. On s’occupe d’eux ! Peut-être leurs arrivent-ils de souffrir de certains maux, mais leur misère est un peu différente, car l’atmosphère psychologique de leur entourage est tout autre, ils connaissent la possibilité d’être entourés d’affection et de sécurité. Ils sont bien nourris, tranquilles, indépendants et dépendants à la fois. Ils sont éduqués selon le vieil ordre égoïste, avec trop de confort et trop de besoins ; ils n’ont jamais été éprouvés au feu de la souffrance et de la douleur. Cette classification permet de se rendre compte qu’aujourd’hui et partout dans le monde, des millions d’enfants n’ont jamais connu la sécurité.

Nous pensons à ces enfants abattus en juin 1976 à SOWETO, à ceux abattus et dispersés par les guerres du RWANDA, du BURUNDI, du TCHAD, en IRAK et ces derniers temps au LIBAN etc. ; à ces autres anéantis, traumatisés et défigurés par l’explosion de TCHERNOBYL ; et à plusieurs autres adolescents dévoyés, malades sans le savoir qui, faute de frein moral et social, parce que souvent insultés, mal lotis et chosifiés, du fait de la mauvaise intégration en situation d’immigrés, finissent par faire la désolation de leur famille, allant parfois jusqu’aux délits. Ils sont toujours plus nombreux qui n’ont jamais su comment se procurer leur prochain repas, parce que séparés de leurs parents à cause des précédentes situations ou autres orchestrées par un divorce ou un cas de décès. Ces phénomènes commandent une attention particulière, une protection et une assistance sans faille aussi bien de la part des familles aisées que de la part de la coopération internationale.

Le problème se pose avec acuité et en ces termes parce que en ce « millénaire de tous les dangers », où la violence sous toutes ses formes, les guerres pour le pouvoir et l’exploitation des richesses naturelles provoquent des souffrances et des misères inexprimables, et où il devient urgent de renforcer la lutte contre le racisme et les discriminations, certaines politiques, submergées comme le soutient Gilbert ROBIN, « par une vague continue d’idéologies faussées, à prétention humanitaires, à griseries verbales, servant ceux qui les manient à des fins intéressées ou pour le moins puériles et primaires », continuent à avoir la comprenette difficile sur le sort des enfants dans le monde.

II/ La responsabilité parentale face aux libertés individuelles des enfants
Toutes les questions posées plus haut instituent le vieux débat sur le type de rapports/relations qui doivent exister entre parents/enfants dans un monde épris de vitesse comme le nôtre. Ce débat est vieux parce qu’il n’est pas d’aujourd’hui. Si dans les pays industrialisés ou de capitalisme avancé, il est souvent reconnu que les enfants sont choyés, écoutés, valorisés, sanctuarisés, protégés et que partout ailleurs ils ont plus de devoirs que de droits et sont au quotidien traumatisés, abandonnés, et dans l’insécurité permanente, il est important de préciser ici le rapport de l’éducation aux valeurs et au type d’homme que les uns et les autres entendent promouvoir. Cette préoccupation initie en filigrane le problème du rapport entre les droits (ce qu’on a le droit de faire) et les devoirs (ce qu’on doit faire et exiger de chacun).

D’où l’éventail de questions suivantes :
* Qu’est- ce qui conditionne la liberté individuelle d’un enfant ?
* Qu’est –ce que les enfants ont le droit de faire ? * Qu’est-ce que les parents doivent faire ?
* Les enfants eux-mêmes ont-ils seulement des droits ? Savent-ils qu’ils ont aussi des devoirs : - vis-à vis d’eux-mêmes ? - vis-à vis des parents ? - vis-à vis de la société ?
* Leur reconnaît-on même certains droits fondamentaux ?
Il s’agit là de questions inévitables sur les droits de l’enfant, et qui constituent une invitation à la conscience universelle. Pour les traiter, partons des principes suivants : aucun enfant n’a jamais demandé à venir au monde.

Chaque enfant est toujours surpris d’être-jeté-là. Sans excuse. Il est notoirement connu, faut-il le souligner que « c’est à la famille qu’incombe, au premier chef, la tâche de soigner et de protéger l’enfant de la naissance à l’adolescence. L’apprentissage pour l’enfant de la culture, des valeurs et des règles de la société commence au sein de la famille. Pour que sa personnalité s’épanouisse et se développe harmonieusement, un enfant devrait grandir dans un milieu familial, où il trouve bonheur, amour et compréhension…

Tout faire pour que les enfants ne soient pas séparés de leur famille.» Mais curieusement qu’est-ce que nous observons ? A peine est-il venu dans une famille, sans l’avoir pourtant demandé ou choisi et sans préparation aucune qu’il est abandonné à lui-même. Pourtant le géniteur doit se porter garant de son existence (ek sistere) Que faire ? Pour aider chacun à prendre la mesure de son choix et assurer les conséquences des actes posés, il est toujours important de faire savoir aux parents qu’ils doivent préalablement s’informer du chemin que l’enfant (qui va naître) doit parcourir jusqu’à son épanouissement complet.
A ce titre, l’alphabétisation des femmes devrait bénéficier, au niveau de chaque Etat d’une attention particulière de la part des décideurs. Pour spécifier leur rôle l’UNICEF souligne longuement dans sa Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), dossier d’information. Atelier sur les enfants en conflit avec la loi, (Yaoundé, Juillet 1997, p.11) que : « Les femmes jouent un rôle important dans le bien-être des enfants en remplissant leurs diverses fonctions.

