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Centrafrique : L'inquiétante insuffisance du devoir constitutionnel


Alwihda Info | Par Alexis Clevis SINGA - 14 Mai 2017


Quoi de plus responsable que de prendre sur soi les atermoiements des uns et des autres, acteurs rebelles et politiques, mais aussi l'assistance internationale pour pacifier le pays selon les modalités relativement encadrées par des résolutions dites onusiennes.


Alexis Clevis SINGA
Déconsidération, mépris et haine, tels sont les attributifs que je pourrais généreusement affecter au regard porté sur le lien forcé qu'entretiennent depuis déjà quelques années le peuple centrafricain, la fameuse communauté internationale et les groupes armés nés des divergences haineuses des piètres politiciens, théoriquement engagés en faveur de la vie politique centrafricaine.

Quoi de plus responsable que de prendre sur soi les atermoiements des uns et des autres, acteurs rebelles et politiques, mais aussi l'assistance internationale pour pacifier le pays selon les modalités relativement encadrées par des résolutions dites onusiennes.

C'est ce que fait pourtant le peuple centrafricain depuis plus de deux décennies: être digne et responsable.
Hélas! Cet état d'esprit nous oblige malheureusement à subir le diktat des acteurs en qui l'on devrait avoir ne serait ce qu'un brin de confiance.

Son implication dans les consultations souveraines pour fausser les décisions, l'entretien des guerriers étrangers devenus centrafricains par contraintes, l'obligation de ne pas se victimiser même si le viol territorial est flagrant, le refus systématique de recourir à l'endettement pour équiper en armements des unités étatiques garantes de ce qui reste de sa souveraineté, notamment la défense de son territoire, constitue la principale cause de l'affaiblissement de ce pays.

Face au dédain de ce triumvirat, -j'entends par là; les groupes dits "rebelles", la "Communauté internationale" ainsi que le président Touadéra-, j'avais, comme bon nombre de nos compatriotes, appelé à un dépassement de soi quant à la vision globale de paix qui devrait être axée principalement sur l'unité nationale, voire même une convergence des partis politiques et la société civile vers un objectif commun: faire bloc afin de peser sur les négociations dont on sait d'avance que la place réservée à l'exécutif est celle qu'occupent les faibles.

Le gouvernement actuel n'a pas voulu entendre ce message et a préféré assurer une certaine continuité de la calamiteuse période transitoire où il était question de dire au peuple centrafricain ce qu'il veut bien entendre et assurer à fortiori, l'existence des chefs rebelles avec de l'argent public tout en les suppliant de jouer au jeu de la réconciliation et jeter aux orties l'idée d'une réparation pour les victimes.

Les félons d'hier se retrouvent ainsi sur la même table que les "éléments importés" devenus "amis guerriers" autour d'un pacte signé en catimini sur le dos des Centrafricains.

Comme toujours, on nous chante: "justice sera faite"; au même moment, ces protagonistes de circonstances se gavent et les victimes continuent de se compter par milliers.

Cette continuité n'est plus supportable.

L'exécutif dans sa composante affiche pourtant une désopilante suffisance quant à sa manière de gérer l'insécurité et les drames que vivent nos compatriotes, faisant fi des contributions réalistes que d'aucuns peuvent apporter, quand bien même, l'obligation constitutionnelle lui impose ce devoir; celui de garantir la sécurité de chaque centrafricain.
Il serait incongru de nous opposer à chaque constat d'insuffisance du devoir constitutionnel, l'argumentaire du type: "nous n'avons pas d'armés", "nous sommes sous embargo", les rebelles sont des centrafricains", "la justice est en cours..."
Une légèreté qui illustre malheureusement le catastrophisme dans lequel, la République centrafricaine est plongée depuis bien longtemps.

Les événements dramatiques de ces derniers jours survenus dans une partie de la région-est, notamment Alindao, Bangassou, ..., ne sont que la résultante in fine d'une politique de gouvernance vide de sens, reposant sur des penchants décisionnels immatures, difficilement compréhensibles par la majorité du peuple centrafricain.
Le transfert organisé avec l'accord du Président de la république, du criminel Ali Darassa devenu centrafricain par décret, en est la parfaite illustration.

Il aurait peut être fallu l'installer à Damara pour permettre au chef de l'Etat ou à ses conseillers de le consulter rapidement en cas de besoin, car voyez-vous, c'est une forme de dictature que d'imposer à la population locale un chef de guerre sans consultation préalable.

Le gouvernement n'a jusqu'à ce jour, décrété des jours en mémoire des victimes de cette barbarie et cela me désole.
Pourtant, je fais le constat qu'il délègue une partie de son pouvoir à l’Épiscopat catholique, habilité désormais à négocier directement avec certains chefs de guerre.C'est très étrange.

Face à ces drames, j'exhorte le ministre de l'intérieur à porter devant le parlement deux propositions de loi- quitte à modifier la constitution- sur la déchéance et l'indignité citoyennes:

1. Déchoir de la nationalité centrafricaine toute personne étrangère devenue centrafricain par décret et qui
se revendique comme étant chef de guerre ou de milice.

2. Frappée d'Indignité nationale toute personne née centrafricain, coopérant avec une entité ou individu étrangers dans le but d'asseoir une rébellion, de fausser les résultats d'une élection, de s'octroyer illégalement une terre aux fins d'exploitations de minerais, de culture agro-pastorale ou toute autre activité de gisement.
Ces réflexions, je suppose ne sont pas sous embargo, on pourrait quand même les initier pour rendre illégale la présence des mercenaires d'origine étrangère sur le sol centrafricain.

Il y a tout de même une interrogation cruciale qui m'amène à la réflexion suivante: pourquoi le Président Touadéra n'est-il pas capable d'entendre les différentes voix qui résonnent à l'extérieur de son camps pour promouvoir l'unité des forces vives de ce pays, face au désordre que cultivent les groupes armés et leurs soutiens?
Ce qui arrive aux centrafricains, qu'ils soient de Bangassou, d'Alindao, de Kaga Bandoro, de Ndélé ou d'ailleurs est difficilement acceptable et confirme cette maxime africaine selon laquelle, "quand la force occupe le chemin, le faible entre dans la brousse avec son bon droit".

Au Président et à son gouvernement de nous dire, quand est ce que le peuple centrafricain cessera d'être humilié sur sa propre terre.

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