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Avant-Proposition de Constitution Centrafricaine : Les propositions de Wabaï Yanga Kanda


Alwihda Info | Par Wabaï YANGA KANDA - 8 Avril 2015



République Centrafricaine

Unité-Dignité-Travail

 

L'Avant-Proposition de Constitution Centrafricaine

 

Les propositions de Wabaï YANGA KANDA

Docteur en Finances Publiques

Professeur d’université

 

AVANT-PROJET DE CONSTITUTION  DE LA RCA

 

Dans l’ordre de la présentation, certains articles de l’avant-projet de Constitution appellent de ma part les observations suivantes :
 

Article 18 alinéa 2 « l’Etat Centrafricain a pour nom : République Centrafricaine ».
 

 Le nom du pays « REPUBLIQUE centrafricaine » n’a aucune signification aujourd’hui. D’abord parce que ce pays n’est pas situé géographiquement au milieu de l’Afrique. Ensuite, lorsque le fondateur a choisi ce nom, il s’est battu pour construire un Etat fédéral regroupant  la RCA, le Cameroun, le Congo Brazzaville, le Gabon et le Tchad. Dans cette perspective, l’appellation de Centrafrique se justifiait par rapport au coeur du continent mais plus de nos jours.
 

En dehors des considérations ci-dessus, il est frustrant de s’entendre dire : « La République Centrafricaine est située où ? Est-ce le Cameroun, le Congo… ? »
 

Dans plusieurs documents internationaux,  les pays s’écrivent par leur nom par exemple le Cameroun, la France, le Brésil… S’agissant de la CENTRAFRIQUE, il faut ajouter préalablement « La République » pour pouvoir le retrouver sur une liste. C’est comme si ce pays avait des dimensions, des caractéristiques ou des valeurs républicaines  à démontrer et qu’il fallait commencer par dire « République ». Nous savons tous que la France, le Tchad ou le Gabon sont des républiques. Il en est de même pour la Centrafrique, alors pourquoi passer par « République » pour désigner la Centrafrique ?
 

Enfin, son genre n’est pas officiellement arrêté. Est-ce la Centrafrique ou le Centrafrique ? Le doute subsiste.
 

Il en est d’ailleurs de même du drapeau à cinq couleurs qui ne représentent absolument rien historiquement pour ce pays. Le fondateur, dans sa lutte panafricaniste et dans l’optique d’un Etat fédéral, voulait qu’apparaissent sur le drapeau de la fédération les signes représentatifs de chacun des futurs Etats fédérés. Le bleu, c’est  l’océan ou le fleuve Congo, Le blanc c’est le coton du Tchad, le vert c’est la forêt gabonaise, le jaune c’est l’or centrafricain et le rouge le sang versé par les citoyens de ces pays pour arracher leur indépendance. Conserver cet emblème en l’état n’a plus de grande signification historique ni même sociologique ou politique puisque chacun de ces pays est indépendant et a son propre drapeau.
 

Article 18 alinéa 9 « Sa fête nationale est fixée au 1er décembre, date de la proclamation de la République ». 
 

 Les centrafricains fêtent  le 1er décembre qui est la date de la proclamation de la République. Ils en oublient presque le 13  août, celle de l’Indépendance. Il est possible de penser que pour les centrafricains, la proclamation de la République l’emporte sur l’indépendance. Or il s’avère que dans de nombreux pays, c’est l’indépendance qui prime sur la proclamation de la République. Que justifie cette inversion de priorité ? Une réflexion ou une discussion intellectuelle à ce sujet ne pourrait-elle pas être menée avant l’adoption de la constitution ?
 

Article 22 alinéa 12 «  Il(Le Président de la République)  préside le Conseil Supérieur de la Magistrature, la Commission Consultative  du Conseil d’Etat et la Conférence des Présidents et du Procureur Général de la Cour des Comptes… ». 
 

Une précision est nécessaire.  Le Président de la République préside la Conférence des Présidents de quoi ? Un juriste peut connaitre la réponse  mais un citoyen ordinaire la saura-t-il ? 
 

Article 22 alinéa 13 : « Il (le Président de la République) a le droit de grâce ». Cet alinéa est incompatible avec le principe de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. Il se justifiait à l’époque où le Roi était le souverain et détenteur de la SUMMA POTESTAS, c’est-à-dire le plus grand des pouvoirs. L’Etat était le Roi et le Roi était l’Etat. Il concentrait entre ses mains la plénitude des trois pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire).
 

Article 22 alinéa 16 : « Il (le Président de la République) négocie et ratifie les traités ». Je propose ceci : « Il négocie les traités et les accords internationaux. L’Assemblée Nationale les ratifie ».
 

Article 23 alinéa 2 : « Durant son mandat, le Président de la République ne peut par lui-même, ni par autrui, rien acheter ou prendre en bail un bien qui appartienne au domaine de l’Etat, sans autorisation préalable de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans les conditions fixées par la loi. Il ne peut prendre part ni par lui-même, ni par autrui, au marché public ou privé pour les administrations ou institutions relevant de l’Etat ou soumise à leur contrôle ». Je propose qu’il soit écrit : au marché public ou privé des administrations ou institutions relevant de l’Etat, des collectivités territoriales ou soumis à leur contrôle.
 

Cet alinéa soulève les remarques suivantes :
Il faudrait étendre le champ d’application de cet alinéa aux membres du gouvernement et prévoir une loi les soumettant au délit de la prise illégale d'intérêt qui sanctionne la violation du principe de la séparation  de l’intérêt public et de l’intérêt privé et se définit ainsi : « Le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération qu’elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

En cas de violation, les sanctions pourraient être par exemple l’interdiction des droits civils, civiques, politiques…assorties de peines de prison, de fortes amendes ; l’interdiction d’exercer toute fonction publique, la confiscation des biens ainsi que le remboursement des sommes perçues.
Il ne faut pas restreindre son application seulement aux dépendances de l’Etat mais à toute la domanialité  publique ou privée de toutes les personnes morales de droit public.

Article 24 alinéa 3 : «  En aucun cas, le Président de la République ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ou le proroger pour quelque motif que ce soit ».
 

Il faudrait compléter cet alinéa par : « Toute tentative de prorogation, de quelque manière que ce soit, qu’elle vienne du Président de la République lui-même ou qu’elle vienne d’une institution ou personne privée, oblige le Président de la Cour Constitutionnelle à engager les procédures de destitution immédiate du Président. Les tentatives ne venant pas directement du Président de la République sont considérées comme émanant de lui s’il est informé d’une réunion, d’un écrit ou d’une parole préparant ou appelant à cette prorogation et qu’il a laissé faire ».
 

Article 27 : « Dans les trente jours qui suivent la prestation de serment, le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans les huit jours ».
 

Quel est l’intérêt de cette déclaration de patrimoine si la constitution ne prévoit pas qu’elle doit être comparée, à la fin de mandat  avec l’inventaire  de patrimoine du Président de la République sortant ? Cet inventaire doit être dressé par un cabinet d’expertise comptable choisi suite à un appel d’offres publié par la Cour des comptes. La Cour des Comptes est d’office co-prestataire de l’établissement de cet inventaire au nom du peuple centrafricain.
 

Article 28 alinéa 2 : «  A défaut de promulgation dans les délais requis, la loi entre automatiquement en vigueur soit après constatation par la Cour Constitutionnelle soit sur saisine de l’Assemblée Nationale ».

