POINT DE VUE

Gambie: Le retour des tirailleurs sénégalais


- 26 Décembre 2016


Les tirailleurs sénégalais, ces braves soldats qui furent présents sur tous les fronts des guerres menées par la France du siècle dernier, et sans lesquels la France n’aurait jamais pu coloniser les pays d’Afrique, ni s’y maintenir, reviennent en force, sous une forme légèrement différente, mais pour les mêmes motifs, avec les mêmes principes, à savoir préserver un ordre dicté par les puissances dominantes.


Au 19ème siècle, il a suffi de quelques centaines d’officiers français pour conquérir une grande partie de l’Afrique, mater la résistance et les révoltes et établir son empire colonial sur le continent africain. Il est évident que cette poignée d’officiers, confrontée parfois à des résistances féroces, n’y serait jamais parvenue, s’il n’y avait eu une armée d’auxiliaires autochtones que l’on a appelé goumiers, spahis, tirailleurs algériens ou tirailleurs sénégalais. Pour l’Afrique noire, il s’agissait essentiellement de tirailleurs sénégalais, originaires de tous les pays d’Afrique. Ils ont été le principal outil de toutes les « pacifications », c’est-à-dire des opérations de répression de toute résistance ou révolte, permettant ainsi la pénétration progressive des forces françaises à l’intérieur des terres. Les tirailleurs sénégalais n’existent plus depuis bientôt soixante ans. L’on croyait cette période révolue avec l’apparition des armées nationales en Afrique. C’était sans compter sur le zèle de certains chefs d’état du continent noir désireux d’être honorés et acceptés comme de fidèles serviteurs d’un système venu d’ailleurs, le même système qui a broyé leurs parents et grands-parents, pour ne remonter que sur les deux derniers siècles. Alors que certains en Europe commencent à prendre conscience que, d’une certaine manière, leurs soldats jouent un rôle de « tirailleurs européens » au service de l’OTAN, les Sénégalais se battent pour avoir l’honneur de massacrer leurs frères au service d’intérêts dont ils n’ont aucune idée. L’interventionnisme des pays européens tend à s’essouffler, car de plus en plus vain. Même en cas de succès militaires, le bénéfice qu’ils en retirent est soit nul, soit gommé presque aussitôt par de nouveaux processus mondiaux sur lesquels ils n’ont aucune prise. Malgré cette évidence, le Sénégal se porte volontaire pour faire le sale boulot que les anglo-saxons réservaient naguère à la France en jouant sur son orgueil national. Au lieu de chercher des solutions pour résoudre la situation en Gambie, le président sénégalais Macky Sall et la CEDEAO, instrument de l’ordre mondial actuel, envisagent d’envoyer des soldats pour tuer des Gambiens au nom de la démocratie. C’est la copie conforme de la manière d’agir des US-Américains et des pays de l’OTAN. La Gambie étant un tout petit pays, les puissances occidentales ont sans doute estimé que le Sénégal pourrait en venir à bout, avec un peu d’aide extérieure. Est-ce pour s’assurer de cette aide extérieure que Macky Sall a fait un voyage en France ? En cas de guerre, quelle que soit la faiblesse militaire de la Gambie, il y aura un retour de bâton pour les assaillants, comme sont en train de le constater les pays de l’OTAN pour leurs agressions passées. Les solutions existent pourtant, et elles sont juridiques. Ne pas tenir compte des lois et des institutions d’un pays est une vieille habitude de l’élite mondiale, et c’est pathétique de voir des pays africains chercher à les imiter sur ce plan alors qu’ils en sont souvent victimes. La Gambie est un état souverain qui possède une Cour Suprême. Est-ce trop demander que de laisser cette cour prendre ses décisions comme n’importe quelle institution du même genre dans le monde ? Il sera toujours temps d’agir selon les lois internationales si Yahya Jammeh refuse d’accepter les décisions de justice de son pays. En attendant, Macky Sall ne peut s’octroyer le droit d’intervenir en Gambie comme s’il s’agissait d’une colonie sénégalaise. Faire entrer l’armée sénégalaise en Gambie c’est le retour de l’esprit de « pacification » comme au bon vieux temps des colonies. Ce serait la pire chose qui pourrait arriver à l’Afrique, une régression de soixante ans. Avic – Réseau International http://reseauinternational.net

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