ANALYSE

Le Baromètre 2010 de la Corruption de Transparency International


Alwihda Info | Par Alwihda Info - 15 Décembre 2010


Pour six personnes sur dix dans le monde, la corruption a augmenté au cours des trois dernières années. Une personne sur quatre déclare par ailleurs avoir payé des pots-de-vin au cours de l’année écoulée. Ce sont les conclusions du Baromètre mondial de la corruption, une enquête d’opinion mondiale, publiée aujourd’hui par Transparency International (TI), à l’occasion de la Journée Mondiale des Nations Unies contre la corruption.





C’est en Europe et en Amérique du Nord que les tendances en matière de perception de la corruption sont les plus négatives. Dans ces régions, respectivement 73% et 67% de la population pensent que la corruption a augmenté au cours des trois dernières années.

Malgré ces résultats inquiétants, l’enquête montre, dans le même temps, que sept personnes sur dix se disent prêtes à dénoncer un cas de corruption.

"Les conséquences des crises financières continuent à affecter les perceptions de la corruption, en particulier en Europe et en Amérique du Nord. Les institutions du monde entier doivent être déterminées dans leurs efforts pour restaurer la bonne gouvernance et la confiance", déclare Huguette LABELLE, présidente de Transparency International.

"Il est réconfortant de voir qu’autant de personnes sont prêtes à s’opposer à la corruption. Cette volonté doit être mise à profit".

Le Baromètre mondial de la corruption est une enquête menée auprès de plus de 91 000 personnes dans 86 pays et territoires. Il se concentre sur la petite corruption, sur la perception de la corruption au sein des institutions publiques ainsi que sur les personnes et organisations qui ont la confiance des citoyens pour combattre la corruption.

Différences régionales en ce qui concerne la petite corruption

Au cours des douze derniers mois, une personne sur quatre a payé un pot-de-vin à l’un des neuf services ou institutions répertoriés dans l’enquête, qui vont du domaine de la santé à l’éducation en passant par la justice et l’administration fiscale. La police est la plus fréquemment citée comme bénéficiaire de bakchichs : 29% des personnes interrogées ayant eu des contacts avec la police indiquent avoir dû payé un pot-de-vin.

Les habitants d’Afrique subsaharienne sont les plus touchés. Plus d’une personne sur deux déclare avoir payé des pots-de-vin aux cours des douze derniers mois, contre 36% des personnes interrogées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 32% dans les pays de l’ancien bloc soviétique, 23% en Amérique Latine, 19% dans les Balkans et en Turquie, 11% en Asie-Pacifique et seulement 5% dans les pays de l’Union Européenne et d’Amérique du Nord.

Dans plus de 20 pays, on constate une augmentation significative de la petite corruption par rapport aux résultats du Baromètre 2006. Les pays les plus concernés en 2010 par le versement de bakchichs sont l’Afghanistan, le Cambodge, le Cameroun, l’Inde, l’Irak, le Liberia, le Nigeria, la Palestine, le Sénégal, la Sierra Leone et l’Ouganda. Dans ces pays, plus de 50% des personnes interrogées ont indiqué avoir payé un pot-de-vin au cours de l’année écoulée.

Près de la moitié des répondants ont indiqué avoir payé des pots-de-vin pour éviter d’avoir des problèmes avec les autorités et un quart pour accélérer des procédures en cours.

Plus inquiétant encore, les bakchichs versés aux services de police ont quasiment doublé depuis 2006. Par ailleurs, davantage de personnes disent avoir payé des dessous-de-table dans le secteur judiciaire et les services chargés de l’état civil et des permis.

La corruption et les personnes les plus démunies

Si l’on regarde la démographie de la corruption, on constate que les pauvres et les jeunes sont les plus désavantagés. Comme dans les études précédentes, les petits revenus indiquent verser plus de pots-de-vin que les revenus plus élevés. Les personnes pauvres sont deux fois plus susceptibles de verser des bakchichs que les personnes aisées, pour avoir accès aux services de base que sont l’éducation, les soins médicaux ou les approvisionnements en eau et en énergie.