Cet alinéa comporte plusieurs imprécisions susceptibles de donner lieu à des interprétations divergentes voire contradictoires et embarrassantes  pour la Cour Constitutionnelle :
L’alinéa dit clairement que la loi entre automatiquement en vigueur à défaut de promulgation dans les délais requis. Pourquoi alors ajouter l’expression suivante : « soit après constatation par la Cour Constitutionnelle soit sur saisine de l’Assemblée Nationale » ? Il n’y a absolument rien à constater. La loi entre en vigueur automatiquement sans aucune autre procédure dans les quinze jours en temps normal et en cas d’urgence dans les cinq jours. Quelle serait l’utilité ou la nécessité d’une constatation par la Cour Constitutionnelle? La seule difficulté ici est de savoir qui va signer la loi pour la rendre obligatoire en cas de dépassement du ou des délais constitutionnels (quinze et cinq jours) ? Considérerons-nous le silence du Président de la République comme une promulgation implicite ou une décision implicite de rejet ? 

Selon moi, il n’y a pas lieu à une décision implicite de rejet. Son silence vaut promulgation. C’est la Constitution, norme suprême qui le précise. Si le Président de la République veut s’opposer à la promulgation, cette même Constitution lui donne le droit de demander une nouvelle lecture à l’Assemblée Nationale et cette nouvelle  délibération ne peut lui être refusée.
S’agissant de la saisine de l’Assemblée Nationale : Est-ce l’Assemblée Nationale qui procède à la saisine ou bien c’est Elle qui est saisie ? Si c’est la deuxième hypothèse, par qui sera-t-elle saisie ? Le dépassement du délai ne vaut-il pas promulgation ? Je pense sous réserve de me tromper qu’il s’agit de la saisine par l’Assemblée Nationale de la Cour Constitutionnelle. En principe, en droit pur, le Président de la République est en situation de compétence liée pour signer les décrets promulguant les lois. En droit, l’usage du présent de l’indicatif vaut obligation. L’article 22 alinéa 8 précise que le Président de la République promulgue les lois. C’est donc une compétence liée.  Dans le cadre de la rédaction telle qu’envisagée, les futurs Présidents seront tenus de promulguer les lois et à l’expiration des délais, celles-ci seront automatiquement promulguées. Mais promulguées par quelle autorité puisque le Président de la République ne l’a pas fait au terme du délai ? Deviendront-elles pour étant exécutoires ? Non. Il faut prévoir une autre autorité qui va prendre un texte rendant la loi votée exécutoire par exemple la Cour Constitutionnelle ou une autre autorité.

Article 30 dernier alinéa «  A l’expiration de ce délai, les ordonnances, lorsqu’elles ont été ratifiées, ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».
 

Le dernier membre de la phrase soulignée est superfétatoire. Il l’est parce qu’une ordonnance, en droit centrafricain comme en droit français, relève de la procédure législative déléguée. En procédure législative ordinaire, le gouvernement ne peut pas intervenir dans le domaine de la loi. En cas d’urgence ou lorsque le calendrier de l’Assemblée Nationale est surchargé ou si le gouvernement veut éviter de longs débats sur un texte très important, il va demander l’autorisation à l’Assemblée Nationale pour intervenir dans le domaine législatif pour un  temps limité et sur des sujets précis. Une loi d’habilitation doit intervenir pour ratifier ces ordonnances. Dans le cas contraire, elles deviennent caduques. Avant la ratification, ces ordonnances ont le caractère  réglementaire et sont donc susceptibles d’être annulées par le juge administratif. Après la ratification, elles revêtent le caractère législatif et ne peuvent plus être modifiées par l’exécutif.
 

Il n’est donc pas utile d’ajouter les mots « dans les matières qui sont du domaine  législatif » puisqu’une ordonnance n’intervient en droit centrafricain que dans le domaine législatif. 
 

Article 31 : Cet article attribue des pouvoirs exceptionnels au Président de la République pour rétablir l’ordre public menacé, l’intégrité du territoire et le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Les mesures prises par le Président de la République pendant cette période doivent  être ratifiées par l’Assemblée Nationale dans les quinze jours de leur publication. Ces mesures deviennent caduques sauf si l’Assemblée Nationale est saisie d’un projet de loi de ratification dans ledit délai.
 

Un  délai devrait être fixé à l’Assemblée Nationale pour adopter le projet déposé sur son bureau afin d’éviter des difficultés ultérieures. Que se passera-t-il si l’Assemblée Nationale ne vote pas le projet déposé sur son bureau au bout de six mois ou un an ? Lesdites mesures deviennent-elles caduques ou pas ? En principe non puisque le Président de la République s’est libéré de la procédure lui incombant. Si ces mesures ne deviennent pas caduques, elles sont donc de nature réglementaire. Cela signifie que tout citoyen ayant un intérêt peut demander au juge administratif de les annuler en exerçant un recours pour excès de pouvoir. Ce sera une véritable insécurité juridique. L’état du droit ne doit  souffrir d’aucune approximation. 
 

Enfin, les ordonnances doivent être explicitement ratifiées pour éviter que leur légalité ne soit contestée de manière permanente. Pour cela, il faut fixer un délai à l’Assemblée Nationale pour les ratifier.
 

Article 35 alinéa 2 : « Tout cas d’empêchement définitif ou de maladie, qui place le Président de la République dans l’impossibilité  absolue d’exercer ses fonctions, doit être constaté par un comité spécial présidé par le Président de la Cour Constitutionnelle.  Le Comité Spécial, saisi par le Gouvernement, statue à la majorité absolue de ses membres… ».
 

Il faudrait éviter au pays qui a déjà souffert de retards pris dans tous les domaines de tomber dans des paralysies futures qui seront liées à la mauvaise volonté d’un Président de la République rongé par la maladie et incapable de diriger le pays, de garder le pouvoir pour la simple raison que le gouvernement nommé par ce Président hésitera ou refusera de saisir le comité spécial pour constater l’impossibilité du Président de la République d’exercer ses fonctions. En effet, il est souhaitable de confier l’initiative de la saisine à la Cour Constitutionnelle avec  une ou des garanties opérationnelles, par exemple si le Président de la République n’a pas présidé le Conseil des Ministres pendant trois mois, la Cour a l’obligation de saisir le comité spécial. Ce sera un mécanisme d’auto-saisine. Le Président de la Cour Constitutionnelle saisit l’Institution. Ce sera, me semble-t-il, efficace puisque les membres de la Cour Constitutionnelle étant désignés à vie, son Président ne craindra pas les éventuelles représailles du Chef de l’Etat.
 

Article 42 : «  Après la nomination des membres du Gouvernement, le PREMIER Ministre, Chef du Gouvernement, se présente dans un délai  maximum de soixante jours devant l’Assemblée Nationale et expose son programme de politique générale. En cas de non-respect du délai de soixante jours, il est fait application de l’article 41 ».
 

Cet article 41 énonce ceci : 
 

« Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, est responsable devant le Président de la République et devant l’Assemblée Nationale.
 

Il peut être mis fin, à tout moment, aux fonctions de Premier Ministre par le Président de la République ou à la suite d’une motion de censure adoptée à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée Nationale ».
 

Il est évident que l’application de l’article 41 ne conduit pas absolument à la cessation des fonctions du Premier Ministre. D’abord parce que le début de l’alinéa 2 de l’article 41 fait usage du verbe pouvoir. Ce n’est donc pas une obligation pour le Président de la République de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre et ce n’est pas une obligation non plus pour l’Assemblée Nationale de voter une motion de censure. Ensuite, la responsabilité qu’évoque l’alinéa 1er de l’article 41 est une responsabilité traditionnelle, ordinaire de tout régime parlementaire bicéphale. Il n’y a rien d’exceptionnel.
 

