Advienne que pourra...

RDC : Les observations de l’ABACO sur le non-renouvellement du mandat présidentiel
En République Démocratique du Congo, des députés de la Majorité présidentielle ont prévu de déposer une pétition au bureau de l’Assemblée nationale pour saisir la Cour constitutionnelle en interprétation de l’article 70 de la Constitution relatif à la fin du mandat du chef de l’Etat. Ainsi demandent-ils l’interprétation de la Cour, s’agissant du second alinéa dudit article stipulant que « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois », que, à la fin de son mandat, il « reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu ».

Selon ces députés, une transition ne doit pas être mise en place en attendant l’organisation de l’élection présidentielle. Tablant sur la difficulté de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à pouvoir respecter le délai constitutionnel à défaut d’un fichier électoral révisé, ils comptent saisir la Cour constitutionnelle sur la base du premier alinéa de l’article 161 de la Constitution, lequel précise que « la Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du président de la République, du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des gouverneurs de province et des présidents des assemblées provinciales ».

L’initiative de de ces députés a au moins le mérite, reconnaît la Direction Europe de l’Alliance de Base pour l’Action commune (ABACO), de confirmer leur volonté de maintenir au pouvoir le président de la République sortant sans violation de la Constitution.

Vu les dispositifs des articles 62, 72, 73 et 75 de la Constitution de la République Démocratique du Congo relatifs au respect de la norme suprême, à la vacance et à l’intérim de la présidence de la République, au scrutin pour l’élection du président de la République, ainsi qu’aux fonctions présidentielles en cas de décès, de démission ou de toute autre cause d’empêchement définitif ;

Vu l’ordonnance régissant la Commission électorale nationale indépendante ;

Vu l’habilitation de la CENI à publier un calendrier complet révisé et à couvrir la totalité du cycle électoral ;

Vu l’élaboration du budget de la CENI et l’établissement du code de conduite par le gouvernement en vue des élections et de l’actualisation des listes électorales en toute régularité ;

Vu la garantie par le gouvernement de la tenue des élections dans les temps, en particulier la présidentielle et les législatives nationales de novembre 2016, telles que prévues dans la Constitution et dans la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ;

La Direction Europe de l’ABACO rappelle que l’organisation de l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel est fonction des moyens financiers mis à la disposition de la CENI par le gouvernement. Or, jusqu’à présent, la CENI n’a pu remplir correctement ses missions en l’absence des moyens techniques et financiers – le gouvernement n’ayant manifesté une réelle volonté politique en vue d’une transition démocratique conformément aux dispositions constitutionnelles.

Faute d’élection présidentielle, on devra en principe recourir à l’article 75 de la Constitution stipulant  qu’« en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d'empêchement définitif, les fonctions de président de la République – à l'exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 – sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ». Or, la Chambre haute étant déjà hors-jeu à cause de son glissement, cette institution fonctionne désormais en violation flagrante de la Constitution.

Force est donc de rappeler que la vacation des fonctions présidentielles et l’illégalité du Sénat créeront de facto un vide juridique.

En conséquence, pour éviter que la République Démocratique du Congo sombre dans un chaos sans précédent, la Direction Europe de l’ABACO préconise la mise en place, à l’issue d’un dialogue national inclusif, d’un gouvernement de Salut public dans lequel ne participera pas le président de la République sortant. Ce gouvernement de transition aura la tâche de définir les grandes orientations relatives aux prochaines élections, à l’harmonisation de la Constitution, à la morale patriotique, à la défense nationale et aux institutions de la République.

Fait à Paris, le 14 avril 2016

Pour la Direction Europe de l’ABACO,
Gaspard-Hubert LONSI KOKO
Premier Vice-Président de l’ l’Alliance de Base pour l’Action Commune

Premier Vice-Président de l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO), Gaspard-Hubert Lonsi Koko a répondu aux questions de l’Œil d’Afrique sur la République Démocratique du Congo.


L’ABACO plaide pour une opposition constructive en RDC

Œil d’Afrique : Avant d’entrer dans le vif du sujet, avez-vous un mot sur la victoire des léopards lors de la dernière CHAN qui s’est déroulée à Kigali ?

