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INTERNATIONAL

Les remises migratoires devraient connaître un repli sans précédent dans l’histoire récente


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 23 Avril 2020



Les remises migratoires devraient connaître un repli sans précédent dans l’histoire récente. © DR
Les remises migratoires devraient connaître un repli sans précédent dans l’histoire récente. © DR
Plombés par la crise économique induite par la pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement, les envois de fonds des migrants dans le monde devraient chuter d’environ 20 % en 2020. Ce déclin attendu, le plus brusque de l’histoire récente, est à imputer largement à un fléchissement des salaires et de l’emploi des travailleurs migrants, souvent particulièrement exposés aux pertes de revenu et d’emploi en cas de crise économique dans leur pays d’accueil. Les remises migratoires vers les pays à revenu faible et intermédiaire devraient chuter de 19,7 %, à 445 milliards de dollars, avec à la clé la disparition d’une planche de salut financière vitale pour de nombreux ménages vulnérables.
 
Des études ont démontré l’impact positif des transferts d’argent dans les pays à revenu faible et intermédiaire : allégement de la pauvreté, amélioration de la situation nutritionnelle, hausse des dépenses d’éducation et diminution du travail des enfants dans les familles défavorisées. Une chute de ces envois affecte la capacité des familles à assumer ces dépenses puisqu’une part accrue de leur budget sera consacrée à éviter les pénuries alimentaires et subvenir aux besoins immédiats du ménage.
 
« Les remises migratoires sont une source vitale de revenus pour les pays en développement. La récession économique causée par la pandémie de COVID-19 met sérieusement à mal la capacité des migrants à envoyer de l’argent chez eux et rend d’autant plus importante la nécessité d’accélérer la vitesse de rétablissement des économies avancées, indique David Malpass, président du Groupe de la Banque mondiale. Les envois de fonds des migrants aident les familles à assurer leurs dépenses alimentaires et de santé et à subvenir à leurs besoins essentiels. Alors que le Groupe de la Banque mondiale déploie des mesures rapides et d’envergure pour soutenir les pays, nous nous efforçons de maintenir les canaux de circulation de ces fonds pour préserver l’accès des communautés les plus démunies à ces biens vitaux. »
 
La Banque mondiale aide ses États membres à suivre l’évolution des flux d’envois de fonds, des coûts et des difficultés liées au transfert d’argent et de l’impact des réglementations visant à protéger l’intégrité financière. Elle collabore avec les pays du G20 et la communauté internationale en vue de réduire les coûts des transferts et d’améliorer l’inclusion financière au profit des populations pauvres.
 
Les envois de fonds devraient chuter dans toutes les régions où œuvre le Groupe de la Banque mondiale, avec un recul particulièrement marqué en Europe et en Asie centrale (27,5 %), devant l’Afrique subsaharienne (23,1 %), l’Asie du Sud (22,1 %), le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (19,6 %), l’Amérique latine et les Caraïbes (19,3 %) et l’Asie de l’Est et le Pacifique (13 %).
 
Cet effondrement attendu en 2020 intervient alors que les transferts d’argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire avaient atteint un niveau record de 554 milliards de dollars en 2019. Malgré tout, les remises migratoires devraient constituer une source encore plus importante de financement extérieur pour ces pays, face à un repli plus marqué (plus de 35 %) des investissements directs étrangers (IDE). En 2019, elles ont dépassé les IDE, marquant une étape importante dans le suivi des flux de capitaux vers les pays en développement.
 
Pour 2021, la Banque mondiale table sur un redressement des transferts d’argent, pour atteindre 470 milliards de dollars, soit une progression de 5,6 %. Faute d’éléments précis pour mesurer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les perspectives de la croissance mondiale et des mesures prises pour enrayer la propagation du virus, l’évolution des envois de fonds est difficile à anticiper. D’habitude, ces flux ont tendance à être contracycliques, les travailleurs émigrés envoyant davantage d’argent en période de crise et de difficultés chez eux. Mais cette fois-ci, parce qu’elle touche toute la planète, la pandémie crée des incertitudes supplémentaires.
 