Si les centrafricains veulent  sanctionner la défaillance du Premier Ministre incapable de présenter son programme de politique générale dans le délai de soixante jours, il faudrait dire : «  En cas de non-respect du délai de soixante  jours, le Président de la République  met fin aux fonctions du Premier Ministre. Cette phrase est plus opérationnelle.
 

L’expression : « il est fait application de l’article 41 » peut conduire à des dénis de compétence ou des cas d’incompétence négative de la part du Président de la République ou de l’Assemblée Nationale forcément préjudiciable à la nation centrafricaine qui n’a pas besoin de cela.
 

Article 43 : Cet article organise ce qu’on appelle la question de confiance ou l’engagement de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée Nationale sur un texte qu’il considère comme très important.
 

Comme tout démocrate, je suis rétif aux dispositions constitutionnelles qui sont de la dictature constitutionnalisée. Tout ce qui est parlementarisme fortement rationalisé ressemble à un déni de démocratie ou un coup de force. La question de confiance est la soeur jumelle du vote bloqué  qui oblige les députés à se déjuger, à voter les dispositions qu’ils avaient initialement refusé d’adopter.
 

En démocratie, il faut dialoguer, discuter et essayer de convaincre plutôt que de passer en force.
 

Article 45 : « Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec celles de membre de l’Assemblée Nationale, de membre du Conseil Economique et Social, de toute fonction de représentation professionnelle, de tout emploi salarié et  de toute activité lucrative ».
 

Cet article tombera en désuétude dès l’entrée en vigueur de la Constitution si les mécanismes de sa mise en œuvre comprenant les sanctions ne sont pas prévus directement par la Constitution elle-même.
 

Article 46 : « Dans les trente jours qui suivent la formation du Gouvernement, le Premier Ministre et les membres du Gouvernement font, chacun en ce qui le concerne, une déclaration écrite de patrimoine, déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans les huit jours francs ».
 

Attention, cet article est incomplet ou insuffisant. Il ne prévoit pas de confrontation entre le patrimoine déclaré lors de l’entrée en fonction du ministre et le patrimoine détenu à la sortie du gouvernement. Que se passera-t-il par exemple, si à la cessation de fonction, il est constaté une différence positive importante entre le patrimoine déclaré lors de l’entrée au gouvernement et celui détenu à la sortie ? Il serait bon de prévoir des mécanismes de contrôle des deux patrimoines à l’entrée et à la sortie du gouvernement et prévoir également les autorités ou organismes spécialement missionnés  de ce contrôle comme par exemple une Haute Autorité chargée de la transparence de la vie publique  qui se saisira  automatiquement lors de la formation de chaque nouveau gouvernement et qui transmettra  ses conclusions au parquet et/ou à la Cour Constitutionnelle. Elle se saisira automatiquement lors de la sortie d’un ministre du gouvernement et comparera le patrimoine d’entrée à celui accumulé à la sortie.
 

Article 48 : « Le Gouvernement examine, en Conseil des Ministres, les projets de lois avant leur dépôt à l’Assemblée Nationale. Il est consulté pour avis sur les propositions de lois ».

Il est en outre saisi préalablement à toute décision :
Des questions concernant la politique générale de la Nation ; Du projet du plan ; Du projet de révision de la constitution ; Des nominations à certains emplois civils et militaires.»

 Je me permets donc de proposer :

Article 48 : « ….Il est en outre saisi préalablement à toute décision concernant :

- des questions de politique générale de la Nation ;

- un  projet du plan ;

- un projet de révision de la constitution ;

- des nominations à certains emplois civils et militaires. »
 

Article 54 alinéa 2 : « Les autres membres du Bureau (Bureau de l’Assemblée Nationale) sont élus chaque année. »
 

Cette fréquence trop rapprochée est source de difficultés. Les membres d’un Bureau ont besoin de temps pour asseoir leur politique et faire leurs preuves. Je suggère un renouvellement complet par élection en milieu du mandat.
 

Article 54 alinéa 3 : « Le Président de l’Assemblée Nationale peut faire l’objet de procédure de destitution pour manquement aux devoirs de sa charge sur demande motivée du tiers des députés. »

Auprès de qui doit-être déposée cette demande ? Auprès du Président de l’Assemblée Nationale ? Celui-là même dont on veut destituer ? Comment va-t-il organiser efficacement et promptement sa propre destitution ?
 

Il faudrait compléter cet alinéa par cette phrase : « Cette demande est déposée sur le Bureau de l’Assemblée Nationale. Ce dépôt donne lieu à une inscription à l’ordre du jour d’une séance extraordinaire de l’Assemblée Nationale qui doit être convoquée dix jours francs par le Premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale et à son absence  par le deuxième Vice-Président. En cas d’empêchement de ceux-ci, l’ordre protocolaire est suivi pour l’inscription et la convocation. 

Article 64 : « Sont du domaine de la loi :
Les règles relatives aux matières suivantes :

……..

……..
Le régime d’émission de la monnaie »

La République Centrafricaine  n’a pas d’Institut d’Emission monétaire. Le franc CFA n’est pas émis par l’Etat centrafricain. La RCA n’a pas la souveraineté monétaire et la politique monétaire n’est pas faite par les Etats membres de la CEEAC. La BEAC ne porte que le nom de Banque Centrale. Tout est décidé au niveau de la France et de la Banque Centrale Européenne située à Francfort en Allemagne.
 

La parité du franc CFA est fixe avec l’Euro. Les Etats africains, la CENTRAFRIQUE comprise, ne décident absolument de rien. Les grands principes régissant le franc CFA tels que la transférabilité illimitée, la convertibilité illimitée, la fixité de la parité etc ont été coulés dans le marbre par la convention de la zone franc. Tous ces principes ont été repris par le traité de Maastricht. Le franc CFA fait donc partie de la zone Euro. C’est une subdivision de la monnaie européenne. La politique monétaire du franc CFA est déterminée et conduite par la Banque Centrale Européenne et non par les africains. 
 

Article 65 alinéa 2 : «  Les lois de finances sont obligatoirement votées avant la fin de l’exercice en cours. Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été adoptée en temps utile par le Gouvernement, celui-ci demande d’urgence à l’Assemblée Nationale l’adoption d’une loi portant douzièmes provisoires de la loi de finances de l’exercice précédent »
 

Cet article comporte des imprécisions et des contradictions :
 

D’abord, si les lois de finances sont obligatoirement votées avant la fin de l’exercice, il ne peut   pas y avoir des douzièmes provisoires. Cette technique de douzièmes provisoires n’intervient que s’il n y a pas d’obligation de voter la loi de finances avant la fin de l’exercice. Or dans le cas sous examen, la future Constitution centrafricaine fera obligation aux députés de voter la loi de finances avant la fin de l’exercice. 

L’utilisation du terme « exercice » ici constitutionnalise le principe de l’annualité budgétaire, c’est-à-dire l’obligation de voter le budget et  de l’exécuter au courant de l’année. En d’autres termes, toutes les écritures comptables doivent être réalisées au courant de l’exercice. Le nouveau budget doit être voté avant le 31 décembre pour être appliqué à compter du 1er janvier de l’exercice suivant. Le vote obligatoire de la loi de finances avant la fin de l’année et l’adoption des douzièmes provisoires sont absolument incompatibles et contradictoires. 
 