La victoire de nos vaillants léopards en finale de la CHAN 2016 face aux aigles du Mali, survenue après avoir éliminé le Rwanda en quart de finale, doit préfigurer le patriotisme en faveur des FARDC dans la région du Kivu. Ne dit-on pas que RDC eloko ya makasi [RDC, la chose la plus solide, ndlr] ?

 

Œil d’Afrique : Pourquoi la direction Europe de l’ABACO a-t-elle pris fait et cause en faveur des militants de la Lucha ?

Nous avons tout simplement jugé disproportionné le jugement qu’a rendu en première instance le Tribunal d’instance de Goma, puisque le fait reproché aux membres de ce mouvement citoyen est moins grave que les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis dans l’Est de la République Démocratique du Congo et dont les auteurs ont été maintes fois amnistiés et continuent de jouir d’une incompréhensible impunité. Par conséquent, nous avons vivement attiré l’attention du peuple congolais sur le strict respect des droits fondamentaux de la personne humaine et sur l’indépendance de la justice au regard du pouvoir politique.

Si nous avons pris acte de la diligente réactivité de la Cour d’appel de Goma en deuxième instance, nous avons néanmoins estimé que le verdict a été basé sur les seuls réquisitoires du Ministère public. Rappelons qu’il faut obligatoirement un avocat ou un avoué pour aller devant la Cour d’appel, sauf quelques dispositions légales. Sachant le caractère définitif du jugement de la Cour d’appel dès sa signification, nous espérons que les défenseurs des membres de la Lucha présenteront une déclaration de pourvoi devant la Cour de cassation pour non-conformité d’une décision de justice aux règles de droit, ou alors pour violation de la loi, du règlement ou des traités internationaux, voire pour violation des formes légales.

 

Œil d’Afrique : La résolution de crise politique en RDC passera-t-elle forcément par un dialogue avec le président Joseph Kabila ?

L’ABACO est favorable à un dialogue inclusif, sous la facilitation de la communauté internationale. Un dialogue avec toutes les forces vives de la nation et non seulement avec le président sortant. À cet effet, je vous renvoie à la déclaration du Président national de notre parti, le ministre honoraire Sylvère Luizi Balu, faite récemment lors d’une conférence de presse. En tout cas, compte tenu de notre neutralité et n’étant pas diligentés par le pouvoir en place à Kinshasa, nous sommes favorables au dialogue, non pas pour pour le per diem ou le partage des maroquins, mais pour mettre un terme aux souffrances des populations congolaises et trouver la voie propice à un État de droit.

 

Œil d’Afrique : Que pense votre parti de la situation en cours dans l’Est de la RDC ?

Comment peut-on expliquer, juste un exemple parmi tant d’autres, le fait que les rebelles ougandais de l’ADF-Nalu ne s’en prennent qu’aux seules populations congolaises et non au régime du président Museveni ? Comment peut-on interpréter le non-déploiement des troupes onusiennes le long de la frontière orientale ? Le fait de les cantonner à Goma et à Bukavu constitue-t-il une intention manifeste de cautionner l’installation illégale des populations étrangères dans une partie du territoire congolais, en vue d’une éventuelle partition de la République Démocratique du Congo ? La mauvaise volonté et les intentions non avouées de certains acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux contribuent largement à l’instabilité, depuis 1997, de la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Les habitants du Kivu ont droit à la paix, au même titre que les citoyens de l'Alsace-Lorraine, les Nord-Amérindiens ou les peuples des Balkans.

 

Œil d’Afrique : Votre Parti serait-il moins enthousiaste par rapport aux élections que compte organiser le gouvernement ?

L’ABACO craint surtout que le peuple congolais soit de nouveau victime d’une farce électorale, laquelle fragilisera davantage les institutions étatiques et amplifiera la crise politique. Le non-respect du calendrier électoral permettra-t-il l’organisation des élections crédibles et transparentes ? Un réaménagement de ce calendrier s’impose-t-il ? Doit-on procéder à l’enrôlement de nouveaux majeurs et reporter la présidentielle et les élections locales, sénatoriales et législatives en 2017 ? Dans la négative, faudrait-il une transition politique sans le président sortant ? Des réponses doivent être rapidement apportées à ces questions pour éviter que la République Démocratique du Congo fasse un saut fatal dans l’incertitude et le néant.

