ANALYSE

CENTRAFRICAIN(E)S SASSOU N'EST PAS NOTRE « DIEU »


Alwihda Info | Par Clément De Boutet-M'bamba - 23 Octobre 2014


La démocratie commence par un sens sérieux des responsabilités. Sassou Nguesso n'a pas fait voter chez lui en 2002 des gens sur les barricades comme l'a proclamé le ministre congolais des Affaires Étrangères la semaine dernière à Bangui, pourquoi voudrait-il le faire chez nous ? Quelle injure ? Je suis choqué mais pas étonné de ne pas avoir vu ou lu la réaction d'un homme politique Centrafricain contre cette offense. C'est une abjuration citoyenne dont se souviendra le peuple dans les urnes. Nous y veillerons.



-1981, Dacko est élu Président. Patassé et le MLPC rejettent sa victoire. La rue entre en jeu, le chaos s'installe. Résultat, le 1er septembre 1981, le général Kolingba récupère les clés de la RCA des mains de Dacko.
-1998, l'opposition réunie au sein de l'UFAP remporte d'une voix, la majorité aux législatives malgré l'augmentation du nombre des députés qui passe de 85 en 1993 à 109, soit 24 sièges supplémentaires essentiellement dans les zones dites ou supposées favorables au MLPC.
Pour 5 millions de Fcfa et un 4x4 Nissan double cabine, le MLPC inverse la majorité (un coup d'état démocratique), conserve le contrôle du gouvernement et organise les élections présidentielles de septembre 1999 où Patassé est déclaré élu au 1er tour. Résultats :
1. le coup d'état manqué de la fête des mères 2001 ;
2. l'arrestation et le jugement de Démafouth à partir de septembre 2001 ;
3. la fuite et l'entrée en rébellion de Bozizé en novembre 2001 ;
4. la tentative de prise de Bangui en octobre 2002 ;
5. le coup d'état du 15 mars 2003.
-2011, Bozizé se proclame élu au 1er tour et nomme lui-même les députés du Badalezo dont sa femme, sa maîtresse, ses enfants, frères, cousins et neveux soit au total une 1/4 du parlement. Une élection dont l'organisation a nécessité un prolongement d'un an de son mandat puisque les conditions n'étaient pas réunies. Résultats, la Seleka est arrivée et le pays est depuis ce jour dans le chaos intégral.
Aujourd'hui 21 octobre 2014, plusieurs centaines de personnes fuient les villages autour de Kouango, Grimari pour se réfugier à Bambari à cause des exactions des Sélékas et des Antibalakas.
Dans cette zone qui représente à peu près 2/3 du territoire national, à l'heure actuelle, il est tout simplement impossible de procéder au recensement électoral ou à une simple révision du fichier ainsi que son préalable, l'établissement de l'état civil. Vakaga, Bamingui-Bangoran, Nana Gribizi, Ouaka, Basse Kotto, Haute Kotto, Mbomou, Haut Mbomou. Zone sous contrôle ou influence Seleka. 380.559km² soit 61% du territoire national, 26% des électeurs (414.016), 1/3 des députés (36) du Badalezo. Cette zone sous contrôle ou influence Seleka dispose d'un poids électoral supérieur à Bangui-Bimbo qui réunit seulement 21% des électeurs(391.101) pour 13 députés et 25% de la population nationale.

Dans l'état actuel des réalités centrafricaines, il est impossible de déployer dans ces huit préfectures des agents administratifs pour établir d'une part des actes d'état civil et d'autre part, recenser des électeurs dont une partie est déplacée interne ou réfugiée dans les pays voisins. Cette difficulté n'est pas seulement l'apanage de ces préfectures. Elles sont à l’échelle de toute la RCA.
Le préalable au lancement des opérations électorales demeure le désarmement forcé des forces belligérantes, la réunification territoriale et administrative de la RCA, sa consolidation et enfin les opérations électorales proprement dites.

Aujourd'hui la Seleka contrôle 61% du territoire national dont les bassins miniers de la Ouaka et de la Haute Kotto. Elle sait que des élections demain matin sonneront son glas, sa fin. N'ayant pas été vaincue militairement, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour que la zone sous son contrôle ou influence, ne puisse pas intégrer le processus électoral. Que signifieront des élections où seront exclus 61% du territoire national et 1 électeur sur 4 ?

Sassou Nguesso comme militaire devrait savoir que c'est le terrain qui commande. Et le terrain centrafricain commande autre chose que des élections au rabais. Le simple fait d'en parler pour dans 3 ou 6 mois, constitue une injure à notre souffrance. Il est dommage de constater que ce soit lui, un militaire, à la manœuvre de cette comédie.

Le préalable à toute élection est l'établissement de la liste électorale. Ces comédiens qui chantent aujourd'hui ici et là que l'on peut utiliser celui de 2011(établi en 2010), sont-ils sérieux ? N'étaient-ils pas de tout chœur avec nous, lorsque nous dénoncions le même fichier début 2011 ? Et les voilà aujourd'hui touchés par la grâce divine, disant qu'on peut y aller, qu'on peut utiliser le même fichier qui a permis à Yangouvonda de réaliser son génocide électoral ? Quelle contradiction ? Alléluia, j'ai vu l’esprit. Que font-ils des milliers de jeunes centrafricains dont le droit au vote est devenu effectif entre 2010 et 2014 ? Les voix de ceux-ci ne comptent-elles pas ? Que font-ils des déplacés, des réfugiés, des victimes qui n'attendent que ce vote pour sanctionner dans les urnes ceux qui sont à l'origine de cette tragédie et que la justice n'est pas encore parvenue à neutraliser ?
Ils nous disent aujourd'hui que des experts certifient que l'on peut voter dans 3 mois. Ils nous citent comme exemples l’Afghanistan, l'Irak et le Mali. Pathétique, il n y a pas pire malade que celui qui refuse d'admettre sa souffrance.

La démocratie commence par un sens sérieux des responsabilités. Sassou Nguesso n'a pas fait voter chez lui en 2002 des gens sur les barricades comme l'a proclamé le ministre congolais des Affaires Étrangères la semaine dernière à Bangui, pourquoi voudrait-il le faire chez nous ? Quelle injure ? Je suis choqué mais pas étonné de ne pas avoir vu ou lu la réaction d'un homme politique Centrafricain contre cette offense. C'est une abjuration citoyenne dont se souviendra le peuple dans les urnes. Nous y veillerons.

Officiellement sa guerre civile a pris fin en 1997 mais elle a continué dans le pool et dans certaines régions du Congo jusqu'en 1999. Il a pris le temps de pacifier son pays avant d’appeler ses compatriotes aux urnes. Si aujourd'hui les principaux partis politiques centrafricains et leurs animateurs n'osent pas lui rappeler cette évidence, moi je le fais. Et je vais même plus loin en disant que Sassou n'est pas « Dieu », il n'est pas notre « Dieu » pour décider que dans 3 mois, ou 10, les Centrafricains devront se rendre aux urnes. Même Dieu, lorsqu’il décide, il laisse à l'homme, la liberté de choisir. Ceux qui aujourd'hui suivent la décision de Sassou ou veulent faire le pèlerinage pour avoir l'onction d'Oyo, rendront compte, le moment venu.

VAE VICTIS.


Clément De Boutet-M'bamba


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