Si la nouvelle Constitution  exige le vote de la loi des finances avant la fin de l’exercice, il faudrait  retirer  le recours aux douzièmes provisoires du texte de la Constitution. S’il faut assouplir la gestion budgétaire et comptable en inscrivant les douzièmes provisoires en prévision d’éventuelles  forces majeures qui pourraient entraîner des retards dans la préparation et le vote de la loi de finances, dans ce cas il faudrait supprimer du texte de la Constitution, l’obligation de voter la loi de finances avant la fin de l’exercice.
 

Ensuite, ce même alinéa 2 dit : « Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été adoptée en temps utile par le Gouvernement, celui-ci demande d’urgence à l’Assemblée Nationale l’adoption d’une loi portant douzièmes provisoires de la loi de finances de l’exercice précédent. »
 

Le principe de la séparation des pouvoirs interdit au Gouvernement d’adopter une loi. C’est à l’Assemblée  Nationale d’adopter la loi. Il est pourtant bien écrit dans ce projet de Constitution à l’article 64 que les lois de finances relèvent  du domaine de la loi et donc de la compétence du Parlement. Il n’est pas de la compétence du Gouvernement d’adopter une loi.
 

La commission a certainement voulu écrire la phrase suivante : « Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d’urgence au parlement l’autorisation  de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. »
 

NB : Il y a deux procédures ou techniques budgétaires distinctes :
 

1-La procédure ou technique des douzièmes provisoires : Elle est mise en œuvre  dans le cas où le budget n’est pas encore voté. Le gouvernement demande d’urgence au parlement d’adopter une loi lui permettant d’exécuter le budget de l’exercice N-1 par douzième en attendant le vote du budget de l’exercice N qui sera voté ultérieurement.
 

2-La procédure ou technique de perception des impôts et l’exécution des services votés : Ici, la loi de finances  est généralement  déjà votée mais elle n’est pas encore promulguée. Le Gouvernement demande au Parlement de voter rapidement une loi qui l’autorise à percevoir les impôts et d’exécuter, en termes de dépenses publiques, ce qu’on appelle les services votés. Ils sont le minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre  l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées par le Parlement l’année précédente. Ce sont celles qui figuraient déjà dans le budget de l’exercice N-1 et reconduites dans la loi de finances de l’exercice N non encore promulguée. Autrement dit ces dépenses sont reconduites automatiquement d’une année à l’autre.
 

Je suis surpris que la future Constitution reprenne la technique des services votés qui est une technique laxiste, une véritable absence de rigueur et d’efficience dans la préparation du budget. La plupart des Etats au monde l’ont abandonnée au profit d’autres techniques beaucoup plus efficace des dépenses publiques, par exemple la technique du budget à base zéro, la méthode ABC, le budget par activité ou par mission, le budget opérationnel de programme, le budget de performance etc… etc…
 

Article 65 alinéa 7 : « Si le Gouvernement le demande, l’Assemblée Nationale se prononce sur tout ou partie du projet de loi de finances en ne retenant que les amendements acceptés par le Gouvernement. »
 

Je vous renvoie à l’avis donné précédemment sur l’engagement de la responsabilité du Gouvernement (page 10 article 43). Il s’agit ici de la mise en œuvre du voté bloqué qui oblige les députés à voter des dispositions qu’ils avaient initialement refusé de voter. Les députés se déjugent. C’est ce que j’appelle de la dictature constitutionnalisée. C’est l’équivalent de l’article 44-3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 qui n’est pas du tout un modèle de démocratie. Il faut plutôt procéder par persuasion que par la brutalité.
 

NB : Aucune disposition de ce projet de Constitution ne prévoit le cas où par un fait extraordinaire ou pour une raison extérieure à la volonté  du Président de la République, la loi de finances votée  n’a pu être promulguée, par exemple la Cour Constitutionnelle déclare la loi de finances votée inconstitutionnelle, ou bien volontairement aussi, pour des raisons qui lui sont propres, le Président de la République refuse de promulguer cette loi. Comment les institutions vont fonctionner ?
 

Il y a deux cas de figure :
La Cour Constitutionnelle déclare tout ou partie de la loi de finances contraire à la Constitution. Si c’est une partie seulement, la loi de finances est promulguée sauf les dispositions jugées contraires à la Constitution. Si c’est toute la loi de finances qui n’est pas conforme à la loi fondamentale, le gouvernement a l’obligation de déposer sur le Bureau de l’Assemblée Nationale un autre projet de loi de finances. L’Assemblée Nationale dispose alors de vingt jours francs à compter de sa saisine pour voter le texte. Les Institutions de la République vont fonctionner par douzièmes provisoires durant les mois de janvier et février. Le président de la République refuse de promulguer la loi de finances votée. Ce cas est improbable. Je l’ai dit ci-haut que dans le système mis en place dans la future Constitution, le Président de la République sera obligé de promulguer toute loi votée. L’usage du présent de l’indicatif en droit vaut impératif et met le Président de la République dans une situation de compétence liée.

 

Article 88 alinéa 1er : « La Cour des Comptes est la juridiction compétente pour juger les comptes des comptables publics, ceux des collectivités territoriales ainsi que ceux des entreprises publiques. »
 

L’article 88 devrait s’écrire ainsi : « La Cour des Comptes juge les comptes des comptables publics ».En jugeant les comptes des comptables publics, la Cour des Comptes juge aussi les comptes de toutes les personnes morales de droit public  (Etat et ses établissements publics, collectivités territoriales et leurs établissements publics, entreprises publiques..). Le droit budgétaire centrafricain applique le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables (sauf si les règles ont changé en Centrafrique mais celles que j’appliquais quand j’étais inspecteur du trésor à Bangui était bien la séparation de ces deux agents), il est donc impropre de dire que la Cour des Comptes juge les comptes des comptables publics, ceux des collectivités territoriales ainsi que ceux des entreprises publiques. En jugeant les comptes des comptables publics, la Cour juge aussi les comptes  des collectivités territoriales et ceux des entreprises publiques sauf si les comptables des collectivités territoriales n’ont pas la qualité de comptable public ou sauf si le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables n’est plus appliqué en Centrafrique, ce qui serait absolument dangereux pour les finances publiques de ce pays.
 

Au sujet du contrôle, je propose que désormais les comptes de l’Etat soient certifiés par la Cour des Comptes et que ceux des collectivités locales ainsi que des entreprises publiques le soient par des organismes indépendants comme par exemple les cabinets d’expertise comptable ou des commissaires aux comptes dans le cadre de la transparence financière. Ce contrôle assurera la fidélité des comptes ainsi que leur  sincérité  et régularité.
 

Le contenu de cette certification constituera une mine d’information pour les citoyens, un outil de contrôle pour l’Assemblée Nationale et un levier de bonne gouvernance pour le gouvernement.
 

Les missions de la Cour des Comptes doivent, à mon avis, s’étendre au contrôle de gestion des ordonnateurs. Contrôler les comptes des comptables publics et contrôler la gestion des organismes publics sont deux choses bien distinctes. Le contrôle de gestion, c’est l’appréciation de la bonne ou mauvaise gestion de  la chose publique qui touche tous les aspects de la vie publique. Il s’agit de porter un regard critique sur la manière de gérer la chose publique par les ordonnateurs. Il s’agit de s’assurer du bon emploi des crédits, fonds et valeurs gérés par les ordonnateurs. Ce contrôle de gestion s’effectue aussi sur les organismes non dotés de comptables publics.
 

Le contrôle des comptables publics, par contre est un simple contrôle de régularité.
 