« Des systèmes efficaces de protection sociale sont indispensables pour protéger les pauvres et les personnes vulnérables pendant cette crise, dans les pays en développement comme dans les économies avancées. Dans les pays d’accueil, les mesures sociales doivent couvrir également les migrants », souligne Michal Rutkowski, directeur mondial du pôle Protection sociale et emploi de la Banque mondiale.
 
À l’échelle mondiale, le coût moyen d’un transfert de 200 dollars reste élevé, à 6,8 % au premier trimestre de 2020, soit à peine moins qu’un an auparavant. L’Afrique subsaharienne continue d’être la région la plus chère, avec un coût moyen d’environ 9 %, alors que les migrants intrarégionaux constituent les deux tiers de toutes les migrations internationales en provenance de la région.
 
« Des mesures rapides pour faciliter l’envoi et la réception de cet argent pourraient apporter une aide particulièrement bienvenue aux migrants et à leurs familles. Cela implique notamment de considérer les services de transfert comme essentiels et de les rendre plus accessibles aux migrants », rappelle Dilip Ratha, auteur principal de la note et chef du programme KNOMAD.

Tendances régionales
 
Les envois de fonds vers la région de l’Asie de l’Est et Pacifique ont progressé de 2,6 % en 2019, pour atteindre 147 milliards de dollars, soit une baisse d’environ 4,3 points de pourcentage par rapport au rythme de croissance de 2018. Ils devraient chuter de 13 % en 2020. Ce ralentissement sera dû à un repli des transferts en provenance des États-Unis, la principale source de remises migratoires pour la région. Dans plusieurs pays dépendants de ces flux, à l’instar des îles du Pacifique, la survie des ménages pourrait être menacée par ce fléchissement, avant le redressement attendu en 2021, à 7,5 %. Coûts des transferts : le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars vers la région a baissé pour se situer à 7,13 % au premier trimestre 2020 par rapport à la même période en 2019. Les cinq couloirs de transfert les moins coûteux affichent un taux moyen de 2,6 %, contrairement aux cinq couloirs les plus onéreux, avec un taux moyen de 15,4 % (au quatrième trimestre de 2019).
 
Les remises migratoires vers la région Europe et Asie centrale sont restées solides en 2019, progressant d’environ 6 %, à 65 milliards de dollars. L’Ukraine reste le premier pays bénéficiaire de ces transferts, atteignant un nouveau record de pratiquement 16 milliards de dollars en 2019. D’autres pays moins dépendants, comme l’Ouzbékistan, la République kirghize et le Tadjikistan, ont surtout profité du rebond de l’économie russe. En 2020, les envois de fonds devraient chuter d’environ 28 %, plombés par l’effet conjugué de la pandémie de coronavirus et du repli des cours pétroliers. Coûts des transferts : le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars vers la région a légèrement reculé au premier trimestre 2020, à 6,48 %, contre 6,67 % un an auparavant. Les écarts d’un couloir à l’autre sont importants : les opérations les plus coûteuses concernent l’envoi d’argent depuis la Turquie vers la Bulgarie, contrairement aux envois depuis la Russie vers l’Azerbaïdjan, les moins coûteux.
 
Les envois de fonds vers la région Amérique latine et Caraïbes ont augmenté de 7,4 % en 2019, à 96 milliards de dollars, mais avec une hausse inégale selon les pays : le Brésil, le Guatemala et le Honduras ont connu une progression des remises migratoires supérieure à 12 %, devant la Colombie, l’Équateur, le Nicaragua et le Panama (+ de 6 %), tandis que ces flux ont reculé de respectivement 3,8 et 2,2 % en Bolivie et au Paraguay. Les transferts d’argent devraient chuter de 19,3 % en 2020. Coûts des transferts : le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars vers la région est ressorti à 5,97 % au premier trimestre de 2020. Dans un contexte marqué par la crise du coronavirus, le coût des transferts d’argent vers la région pourrait augmenter du fait des difficultés opérationnelles des prestataires de services (fermeture des bureaux, arrêt de l’activité des agents, accès aux liquidités, taux de change, sécurité) et du respect de la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LAB/CFT).
 
