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EDITORIAL

Tchad : "Justice", le mot le plus prononcé au dialogue national


Alwihda Info | Par Malick Mahamat, Ben Haïdar, Djamil Ahmat - 28 Septembre 2022


Les tchadiens sont désespérément à la recherche de justice. C'est d'ailleurs le mot le plus prononcé par les participants aux assises nationales. Une justice sur tous les plans est réclamée.


Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
"S'il y a un déficit de paix au Tchad c'est parce qu'il y a un déficit de justice", lance Manadji Tolkem Bertin. "Ceux qui ont fait du mal aux autres, qu'ils se lèvent gaillardement et demandent pardon. C'est la réconciliation des coeurs qui apporte la paix", ajoute-t-il. "Le mal absolu c'est l'injustice au Tchad, n'ayons pas peur de le dire", renchérit Mahamat Saleh Abderahim Dahab.

Pour sa part, le syndicaliste Brahim Ben Seid réclame la justice dans l'administration, notamment avec "l'Homme qu'il faut à la place qu'il faut" dans les nominations. "Vous allez à la justice et vous avez des magistrats qui sont des philosophes, des géographes, des littéraires qui ont fait neuf mois pour être magistrats. Comment ça ?", déplore-t-il. Le leader politique Yacine Abdraman Sakine avertit également contre "l'injustice au plan administratif" en fustigeant les "super-fonctionnaires". Douksidi Robert propose un comité d'authentification des nominations pour réparer les injustices dans les nominations.

De son côté, Daoud Mahamat Abakar souhaite que les magistrats aient un véritable pouvoir : "que les magistrats aient tous les pouvoirs (…) ils peuvent même arrêter le Président de la République". D'où la demande de réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par Ahmed Bartchiret : "il faut une justice indépendante. Pour qu'elle le soit, il faudrait revoir le statut du CSM qui ne doit pas dépendre de l'exécutif et qui doit gérer de la carrière de tous les magistrats, qu'ils soient du parquet ou du siège".

Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
La justice passe également par la lumière sur les cas de disparitions forcées. C'est notamment ce que réclame le ministre de la Justice, secrétaire général du parti PLD, Mahamat Ahmad Alhabo : "s'ils savent quelque chose sur Ibni, qu'ils nous le disent, qu'on rouvre ce dossier. On ne peut pas faire la réconciliation sans évoquer ces dossiers". En ce sens, Hicham Ibni Oumar s'indigne du mensonge d'État au Tchad, notamment dans l'affaire de la disparition de l'opposant Ibni Oumar : "cette affaire est en France, on a donné les éléments à la justice. Que le procureur prenne ces éléments et qu'il rouvre le dossier. Qu'on arrête de nous divertir". Ce qui semble surprendre Zara Ahmat Siddick : "si nous avons vu un ministre de la Justice qui demande justice au Présidium, il est là pour quoi ? C'est lui le ministre de la Justice. Il faut que les gens fassent leur boulot" ; ou encore Me. Sidick Sougui Lony : "la justice tchadienne est malade lorsque le ministre de la Justice lui-même demande justice dans cette salle".

Pour Mahamat Allamine Boulmaye Treye, "il faut rendre justice à ceux qui ont été opprimés par les différents régimes pour qu'il y ait justice pour tout le monde". Tandis que Ouya Bassoum réclame justice pour les victimes des conflits meurtriers au Lac Iro. Deux jours plus tard, le ministre de la Communication Abderaman Koulamallah intervient à la plénière pour annoncer que 18 personnes ont été arrêtées et remises à la justice.

Ouya Bassoum dénonce par ailleurs une injustice à l'égard des personnes handicapées qui "sont les plus marginalisées""La justice, elle est malade", complète Mahamat El-Mahdi Abdraman. Il dénonce également une injustice lorsque "sur une région, on trouve 150 généraux tandis qu'une autre n'a aucun général".

Mahamat Amine estime aussi que "la justice n'existe pas". Ainsi, on ne peut pas prétendre vouloir "améliorer la justice". Selon lui, il faut plutôt créer des bons mécanismes pour partir sur des bonnes bases.

Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
L'ancien ministre Mahamat Nimir Hamatta veut que "justice soit rendue pour la province du Batha" où l'exploitation de l'or se fait de manière occulte, "sans aucune retombée pour la province (...) ni pour le trésor" depuis 2017. Il réclame également la justice pour la province du Guéra qui serait confrontée à la même situation.

Le manque de justice conduit plusieurs participants à réclamer la Cour martiale et la peine de mort pour les auteurs d'homicides volontaires. C'est le cas de M. Paulin : "je suis d'accord pour instaurer la Cour martiale". Il dénonce l'injustice entre les tchadiens, avec notamment "ceux qui sont au-dessus" et pour qui "l'on paye 25 millions Fcfa" de Dia (prix du sang) en cas d'homicide. Mme. Woualmi Hassan relève que "la vie humaine n'a pas de prix. Celui qui tue doit être tué en retour (...) Celui qui viole une petite fille doit écoper de la peine de mort".

Dans le débat sur la pratique exagérée de la Dia, Cherif Allatchi Galma rappelle "qu'avant l'indépendance et après l'indépendance, ce sont les chefs traditionnels qui réglaient les conflits, pas la justice". Il s'interroge sur la conciliation entre la justice et l'autorité de la chefferie traditionnelle. De l'avis de Abakar Sidjim, rejoint par plusieurs autres participants, "il y a des communautés ethniques qui sont plus fortes et riches que l'État. Elles imposent leurs lois aux autres communautés. On a l'impression que ces communautés ont pris en otage l'État. Cette pratique de la Dia est dépassée. Il faut une forte résolution pour qu'elle soit bannie".

Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
Le dialogue national inclusif et souverain au Tchad. Septembre 2022. © Alwihda Info
"Nous tous voulons la justice mais nous ne pouvons pas la vouloir et en même temps maintenir des choses qui doivent l'entraver", souligne Hamla Douksia Senghor, toujours sur le débat autour de la Dia. Ahmat Bedeï Toullomi tranche en ce sens : "aucun tchadien ne doit se soustraire à la justice (...) Concernant la Dia, il faut que la justice s'affirme. Si les magistrats et les juges ne prennent pas leurs responsabilités, le Tchad sera morcelé et notre pays sera dans l'anarchie totale".

Pr. Bachar Aguid met en garde contre une autre forme d'injustice : "arrêtez de nommer les mêmes voleurs. Quelqu'un qui est voleur, et on le nomme encore, il va chercher à se faire justice". Sur cette question des détournements des fonds publics, Mahamat Assileck Halata réclame une commission pour que justice soit rendue : les auteurs identifiés, condamnés et les fonds rapatriés.

"La justice doit se faire à tous les niveaux, ce n'est pas seulement dans une partie du Tchad", défend Madjitelsem Severin. Elle relève que "la rébellion n'est pas seulement au Nord, elle est aussi au Sud. Nous avons des frères tchadiens du Sud qui sont tués injustement".

"Les vrais problèmes qui minent notre société sont liés à l'injustice. Nous sommes tous complices. Cette injustice n'est pas celle d'un seul parti ou d'une seule ethnie", déplore Hassan Baba Abakar. Pour sa part, Acheikh Hassan Abakar se montre préventif : "si nous ne relevons pas cette injustice, nous allons toujours rester où nous sommes". Autrement dit : parmi les derniers dans tous les classements internationaux.



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