Pour ce qui est du récent scrutin, faute de fichier électoral fiable, l’ABACO n’a présenté aucun candidat aux élections provinciales qui se sont déroulées dans les entités territoriales nouvellement constituées. Notre parti ne légitimera pas l’illégalité.

 

Œil d’Afrique : Et la primaire souhaitée par une partie de l’opposition ?

Si le principe d’une candidature unique de l’opposition paraît fondé, l’ABACO s’interroge toutefois sur les modalités de la primaire devant aboutir à ce noble objectif. Celle-ci sera-t-elle ouverte à tous les électeurs congolais ou aux seuls adhérents des partis composants une frange de l’opposition ? Nos interrogations concernent aussi la composition réelle de cette opposition. Englobera-t-elle les dissidents de la majorité présidentielle ? Ou sera-t-elle conditionnée, quid de l’idéologie, par le seul départ du président de la République sortant ? Par ailleurs, les électeurs se prononceront-ils sur un texte indiquant les valeurs idéologiques de l’opposition, ou celles des transfuges de la mouvance kabiliste ? Au cas où seuls les électeurs seront amenés à prendre part au scrutin, quel crédit aura cette primaire, dès lors que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est incapable de présenter un fichier électoral fiable ?

L’absence de crédibilité d’une initiative non transparente, due à un choix n’englobant que partiellement les forces vives, laisse en effet dubitatif le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo ( RDPC), ce courant politique que je dirige au sein l’ABACO. Si le RDPC est très favorable à une réelle alternative politique, il est échaudé par une mésaventure semblable à celle de l’Alliance des Forces Démocratiques pour Libération du Congo (AFDL) et dont les conséquences ne cessent d’hypothéquer l’avenir du peuple congolais. La direction de l’ABACO Europe n’encouragera en aucun cas l’émergence d’un conglomérat de structures incompatibles et soucieuses de la prise de pouvoir sans fondement programmatique et idéologique.

 

Œil d’Afrique : ABACO ou ABAKO ?

Notre ambition la plus immédiate consiste à rassembler toutes les branches d’origine abaquiste et à renforcer la dimension nationale du parti. Si, aujourd’hui, nous avons discrètement consolidé l’assise de l’ABACO dans le Bas-Congo, dans la ville de Kinshasa, ainsi que dans une partie du Bandundu, nous nous attelons sans fanfare ni trompette à conférer à notre parti une incontestable assise nationale. La réunification des abaquistes ne pourra que renforcer l’ancrage de l’ABACO dans tout le pays. Cette vision nationale est d’ailleurs à l’origine de l’appellation « Alliance de Base pour l’Action Commune », ABACO en sigle, contrairement à l'Alliance des Bakongo et à l'Alliance des Bâtisseurs Kongo.

 

Œil d’Afrique : Que reprochez-vous à la G7 et à la Dynamique de l’opposition ?

Rien du tout. Pour ce qui est de la G7, nous pensons tout simplement que la dissidence au sein d’une même mouvance politique, en l’occurrence la majorité présidentielle, ne s’apparente pas à l’opposition idéologique. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, pourrait-on rétorquer à juste titre. Mais le zèbre ne se défait pas pour autant de ses zébrures. Personnellement, je n’ai jamais vu un cochon dans un arbre.

Quant à la Dynamique de l’opposition, elle est composée de partis politiques dont le combat politique n’a pas permis une alternative au pouvoir en place. Sur la forme, nous sommes d’accord avec les partis constitutifs de cette Dynamique de l’opposition s’agissant des critiques légitimes relatives au glissement. Par contre, sur le fond, nous avons une très grande désaccord. S’opposer au glissement et siéger en même temps dans les institutions ayant glissé est une incohérence, voire une aberration. Nous demandons à ce que les partis politiques opposés au glissement ne siègent plus au Sénat, ni aux Parlements provinciaux. C’est une question de crédibilité.