Article 92 alinéa 1er : « La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est chargée de :
Juger  la constitutionnalité des lois organiques et ordinaires déjà promulguées ou simplement votées, des règlements ainsi que du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ; »

Cet alinéa fait l’objet de deux remarques :
 

A – La Cour Constitutionnelle est en principe chargée de vérifier la conformité des lois à la Constitution. Elle n’est pas une Cour suprême en matière administrative. L’alinéa 1er tel que rédigé, a inclus les règlements dans le contrôle de la Cour Constitutionnelle. Cela signifie que désormais la Cour Constitutionnelle contrôlera la constitutionnalité  des normes émanant de l’exécutif. En d’autres termes, il y aura deux juridictions suprêmes pour contrôler les règlements d’une part le Conseil d’Etat et d’autre part la Cour Constitutionnelle.
 

Cela n’a pas de sens et même si cette nouvelle technique juridique propre à la Centrafrique est mise en œuvre, elle se fracassera contre une énorme contradiction. Laquelle ? La voici : l’article 85 dit que le Conseil d’Etat est la juridiction d’appel et de cassation des tribunaux administratifs… Les décisions rendues par le Conseil d’Etat ne sont susceptibles d’aucun recours.
 

Si le Conseil d’Etat est la juridiction d’appel et de cassation des tribunaux administratifs, cela signifie que dans l’ordre administratif, les tribunaux administratifs connaissent des contentieux administratifs, c’est-à-dire des contentieux en matière règlementaire en premier ressort ; le Conseil d’Etat intervient en dernier ressort et ses décisions ne sont  susceptibles d’aucun recours. Autrement dit, une fois que  le Conseil d’Etat a statué, une fois que le Conseil d’Etat a dit le droit, aucune autre juridiction ne peut intervenir puisqu’il est situé au sommet de la pyramide judiciaire pour contrôler la légalité des règlements sauf le règlement de l’Assemblée qui relève directement de la Cour Constitutionnelle.
 

Il se trouve que l’article 92 de ce projet de Constitution dit que la Cour Constitutionnelle juge aussi la conformité des règlements à la Constitution. Les règlements vont donc subir un double contrôle. Le premier effectué par le juge administratif qui sera le contrôle de la légalité des règlements et le deuxième le contrôle de constitutionnalité de ces mêmes règlements effectué par la Cour Constitutionnelle.
 

Le droit centrafricain a certainement établi la hiérarchie des normes. La Constitution est située au-dessus de la hiérarchie de toutes ces normes juridiques. Toutes les autres normes  lui sont inférieures. La norme que contrôle la Cour Constitutionnelle c’est la loi et les règlements d’Assemblée. Les autres normes, c’est-à-dire celles émanant du pouvoir exécutif (ordonnances avant leur ratification, décrets, arrêtés et circulaires) sont soumises au contrôle du juge administratif qui vérifie leur légalité.
 

Si les règlements doivent aussi être contrôlés par la Cour Constitutionnelle, ce qui est possible, puisque le droit centrafricain peut aussi choisir sa propre voie, cela posera des problèmes d’engorgement. Il va falloir recruter plusieurs juges à la Cour Constitutionnelle pour examiner tous les recours contentieux en matière administrative. Les neuf juges prévus ne pourront pas faire tout le travail. En plus, il faudrait réécrire l’article 85 en retirant l’alinéa 3 qui dispose  que les décisions rendues par le Conseil d’Etat ne sont susceptibles d’aucun recours puisque la Cour Constitutionnelle étant la plus haute juridiction en matière constitutionnelle, elle aura donc aussi à connaître des recours contentieux par lesquels les requérants insatisfaits de la décision du Conseil d’Etat pourront s’adresser à elle. Chaque pays a ses règles propres de droit. En République Démocratique du Congo par exemple, une ordonnance est une norme signée par le Président de la République. Il prend ainsi une ordonnance pour nommer les membres du gouvernement ou pour confirmer l’élection des gouverneurs des provinces désignés par les grands électeurs, eux-mêmes élus par la population aux scrutins directs. La Centrafrique peut aussi avoir une définition et une opérationnalité des termes juridiques différentes de celles  des autres pays. Le Droit doit être la traduction des réalités sociologiques de chaque peuple. Il faudrait seulement clarifier les domaines de compétence.

 

           B- La Cour Constitutionnelle juge la constitutionnalité des lois organiques et ordinaires, déjà promulguées ou simplement votées. Cette rédaction de l’article 92 ne règle pas un deuxième problème qui est celui de la promulgation de ces deux catégories  de loi. Est-ce que ces deux catégories de loi sont obligatoirement soumises à la vérification de leur conformité à la Constitution avant leur promulgation ou seulement les lois organiques ? En France par exemple, seules les lois organiques doivent obligatoirement être soumises au contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation. Cette règle n’est pas sans inconvénient puisqu’il n’est pas rare de constater que pour une loi ordinaire donnée, des divergences de vue apparaissent entre les juges quant à sa conformité à la Constitution. Je propose que toutes les lois soient soumises au contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation. Pourquoi ? Avant de répondre à cette question, je vais retracer brièvement les deux modèles de justice constitutionnelle avec leurs avantages et inconvénients pour essayer de situer ce que pourrait être la spécificité centrafricaine avec cette proposition de vérification de la constitutionnalité  de toutes les lois avant leur promulgation.
 

Il existe le modèle américain et le modèle européen de justice constitutionnelle. La Centrafrique pourrait faire  la synthèse des deux en ne prenant que les avantages des deux mécanismes :

 
Aux USA, tous les tribunaux, quelle que  soit leur place dans la hiérarchie, sont compétents  pour vérifier la conformité d’une loi à la Constitution. Du premier degré à la Cour Suprême, tous les tribunaux sont juges de la constitutionnalité des lois. Ce ne sera pas le cas en Centrafrique puisque seule la Cour Constitutionnelle effectuera ce contrôle qui sera déjà fait avant la promulgation et donc la question de l’inconstitutionnalité ne se posera plus. Aux USA, lors d’un procès, l’une des parties peut soulever devant le juge l’inconstitutionnalité de la loi que son adversaire veut lui faire appliquer et le juge doit vérifier la constitutionnalité de la loi en cause. Le contrôle s’effectue donc a posteriori. En Centrafrique, les tribunaux vont être épargnés de cette lourdeur puisque cette vérification a été déjà faite en amont de la promulgation. Il n’y aura donc, en principe, aucune loi contraire à la Constitution. Aux USA, la décision que rend le juge pour le procès sous examen est revêtue de l’autorité relative de la chose jugée c’est-à-dire qu’elle ne s’applique qu’aux parties à ce procès. Si le juge déclare la loi invoquée contraire à la Constitution américaine, il n’a pas le droit de l’annuler. Il va simplement l’écarter. Cette loi reste en vigueur et pourra être appliquée lors d’un autre procès si l’une des parties ne soulève pas la question de sa conformité à la Constitution. Même si l’une des parties le fait, le juge saisi peut donner une interprétation divergente de son collègue. Le modèle centrafricain sera ici aussi, épargné de ces difficultés. Le modèle américain est confié aux magistrats tandis que le modèle européen est confié aux juristes.

