POINT DE VUE

Afrique : comment réduire le nombre de décès dus aux crises climatiques


Alwihda Info | Par Amadou Diallo, coordinateur régional du financement des risques de catastrophe, service d'anticipation des crises et de financement des risques du Start Network. - 27 Octobre 2021


Une intervention précoce grâce aux assurances peut avoir quatre fois plus d'impact qu'une aide apportée après une catastrophe.


D'après les recherches effectuées par l'ARC et les données recueillies, chaque dollar dépensé dans une intervention précoce par le biais de ce mécanisme d'assurance permet d'économiser 4,5 dollars dépensés après la survenue d'une crise. C'est cette logique qui sous-tend le caractère innovant des assurances contre les catastrophes climatiques telles que les sécheresses. En juillet 2019, le Start Network et le gouvernement sénégalais ont chacun souscrit une police d'assurance offrant une protection contre les sécheresses. L'ARC est un mécanisme d'assurance novateur qui a pour but d'aider les États membres de l'Union africaine à résister aux phénomènes météorologiques extrêmes et à se remettre de leurs ravages.

La police de 2019 s'appuyait sur la base suivante : si le niveau de précipitations tombait en dessous d'un seuil prédéfini, les membres du Start Network et le gouvernement sénégalais recevraient des indemnités permettant une intervention précoce, afin de coordonner les mesures visant à protéger les communautés à risque. Comme le montre l'analyse de l'ARC, une telle intervention précoce coûte environ un quart de ce que coûteraient des interventions menées après les catastrophes, mais surtout, elle réduit massivement le coût humanitaire.

Suite au succès et à l'expiration de la première police d'assurance contre les risques de sécheresse au Sénégal, le Start Network annonce sa reconduction pour la saison 2021-2022.
Avec de telles polices, les risques ne reposent plus sur les agriculteurs, mais sur les acteurs financiers. Près de la moitié de l'aide alimentaire multilatérale d'urgence apportée en Afrique concerne des catastrophes climatiques. Bien qu'il soit courant aujourd'hui de souscrire des assurances contre les aléas climatiques, cela ne l'est pas au niveau national, et encore moins en ce qui concerne la couverture des sécheresses, parfois à cause des barrières culturelles, mais souvent en raison des contraintes financières et économiques au niveau des ménages. Nous apportons une innovation au continent africain, en instaurant un mécanisme de macro-assurance qui permet de protéger les populations au-delà d'une certaine exposition aux risques de sécheresse, qui auraient des conséquences plus graves en termes d'insécurité alimentaire et toucheraient les communautés les plus vulnérables.

La souscription d'une assurance peut apporter des réponses aux sécheresses
Le but ultime est de permettre aux gouvernements africains de souscrire leurs propres polices d'assurance, transférant ainsi la plus grande part possible des risques. Certaines régions d'Afrique connaissent des sécheresses chroniques qui ont de profondes répercussions sur les populations. En prenant cette initiative, le gouvernement sénégalais envoie un message extrêmement positif au reste du continent, et ce depuis 2013.

En cas de catastrophe, l'aide n'arrive généralement que trois mois après l'événement. À ce stade, elle s'attache principalement à remédier aux conséquences de la catastrophe, comme la malnutrition, la perte de moyens de subsistance et d'autres conséquences négatives. Le succès des interventions dépend donc du moment où l'aide peut être apportée. Les recherches effectuées par le Start Network et l'ODI sur les appels de l'ONU montrent qu'au moins 55 % des fonds ont été alloués à des crises qui sont plus ou moins prévisibles, mais que moins de 1 % des fonds consacrés à ces crises ont été débloqués sur la base de seuils de déclenchement et de plans convenus à l’avance.

La science des assurances est capable de quantifier la probabilité de précipitations insuffisantes en s'appuyant sur plusieurs années de données, ainsi que leurs conséquences sur les revenus des communautés rurales locales. Des seuils de déclenchement sont définis et lorsqu'ils sont atteints, une indemnité est versée.
Le seuil se base sur l'Indice de satisfaction des besoins en eau développé par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Par comparaison avec les données satellites sur les précipitations, celui-ci estime le nombre de personnes susceptibles d'être victimes d'une insécurité alimentaire.

La couverture Replica de l'ARC au Sénégal est assurée grâce à un partenariat entre le Start Network, le gouvernement sénégalais et la Mutuelle panafricaine de gestion des risques (African Risk Capacity, ARC). Elle est financée par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), par l'intermédiaire de la Banque allemande de développement (Kreditanstalt für Wiederaufbau, KFW).

Enseignements tirés par les ONG
Tout au long de l'année 2020, six membres du Start Network (Action contre la Faim, Catholic Relief Services, Oxfam, Plan International, Save the Children et World Vision) ont collaboré avec le gouvernement sénégalais pour apporter de l'aide aux 355 000 Sénégalais en amont d'une grave sécheresse de grande ampleur. Cette aide a pris la forme de distribution de farine fortifiée et de transferts monétaires. Cela a permis aux familles de protéger leur bétail et leurs autres biens précieux, et leur a évité d'avoir à sauter des repas ou d'envoyer leurs enfants travailler au lieu d'aller à l'école.

En agissant plus tôt, nous pouvons atténuer l'impact des crises sur les communautés à risque. Au Sénégal, par exemple, grâce à un projet de financement des risques de catastrophe qui a débloqué une indemnité d'assurance en amont d'une sécheresse prévue, 98 % des enfants et des mères enceintes et allaitantes ont pu conserver deux repas par jour pendant toute la durée du projet. Nous savons que cela est plus rentable que de laisser l'état nutritionnel des populations se dégrader au point de nécessiter une intervention nutritionnelle.

Le programme nous a permis de discuter avec tous les partenaires à un stade précoce. La mise en place de procédures opérationnelles standard convenues à l'avance fait une grande différence. Elle s'avère plus favorable que les réponses traditionnelles aux catastrophes où l'on manque généralement de temps et où l'on doit « combattre sur tous les fronts ».
C'est pourquoi le Start Network va lancer cette année une infrastructure appelée Start Financing Facility, qui pourra être déployée pour prépositionner des fonds en s'appuyant sur les pratiques d'excellence mondiales en matière de mise en commun et de catégorisation des risques, afin que ces fonds soient utilisés le plus efficacement possible. Le SFF repose sur nos nombreuses années d'expérience en matière d'anticipation. Il placera les acteurs locaux au centre et dotera les intervenants humanitaires de première ligne des outils nécessaires pour être prêts et financièrement préparés aux crises. Le projet Replica de l'ARC s'inscrit dans ce dispositif de financement du Start Network.

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