"La corruption est une taxe dégressive. Il faut s’attaquer à cette injustice. Les populations pauvres et marginalisées restent les plus vulnérables aux extorsions. Les gouvernements doivent faire plus pour identifier les risques de corruption dans les services de base et pour protéger leurs citoyens", commente Mme LABELLE.

Un tiers des personnes interrogées de moins de 30 ans ont indiqué avoir payé un pot-de-vin au cours des douze derniers mois, contre moins d’un cinquième chez les plus de 51 ans.

Manque de confiance dans les institutions publiques

Malheureusement, peu de personnes ont confiance en leurs gouvernements ou leurs politiciens. Huit personnes sur dix considèrent que les partis politiques sont corrompus ou extrêmement corrompus. L’administration publique et le Parlement sont ensuite les institutions considérées comme les plus corrompues.

La moitié des personnes interrogées déclarent que les actions de leur gouvernement pour lutter contre la corruption sont inefficaces. Ce chiffre évolue peu avec le temps. On observe néanmoins une légère dégradation depuis 2007 en Asie-Pacifique, en Amérique Latine et en Afrique subsaharienne et une légère amélioration dans les pays de l’ancien bloc soviétique et en Amérique du Nord.

Par ailleurs, bien qu’une large majorité des personnes interrogées (sept sur dix) déclarent qu’elles dénonceraient un acte de corruption si elles en étaient témoins, ce chiffre diminue de moitié pour les victimes de corruption.

"Le message à tirer du Baromètre 2010 est que la corruption est insidieuse. Elle fait perdre toute confiance. La bonne nouvelle, c’est que les gens sont prêts à agir", déclare Huguette LABELLE.

"Une meilleure protection des personnes dénonçant des actes de corruption et un meilleur accès à l’information sont essentiels. L’implication du public dans la lutte contre la corruption obligera ceux qui détiennent le pouvoir à agir et donnera plus de courage aux citoyens pour lutter pour un monde plus intègre", ajoute-t-elle.

La corruption progresse en France

Deux tiers des Français estiment que la corruption a augmenté dans notre pays depuis 2006. Cette perception est comparable à celle des citoyens des autres grands pays d’Europe de l’Ouest (70% des personnes interrogées en Allemagne, 65% en Italie, 67% au Royaume-Uni). 7% des personnes interrogées en France disent en particulier avoir dû payer un pot-de-vin au cours des 12 derniers mois à l’occasion d’une relation avec un service public. Ce chiffre n’était que de 2% en 2006.

Les Français jugent par ailleurs plus sévèrement l’action du gouvernement en matière de lutte contre la corruption qu’ils ne le faisaient il y a trois ans. 63% des personnes interrogées ne la jugeaient déjà pas efficace en 2006. Elles sont 68% à avoir aujourd’hui cette opinion.

Concernant les institutions les plus perméables à la corruption, la défiance envers les partis politiques et, dans une moindre mesure, envers le monde de l’entreprise, se confirme (résultats comparables à 2006).

Selon Daniel LEBÈGUE, Président de TI France "Les résultats du Baromètre 2010 rappellent l’urgence qu’il y a à ce que nos représentants politiques prennent enfin des mesures concrètes pour restaurer la confiance des citoyens. C’est l’un des objectifs des recommandations que nous présentons ce matin même au groupe de travail de l’Assemblée nationale sur la prévention des conflits d’intérêts. L’engagement de tous les citoyens est aussi indispensable et les résultats du Baromètre sont à cet égard très encourageants".

En effet, 69% des Français estiment que les citoyens ordinaires peuvent faire une différence dans l’action contre la corruption, et 83% viendraient en aide à leurs collègues où amis si ceux-ci étaient confrontés à un problème de corruption.

Envoyé par PatricK Eric


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