Alors que le modèle américain s’exerce par voie d’exception, le modèle européen s’opère par voie d’action, c’est-à-dire que le procès est fait contre la loi elle-même. La mise en œuvre du modèle européen se fait indépendamment d’un procès. Il n’y a pas de litige en cours sauf la spécificité française introduite dans l’ordonnancement juridique depuis 2010 appelée la question prioritaire de constitutionnalité. Le modèle centrafricain fera l’économie de ces deux mécanismes. Il n’y aura ni voie d’action ni voie d’exception. Tout se fait comme  pour les lois organiques. La constitutionnalité est vérifiée avant la promulgation. En Centrafrique, avant que les lois n’aient produit leurs effets, elles sont déjà contrôlées.
En Centrafrique, lorsque les lois seront déclarées contraires à la Constitution, elles seront annulées avant leur entrée en vigueur. La décision de la Cour Constitutionnelle  aura l’autorité absolue de la chose jugée c’est-à-dire qu’elle s’imposera à tous. Voici ce que pourrait être en résumé le modèle centrafricain :

A) Toutes les lois, organiques comme ordinaires sont soumises au contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation ;

B) La Cour Constitutionnelle centrafricaine est composée de magistrats et de juristes. Les ¾ sont des magistrats.

C) La vérification de la constitutionnalité des lois avant leur promulgation résout tous les problèmes :
 

1-Il n’y aura plus le côté aléatoire du modèle américain où l’initiative est laissée aux parties à un procès. Si l’une des parties ne soulève pas la question de la conformité à la Constitution de la loi que son adversaire veut lui faire appliquer, le juge ne fait rien. Une loi déclarée inconstitutionnelle par un juge peut être appliquée par un autre juge. Il n’y aura plus de contrariété de jurisprudence concernant la constitutionnalité des lois.
 

2-Il n’y aura plus d’insécurité juridique pour ce qui concerne les nouvelles lois entrées en vigueur après l’adoption de la nouvelle constitution. Mieux, il n’y aura plus du tout de contentieux mettant en jeu la constitutionnalité  des nouvelles lois puisque leur constitutionnalité aura été déjà vérifiée.

3-Les lois déclarées constitutionnelles deviennent donc inattaquables et de ce fait toute procédure  contentieuse à ce sujet n’existera plus.
 

Article 93 alinéa 1er : «  Toute personne qui s’estime lésée peut saisir  la Cour Constitutionnelle sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité invoquée devant une juridiction dans une affaire qui la concerne. La Cour Constitutionnelle est tenue de statuer dans un délai d’un mois. En cas d’urgence, ce délai est ramené à huit jours. »
 

Les articles 92 et 93 de la future constitution centrafricaine ont opté pour le modèle américain de justice constitutionnelle, c’est-à-dire la voie d’exception où la loi est déjà votée et promulguée. Ce système reprend partiellement le modèle français avec la technique des questions prioritaires de constitutionnalité, technique inscrite à l’alinéa 2 du projet de constitution qui s’énonce ainsi : « Lorsqu’une exception d’inconstitutionnalité est soulevée  par un justiciable devant une juridiction, quelle qu’elle soit, celle-ci est tenue de surseoir à statuer et de saisir la Cour Constitutionnelle qui doit se prononcer sur la constitutionnalité du texte en litige dans le délai d’un mois qui court à compter de sa saisine par la juridiction concernée. »
 

Ces dispositions comportent plusieurs inconvénients :
Si aucune des parties ne décide de poser la question prioritaire de constitutionnalité, la loi contraire à la Constitution va demeurer. Même si la question prioritaire de constitutionnalité est posée, elle fait trainer le cours du procès et surenchérit le coût. Il y a un risque de divergence d’interprétation entre le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation puisque la question prioritaire de constitutionnalité doit transiter par les plus Hautes Juridictions des deux ordres qui la transmettront ensuite à la Cour Constitutionnelle. Ils apprécient la pertinence de la question avant la transmission. C’est à ce niveau que la divergence peut apparaitre. NB : Si le contrôle a posteriori ou l’exception d’inconstitutionnalité devait être retenu, il faut mettre des filtres pour éviter l’encombrement de la Cour Constitutionnelle

Je persiste à dire que la vraie solution pour l’efficacité du système de justice constitutionnelle est le contrôle en amont de la promulgation de toutes les lois. Les avantages sont nombreux comme je les ai indiqués ci-dessus et notamment ce contrôle a priori intégral qui permet d’éviter la survenance des contentieux d’inconstitutionnalité. Tout ou partie d’un projet de loi entaché d’inconstitutionnalité sera supprimé avant la promulgation. Les projets de loi sont donc ainsi à l’abri de tout soupçon d’inconstitutionnalité.
 

Le seul inconvénient du contrôle a priori intégral sera la survivance des lois antérieures à la future Constitution centrafricaine c’est-à-dire le stock des lois existantes. Le contrôle a priori intégral ne concernant que les lois qui ne sont pas encore promulguées, les lois actuelles contraires à la Constitution vont demeurer. Pour les actualiser et les rendre conformes à la nouvelle Constitution, je propose ceci :
Mettre en place au sein de la Cour Constitutionnelle une cellule chargée de mettre à jour le stock des lois existantes. Elle serait chargée durant quelques années, peut-être deux ou trois ans, de confronter toutes les lois existantes aux dispositions de la nouvelle Constitution. Celles qui ne sont pas conformes à la nouvelle Constitution feront l’objet, soit d’une nouvelle délibération de l’Assemblée Nationale, soit d’une abrogation directe par la Cour Constitutionnelle elle-même. Dans ces deux cas, la procédure législative ordinaire avec toutes les contraintes de délais légaux reprennent leur cours normal. Les lois qui ont fait l’objet d’une abrogation directe seront transmises à l’Assemblée Nationale qui dispose d’un mois pour les voter à nouveau en prenant la précaution pour les rendre conformes à la Constitution. Si la nouvelle délibération n’intervient pas dans le délai imparti (un mois), l’abrogation devient définitive. Certaines de ces lois qui sont intervenues dans le domaine règlementaire feront l’objet d’un déclassement par la Cour Constitutionnelle pour permettre à l’exécutif de les modifier. Cela accéléra le processus de nettoyage. Garder momentanément pendant la période de mise à jour, l’exception d’inconstitutionnalité comme soutien à ce travail  pour aller encore plus vite. Pour que la deuxième proposition ci-dessus soit efficace, toutes les décisions rendues dans le cadre de l’exception d’inconstitutionnalité doivent être revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée. Elles doivent avoir la valeur erga omnes c’est-à-dire qu’elles seront opposables à  tous afin d’éviter l’application ultérieure de cette loi déclarée contraire à la constitution lors d’un procès par un autre juge.

Article 94 alinéa 1 : « La Cour des Comptes comprend neuf membres dont au moins trois femmes, qui portent le nom de juges constitutionnels.»
 

A ce niveau de responsabilité, la présence ou non des femmes n’a aucun intérêt. La parité, la non-parité ou la présence des hommes ou des femmes importe peu. C’est la compétence des futurs juges constitutionnels qui importe. Je n’ai rien contre la gente féminine. Il s’agit de l’avenir d’un pays.
 

Article 94 alinéa 2 : « La durée du mandat des juges constitutionnels est de 7 ans ».
 

Il faudrait rendre la durée du mandat indéfinie, c’est-à-dire que les juges soient nommés à vie. Cela permettrait de les rendre indépendants des autres pouvoirs et notamment de l’exécutif. Ils n’auraient donc rien à craindre lorsqu’ils reprendront leurs activités dans leur administration ou organisme d’origine.
 

En outre, il faudrait trouver un mécanisme pour rendre difficile la corruption des juges constitutionnels. J’affirme ceci parce qu’un ancien membre de la Cour Constitutionnelle m’a révélé que les membres de cette prestigieuse institution avaient perçu de l’argent de la part de l’ancien Président de la République, en l’occurrence Monsieur BOZIZE, pour orienter les résultats des dernières élections présidentielles en sa faveur (la personne qui m’a fait cette révélation a aussi perçu une partie de cet argent). Je n’ai aucune idée sur le mécanisme à mettre en place à ce sujet mais cela mérite réflexion.
 