Les transferts d’argent vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord devraient chuter de 19,6 % en 2020, pour atteindre 47 milliards de dollars, après la hausse de 2,6 % enregistrée en 2019. Ce repli anticipé est autant dû au ralentissement de l’économie mondiale qu’à l’impact de la baisse des prix du pétrole dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Les envois de fonds depuis les pays de la zone euro devraient également être pénalisés par le ralentissement préalable à la pandémie de COVID-19 et la dépréciation de leur monnaie par rapport au dollar américain. En 2021, les remises migratoires vers la région devraient se rétablir mais à un rythme plus faible, d’environ 1,6 %, sous l’effet de la croissance modeste anticipée dans la zone euro et de l’affaiblissement des transferts provenant des pays du CCG. Coûts des transferts : le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars vers la région ressort à 7 %, pratiquement identique au taux de l’année précédente. Les écarts d’un couloir à l’autre sont très importants : les opérations provenant des pays de l’OCDE à revenu élevé vers le Liban continuent de dépasser la barre des 10 %. Les envois depuis les pays du CCG vers l’Égypte et la Jordanie peuvent atteindre entre 3 et 5 % selon les couloirs. Avec l’atténuation de la crise en Syrie, le coût des transferts depuis l’Arabie saoudite a fortement diminué.
 
Les envois de fonds vers l’Asie du Sud devraient chuter de 22 % en 2020, à 109 milliards de dollars, après la hausse de 6,1 % enregistrée en 2019. Ce recul s’explique par le ralentissement de l’économie mondiale dû à la pandémie de coronavirus ainsi que par le déclin des cours du pétrole. Le coup de frein économique devrait directement retentir sur les remises migratoires en provenance des États-Unis, du Royaume-Uni et des pays de l’Union européenne. La baisse des prix du pétrole pénalisera les envois de fonds des pays du CCG et de la Malaisie. Coûts des transferts : l’Asie du Sud affiche le taux moyen pour l’envoi de fonds le plus faible du monde, à 4,95 %. Certains de ces couloirs bon marché pratiquent des coûts inférieurs à la cible de 3 % fixée par les Objectifs de développement durable (ODD), probablement à la faveur de l’importance des volumes, de la compétitivité des marchés et du déploiement de technologies. Mais dans les couloirs les plus coûteux, ces tarifs sont nettement supérieurs à 10 %, faute de volume et de concurrence suffisants mais aussi du fait de contraintes réglementaires. Les directives bancaires découlant des normes LAB/CFT augmentent le profil de risque des prestataires de services et, partant, le coût de ces transferts dans certains pays bénéficiaires, comme l’Afghanistan, et certains pays d’origine, comme le Pakistan.
 
Les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne ont connu un léger repli de 0,5 % en 2019, à 48 milliards de dollars. En raison de la crise du coronavirus, ce déclin devrait être nettement plus marqué en 2020, à 23,1 %, pour atteindre 37 milliards de dollars, avant un redressement de 4 % attendu en 2021. La baisse prévue est à imputer à une conjugaison de facteurs liés à l’impact de l’épidémie dans les pays où résident les migrants originaires d’Afrique, à savoir la zone euro, les États-Unis, le Moyen-Orient et la Chine. Ces grandes économies accueillent une part importante des migrants subsahariens et représentent, ensemble, pratiquement un quart des remises migratoires totales vers la région. En plus des conséquences de la pandémie, de nombreux pays d’Afrique de l’Est sont victimes d’une invasion majeure de criquets pèlerins, qui attaquent les cultures et menacent la sécurité alimentaire des habitants. Coûts des transferts : le tarif moyen pour l’envoi de 200 dollars vers la région ressort en moyenne à 8,9 % au premier trimestre 2020, contre 9,25 % un an auparavant. Les couloirs les plus chers se situent essentiellement en Afrique australe, le tarif pouvant grimper jusqu’à 20 %. À l’autre extrémité du spectre, le coût moyen observé est inférieur à 3,6 %.



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