Le renforcement de leur rôle et le fait qu’elles aient accès à égalité avec les hommes, à l’éducation, à la formation, au crédit et à divers services de vulgarisation constituent un atout pour le développement économique et social du pays. Il faudrait renforcer les statuts des femmes et leur rôle dans le développement dès leur plus jeune âge et permettre aux filles, à égalité avec les garçons, de bénéficier des services en matière de santé, de nutrition et d’éducation et des autres services de base afin qu’elles puissent se développer pleinement. La santé, la nutrition et l’éducation maternelles sont importantes pour la survie et le bien-être des femmes et conditionnent la santé et le bien-être des nourrissons … ». Ces préoccupations permettent de comprendre l’intérêt qu’il y a aujourd’hui à lier durablement les droits de la Femme à ceux des enfants.

III / Plaidoyer pour une pédagogie de libéralisation dans nos familles
Je reste de ceux qui pensent que tout enfant naît parasite et malléable, c’est-à-dire apte à prendre différentes formes selon les milieux. Il est question dans cette perspective de l’armer en vue de son intégration sociale. Dès que les bases de l’avenir sont jetées, avions-nous dit, l’acquisition des savoir-faire, des savoir-vivre et des savoir-être s’autorégule. On n’a plus tellement besoin de se mettre en permanence derrière un enfant, le bâton à la main.

Ce qui justifie d’ailleurs l’objet et l’intérêt de ce chapitre. L’enfant se portera pour ainsi dire mieux parce que nous occupant de nous, nous nous occuperons avec confiance de lui. L’inverse n’est pas toujours vrai. Il peut être puni s’il commet une bêtise ou un acte ignoble. Mais ne perdons jamais de vue que l’essentiel restera, une fois la punition administrée, de lui expliquer pourquoi il est châtié. C’est le moyen idoine de le mettre en confiance, au lieu d’amplifier en lui le coefficient d’incertitude et d’inquiétude dans les rapports quotidiens que nous aurons à entretenir avec lui.

Nous voulons dire en un mot qu’il faut cultiver en et avec l’enfant les vertus du dialogue. Si nous voulons donc faire progresser notre enfant vers le but que nous visons qui est celui de la libéralisation, c’est-à-dire le fait de le mettre avec générosité dans un processus qui consiste à lui donner de façon responsable plus de liberté en diminuant nos interventions à chaque instant, nous mettant nous-mêmes dans l’incapacité de nous occuper de nous, c’est parce que cette voie est promotrice d’autres valeurs individuelles, entre autres : la liberté de penser et de s’autogérer, l’indulgence et la tolérance à l’égard des autres.

Le docteur DODSON cité plus haut recommande dans cette perspective : • de s’appuyer sur l’univers journalier de l’enfant, de procéder à un contrat de personnalité avec son enfant car, celui-ci favorise le développement d’un bon concept de soi .Il est par exemple important à ce titre d’écouter les dires de l’enfant, ceux-ci cachent ses émotions, ses sentiments et finissent à l’analyse par dévoiler son intelligence.

S’il n’est pas écouté, il est frustré et du coup, il invente un langage, un discours clos qui très souvent échappe aux parents, mais est familier à ses amis. • de tout mettre en œuvre pour donner à l’enfant la liberté d’explorer son biotope et d’assurer son autodiscipline, bien sûr en tenant compte de son processus de maturation.
• de dissocier très souvent ses sentiments de ses actes, autrement dit, éviter de le regarder et de le juger avec les yeux d’adulte. • d’aider l’enfant à forger un concept de soi solide, en lui laissant très souvent la possibilité de tirer lui-même des leçons par rapports aux actes posés. Tout compte fait, de telles dispositions ne devraient pas nous faire oublier le dicton selon lequel : « qui aime bien, châtie bien. ».

En définitive nous soulignons et ce qui est d’ailleurs le vœu de L’UNICEF que « toute la protection et l’assistance devraient être accordées à la famille, qui est la cellule de base et l’environnement naturel de la croissance et du bien-être des enfants ». Fort malheureusement des dissociations intervenues ces derniers temps dans ces cellules accentuent les délits. Du fait de la conjoncture, nos familles deviennent des noyaux nucléaires de névroses.

Le sociologue contemporain Paul YONNET le soutien avec amertume dans un dossier consacré à la question : Pourquoi les enfants font la loi, publiée par L’EXPRESS (du 02 mars 2006, p.28) : « on avait l’habitude de dire que la famille était la cellule de base de la société, hiérarchisée à son image. Elle est devenue la cellule de base de l’individu en se réduisant, rétrécie à l’atome de parenté ». Il est donc important et de tradition, de revaloriser cette structure au nom de l’enfant et en vue de son bonheur. Bien que ce dernier ait pris tant d’importance qu’il lui arrive de défaire la famille, il reste que c’est là qu’il se niche et prospère.

Au lieu de ruiner cette fierté d’appartenance à celle d’être soi, consacrons cette valeur qu’est la famille. Briser une famille, c’est briser toute une nation. Par elle, grâce à elle et au moyen d’elle, l’individu pourra retrouver son équilibre, le tout rendu possible par un apprentissage permanent, enraciné dans la dialectique des droits et des devoirs qui fait problème aujourd’hui dans les rapports entre les enfants et les adultes.
 



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