Article 94 alinéa 3 : « Les membres de la Cour Constitutionnelle sont désignés comme suit :
Deux magistrats dont une femme, élus par leurs pairs ; Deux avocats dont une femme, élus par leurs pairs ; Deux enseignants-chercheurs en Droit dont une femme, élus par leurs pairs ; Un membre nommé par le Président de la République ; Un membre nommé par le Président de l’Assemblée Nationale ; Un membre nommé par le Président du Conseil Economique et Social. »

La référence aux pays européens qui font nommer certains membres de la Cour ou du Conseil constitutionnel par les Présidents de la République, de l’Assemblée Nationale et du Sénat n’est pas du tout un modèle de démocratie. Je propose qu’aucun membre de la Cour Constitutionnelle centrafricaine ne soit nommé par qui que ce soit. Ils doivent tous être élus par leurs pairs.
 

Article 94 alinéa 4 : «  Ils élisent, en leur sein, un Président parmi les membres juristes et un Vice-Président. L’élection est entérinée par Décret du Président de la République. »
 

Il faudrait fixer une échéance au Président de la République afin d’éviter des manœuvres dilatoires de sa part du fait que la présence de certaines personnes au sein  de la Cour Constitutionnelle ne lui convienne pas.
 

Article 94 alinéa 6 : « Les membres de la Cour Constitutionnelle se renouvellent intégralement. »
 

Si la proposition de désigner à vie les juges constitutionnels est retenue, l’alinéa 6 n’aura plus lieu d’être. Dans le même ordre d’idée, l’alinéa 7 sera réécrit.
 

Article 94 alinéa 9 : « Lors des prises de décision, et en cas d’égalité des voix, celle du Président est prépondérante. »
 

il faudrait faire très attention à cette disposition. Tout le monde a encore fraichement en tête la récente déclaration de Monsieur Dumas, l’ancien Président du Conseil Constitutionnel français. Il a déclaré qu’en 1995, les comptes de compagne de l’ancien Président de la République  française, Monsieur CHIRAC avaient dépassé les seuils fixés par la loi. Le Conseil Constitutionnel devait annuler les élections présidentielles de 1995. Or, Monsieur DUMAS, ancien Président du Conseil Constitutionnel avait été longuement reçu à l’Elysée pour ne pas invalider les résultats de ces élections. Il a décidé de suivre les conseils de Monsieur CHIRAC parce qu’ « il ne voulait pas faire sauter la République ».
 

Il faudrait mettre en place un mécanisme de verrouillage pour empêcher une telle éventualité en Centrafrique.
 

Article 95 alinéa 1er : « Les fonctions de juge constitutionnel sont incompatibles avec l’exercice de toute fonction politique, administrative ou au sein d’un parti politique, de toute activité lucrative, de toute fonction de représentation professionnelle ou de tout emploi salarié, à l’exception de l’enseignement et de l’exercice de la médecine. »
 

Il faudrait prévoir un organisme chargé de veiller au respect de cette disposition ainsi que les mécanismes de sanction en cas de violation. Il faudrait peut-être s’inspirer de mes préconisations concernant le Président de la République et les membres du Gouvernement.
 

Article 95 alinéa 2 : « Dans les soixante jours qui suivent leur installation, les membres de la Cour Constitutionnelle font, chacun en ce qui le concerne, une déclaration écrite de patrimoine, déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle qui la rend publique dans huit jours francs. »
 

Les dispositions de cet alinéa sont insuffisantes pour assurer un contrôle efficace. Il faut, par période de cinq ans ou tous les deux ans qui suivent une élection présidentielle, comparer la déclaration déposée au greffe de la Cour Constitutionnelle à un inventaire du patrimoine de chacun des juges constitutionnels (voir le mécanisme que j’ai proposé pour la sortie de fonction du Président de la République et les membres du Gouvernement).
 

Article 100 : « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison.
 

Sont notamment considérés comme crimes de haute trahison :
La violation du serment, Les homicides politiques, L’affairisme, La constitution ou l’entretien de milice, Le refus de doter les forces de défense et de sécurité de moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions, La non mise en place des institutions de la République dans le délai constitutionnel, Toute action contraire aux intérêts supérieurs de la nation ».

Le terme affairisme mérite d’être circonscrit parce que le Président de la République peut faire des affaires via le mécanisme de prête-nom ou par l’intermédiaire des descendants ou ascendants.
 

Il faudrait aussi définir ou préciser ce que pourrait être « toute action contraire aux intérêts supérieurs de la nation ».
 

Article 101 alinéa 2 : « Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale si le vote au scrutin secret recueille les tiers des membres qui la composent ».
 

Je suppose que la bonne rédaction de cet alinéa est : « Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée Nationale si le vote au scrutin secret recueille les deux tiers des membres qui la composent. »
 

Article 101 alinéa 3 : « La résolution de mise en accusation, dûment motivée, est transmise par le Président de l’Assemblée  Nationale au Procureur Général près la Haute Cour de Justice. »
 

Il faudrait remplacer le Président de l’Assemblée Nationale par le Président de la Cour Constitutionnelle parce que dans plusieurs cas, le Président de la République sera de la même famille politique que celui de l’Assemblée  Nationale. La mise en accusation sera alors difficile. La procédure serait la suivante : Le Président de l’Assemblée Nationale dispose de huit jours francs, après le vote mettant en accusation le Président de la République pour saisir le Procureur Général près la Haute Cour de justice. Passé ce délai, le Président de la Cour Constitutionnelle s’auto-saisit de la résolution de mise en accusation du Président de la République et la transmet dans les huit jours francs au Procureur Général près la Haute Cour de justice. Celle-ci doit statuer dans les huit jours à compter de la réception de la résolution transmise par la Cour Constitutionnelle. Durant ces huit jours, tous les juges de la Haute Cour de justice seront logés aux frais de l’Etat dans un endroit sécurisé sous la protection de l’armée centrafricaine. Il leur est interdit, pendant cette période, de prendre contact, par quelque moyen que ce soit, avec les autorités politiques du pays. Tout contact doit se faire en plénière.
 

Article 102 : « Lors des prises de décision de la Haute Cour de Justice, et en cas de partage de voix, celle du Président est prépondérante. ».
 

Il faudrait appliquer ici les mêmes préconisations que pour la Cour Constitutionnelle.
 

Article 107 : S’agissant des collectivités territoriales, il serait souhaitable d’avoir un alinéa ou un article transférant obligatoirement une fraction des ressources budgétaires de l’Etat à celles-ci et notamment aux régions afin de contribuer au renforcement de la décentralisation et le développement des provinces comme cela se fait dans plusieurs autres pays.
 

Article 111 alinéa 1er : « Les fonctions de membre du Haut Conseil de la Communication sont incompatibles avec l’exercice de toute fonction politique, administrative ou au sein d’un parti politique, de toute activité lucrative, de toute fonction de représentation professionnelle ou de tout emploi salarié, à l’exception de l’enseignement et de l’exercice de la médecine. »
 

Les préconisations concernant la Cour Constitutionnelle s’appliquent aussi ici.
 

Article 115 alinéa 1er : « La révision (de la constitution) intervient lorsque le projet ou la proposition présentée en l’état a été votée par l’Assemblée Nationale à la majorité des trois quarts des membres qui la composent ou a été adoptée par référendum ».
 