Le fait de vouloir faire triompher les idéaux humanistes a beaucoup pesé dans notre décision d’adhérer à l’Alliance de Base pour l’Action Commune, parti précurseur de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Il n’est donc pas question d’hostilité à l'encontre de la G7 et de la Dynamique de l’opposition, dans la mesure où l’ABACO en appelle à l’union de tous les démocrates, garante de la cohésion nationale au détriment du coup d’État permanent. Pour nous, une coalition se fait sur des bases claires et un programme cohérent soutenu par une idéologie commune ou compatible. En tant que parti d’inspiration social-démocrate, l’ABACO préconise une politique de protection sociale dans le cadre de l’économie de marché et de la libre entreprise, sur fond des garde-fous par rapport aux injustices et aux incohérences du libéralisme. Cette conception réformiste permettra l’épanouissement du socialisme du possible.

 

Œil d’Afrique : Votre parti n’a-t-il pas peur d’être muselé par le pouvoir en place à Kinshasa, et vilipendé par l’opposition ?

L’alliance de Base pour l’Action Commune est un parti politique censé gouverner un jour la République Démocratique du Congo. Par conséquent, pendant que nous sommes dans l’opposition, il est de notre droit de critiquer tout projet politique néfaste au pays et de notre devoir de faire des propositions cohérentes. Plus explicitement, nous constitutions une opposition constructive. Nous n’avons aucune raison de nous inquiéter, ni d’avoir peur de qui que ce soit, dès lors que nous militions pour le bonheur du peuple congolais, ainsi que pour un Congo politiquement démocratique et économiquement viable.

Que Dieu et les ancêtres préservent l’ABACO du pouvoir en place à Kinshasa et d’une certaine opposition, notamment institutionnelle. Quant au peuple congolais, c’est notre affaire. De plus, l’urgence pour l’ABACO consiste à investir sur les Congolaises et les Congolais en vue du progrès social, du rayonnement intellectuel et de l’évolution des mentalités. Nous préconisons une réglementation unique sur le marché de l’emploi en vue de l’harmonisation des salaires dans toutes les entreprises. L’autonomie économique de notre pays passera, entre autres, par un Fonds de Développement du Congo et non par un quelconque plan qui aggravera la dette. Notre préoccupation réside également dans la consolidation de l’unité nationale et du patriotisme congolais. Le devenir de la République Démocratique du Congo ne dépend avant tout que de la seule volonté de ses fils épris de l’intérêt de la chose publique.

 

Propos recueillis par Roger Musandji

 

© Œil d’Afrique


Déclaration de l’ABACO Europe sur la décrispation du climat politique en RDC
Lors d’un point de presse fait le 10 mars dernier à Kinshasa en République Démocratique du Congo, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a rappelé que « la Constitution congolaise consacrait le principe de la liberté, mais y mettait des restrictions : respect de l’ordre public, de la loi et des bonnes mœurs ». M. Mende a aussi précisé que « […] les rapports qui font état d’actes de harcèlement et d’intimidations en nombre croissant visant des responsables politiques, des membres de la société civile et des médias dont il est fait mention dans la déclaration [de l’Union Européenne et des Nations Unies], ne laissent pas indifférents [les autorités congolaises] ».

La Direction Europe de l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO) prend acte de la volonté des autorités congolaises quant au respect de la Constitution, aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux engagements internationaux.

En effet, seuls un dialogue constructif entre Congolais et le respect des dispositifs constitutionnels – notamment ceux relatifs à l’irrévocabilité de la nationalité congolaise d’origine, à l’égalité des Congolais dans la représentativité politique et au regard des Lois, à la limitation du mandat présidentiel... – pourront mettre définitivement un terme à la déduction selon laquelle « la République Démocratique du Congo est [la] capitale mondiale de la violation des droits de l’Homme ou un pandémonium ».

Pour la Direction Europe de l’ABACO, le respect des préalables évoqués ci-dessus permettront de détendre le climat politique, rendre probable la tenue de l’élection présidentielle censée avoir lieu avant la fin l’année et mieux gérer les tensions sur les finances de l’État ayant des conséquences néfastes sur les recettes fiscales.

Fait à Paris, le 12 mars 2016

Pour l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO),
Gaspard-Hubert Lonsi Koko,
Premier Vice-Président de l’ABACO

1 ... « 28 29 30 31 32 33 34 » ... 47