Il faudrait renforcer cette condition pour rendre  difficiles les révisions de complaisance ou les révisions à des fins politiques ou personnelles. Je propose par exemple les quatre cinquièmes (4/5) au lieu des trois quarts (3/4).
 

Article 117 : « Le Chef de l’Etat de transition reste en place jusqu’à la prise de fonction effective du Président de la République, Chef de l’Etat démocratiquement élu ».
 

Cela peut, dans une certaine mesure, se comprendre.
 

Article 118 : «  Le Premier Ministre reste en place jusqu’à la nomination de son successeur par le futur Président élu démocratiquement. »
 

Cette disposition n’a aucun sens et aucun intérêt. Cela signifie que l’actuel Premier Ministre  ou le Premier Ministre en fonction lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution ne pourra pas être destitué avant les prochaines élections présidentielles et précisément tant que le nouveau Premier Ministre nommé par le futur Président démocratiquement élu ne prend pas ses fonctions l’actuel ou celui en fonction ne pourra pas être remplacé. 
 

Et si les nouvelles élections auront lieu dans deux ou trois ans voire plus, le Premier  Ministre  est intouchable durant cette période !!!
 

Article 122 : « Les institutions prévues par la présente Constitution seront mises en place dans les six mois qui suivent la date de l’investiture du Président de la République élu ».
 

En cas d’inobservation des dispositions de l’alinéa un ci-dessus et en l’absence de la Haute Cour de Justice, la Cour de Cassation réunie en assemblée plénière sur saisine de l’Assemblée Nationale, statue exceptionnellement dans les huit jours francs sur le crime de Haute trahison suivant la procédure prévue à l’article 100 de la présente Constitution ».
 

Je me pose simplement cette question : Pour effectuer une dépense publique, il faut que deux conditions essentielles soient réunies. L’inscription au budget des crédits nécessaires et l’existence d’une trésorerie suffisante. A supposer que ces deux conditions ne soient pas réunies, le nouveau Président de la République démocratiquement élu sera quand même mis en accusation pour crime de Haute trahison parce qu’il n’aura pas mis en place les institutions prévues par la constitution? Nous connaissons tous la situation financière de la RCA en ce moment.
 

Article 123 : « Les Chefs d’Etat de Transition, les  Premiers Ministres de Transition, les membres des Gouvernements de Transition, les membres des Bureaux du Conseil National de Transition, les Juges Constitutionnels de Transition et les membres du Haut Conseil de la Communication de Transition sont inéligibles aux élections présidentielles et législatives organisées à l’issue de la Transition. »
 

Je ne comprends pas cette disposition. A l’article 117, il est écrit que le Chef de l’Etat de Transition reste en place jusqu’à la prise de fonction du Président élu démocratiquement. Paradoxalement, je constate qu’il est encore écrit à l’article 123 « les Chefs d’Etat de Transition ». Question : il y a un seul Chef d’Etat de Transition qui reste en place jusqu’aux prochaines élections ou il y en aura plusieurs ?
 

Si le Chef de l’Etat  qui est en place y reste jusqu’à la prise de fonction de celui qui sera élu, alors l’article 123 ne peut pas s’écrire « les Chefs d’Etat de Transition » puisqu’il y en a qu’un  qui restera  jusqu’aux élections comme le précise l’article 117.
 

Pour terminer, je voudrais ajouter trois petites idées :
Inscrire le contrôle des signes extérieurs de richesse directement dans la constitution.

En effet, lorsque le train de vie d’un contribuable  est disproportionné par rapport à ses revenus, deux opérations se déclenchent :
 

a) Le fisc évalue forfaitairement ses revenus et les soumet à l’impôt,
 

b) Une brigade financière spécialisée pour traquer toutes les  personnes  travaillant pour tout organisme public ayant des éléments de train de vie disproportionnés par rapport à ses revenus officiels doit être mise en place. Ces personnes doivent obligatoirement justifier les sources de financement de leur train de vie qui peut s’expliquer par exemple par un héritage ou un crédit bancaire ou par d’autres sources légales et légitimes. Dans le cas contraire, et nonobstant le redressement fiscal mentionné au 1 ci-dessus, cette brigade financière saisit dans les  huit jours de sa conclusion le procureur de la République qui dispose à son tour de quinze jours pour saisir le tribunal qui doit statuer dans les deux mois de sa saisine.

Parler de la bonne gouvernance, du développement sans mettre en place des mécanismes de bonne gestion financière est une vanité.
Eviter absolument le koudoufarisme

Le député qui veut quitter son parti pour un autre pendant le mandat doit démissionner de son mandat et remettre son siège en jeu. De nouvelles élections sont donc organisées auxquelles celui-ci peut participer.

Les juristes me diront que je mélange le mandat impératif avec le mandat représentatif mis en place par ce projet de constitution ; que je détruis tout le système de la souveraineté nationale. C’est un argument qui s’entend sur le plan de la technique juridique mais j’ai dit supra que le droit c’est aussi la traduction des réalités sociologiques d’un pays. Les centrafricains comprendront certainement pourquoi, il faut absolument éviter le koudoufarisme. Il ne s’agit pas de mélanger et confondre les deux régimes (mandat impératif et mandat représentatif). Il s’agit simplement de moraliser la vie publique centrafricaine. Ce pays a manqué un important tournant de sa vie politique avec le koudoufarisme.
Limiter le nombre des partis politiques

Pour éviter la multitude de petits partis dont les dirigeants sont attirés uniquement par le gain social, c’est-à-dire par un poste politique ou la ventrologie et qui se prostituent en vendant leur âme, en s’apostasiant quelquefois avec des raisonnements aporétiques, il faudrait mettre en place un mécanisme qui permette de bipolariser la vie politique centrafricaine. Cette bipolarisation lutterait contre les profonds maux  qui ruinent la Centrafrique que sont le régionalisme, le clanisme et l’ethnisme. Pour y arriver :
 

1-Lors des prochaines élections législatives, il faudrait éliminer les petits partis politiques de la représentation parlementaire. Comment faire ? Les partis qui n’auront pas obtenu 5% des suffrages exprimés ou trois députés élus directement ne seront pas représentés au Parlement. Ces conditions sont alternatives et non cumulatives. Cela signifie qu’un parti qui a 5% des suffrages exprimés même s’il n’a qu’un seul député sera représenté au parlement et inversement un parti qui a trois députés élus directement et qui a moins de 5% des suffrages exprimés pourra être représenté. Par contre, le parti qui a moins de 5% des suffrages exprimés et qui a un ou deux députés ne sera pas représenté et l’unique député ou les deux seront inscrits comme indépendants.

2-Lors des deuxièmes élections  législatives, il faudrait éliminer les partis moyens de la représentation parlementaire. Les partis qui n’auront pas obtenu 15% des suffrages exprimés ou 5 élus directs ne seront pas représentés au Parlement. Au fur et à mesure, et progressivement, les petits partis disparaitront de la scène politique nationale.
 

Les petits partis et les partis moyens inférieurs seront obligés à l’avenir de se dissoudre dans les grands partis ou dans le parti moyen supérieur. De ce fait, il n’ y aura que deux grands partis et un ou difficilement deux partis moyens qui jouera ou joueront le rôle d’arbitre entre les deux grands partis  pour former une majorité de gouvernement au cas où un parti ne peut obtenir tout seul la majorité absolue. Cette technique pourrait inciter les partis à des gouvernements de grande coalition, fondés sur le consensus, facteur de stabilité et d’attractivité des investisseurs étrangers. Elle permettra aussi d’éviter au pays des crises politiques à répétition comme à l’heure actuelle.


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