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ANALYSE

Désignation de Michaëlle Jean : une violation flagrante par la France du pacte de la francophonie


Alwihda Info | Par Christ exauce Marsala - 5 Décembre 2014


Depuis le 30 novembre 2014, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a une nouvelle secrétaire générale, en la personne de l’ancienne journaliste et gouverneur, canadienne, Michaëlle Jean. Cette désignation non africaine, chapeautée par le président français, François Hollande, apparait comme une violation flagrante du pacte non écrit faisant de la fonction du Secrétaire général de la Francophonie une chasse gardée subsaharienne.


Il est un problème que l’Afrique se doit de régler si elle veut gagner des grandes batailles. Il s’agit de sa capacité de parler d’une seule voix, au moment de prendre de grandes décisions. Le lit que l’Afrique a offert à François Hollande pour imposer le candidat de son choix est effectivement fait de l’absence de consensus autour d’un candidat unique au secrétariat général de l’OIF ce, après avoir donné des leçons de démocratie à ses homologues qu’il a traités comme ses étudiants dans un amphithéâtre.

Dans un article publié le 15 octobre 2014, le site camerounais, camerouonvoice.com voyait déjà la main des Etats-Unis derrière la décision du gouvernement fédéral canadien de présenter la candidature de Michaëlle Jean, comme pour donner à l’élection du secrétaire général de la francophonie, « un enjeu géopolitique ». Car, si la Francophonie est « sans grand intérêt dans un monde unipolaire, elle revêt une importance stratégique de premier plan dans l'hypothèse où, la direction exclusive des affaires du monde échappant aux États-Unis, les BRICS parviendraient à faire prévaloir la multi-polarité ».

Décryptant les relations entre les Etats-Unis et la France, ce site qui écrit : « Certes, les relations entre Paris et Washington sont excellentes ». Mais, n’en déplaise à François Hollande s’il ignore que « Paris n'est l'ami de Washington que dans une relation d'instrumentalisation du petit par le grand ».

C’est pourquoi, tenant compte de cet aspect géopolitique du poste, l’Union Africaine (au lieu de se réfugier derrière sa multi culturalité), devait prendre les dispositions en amont pour que le secrétariat général de l’OIF ne lui échappe guère.

De son côté, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) qui avait, à elle seule, trois candidats, sur les cinq, n’a pris aucune initiative pour préparer la victoire d’un de ses candidats. Au contraire, chaque pays est allé au sommet avec le réel désir de paraître bon élève aux yeux de la France de François Hollande.

La preuve de l’incohérence africaine est donnée par le Burundi, pays de l’Afrique centrale, donc membre de la CEEAC qui, avec le soutien implicite de l’Elysée, a joué au trouble fête devant le candidat congolais Henry Lopès, en maintenant la candidature de Pierre Bouyoya. François Hollande, lui, a préféré volontairement ignoré le passé de Lopes, comme il a su taire les origines françaises de sa candidate canadienne, pour garantir ses chances.

L’unité africaine et l’intégration régionale ou sous régionale n’ont pu influencer le nationalisme, plutôt l’individualisme de chaque chef d’Etat africain. Très souvent, devant une telle impasse, les chefs d’Etats tiennent des mini- sommets extraordinaires pour débloquer la situation. Mais, pour la CEEAC, par exemple, le président en exercice, devenu enfant chéri d’Hollande a préféré trahir l’Afrique (centrale) au profit de sa position.

Dans cette optique et, pour éviter toute équivoque sur sa position, il a vite fait de quitter Dakar bien avant la désignation de Michaëlle Jean. On n’oublie pas que le premier ministre français, Manuel Valls est passé par Ndjamena, peu avant le sommet de Dakar, alors que Hollande était en Guinée Conakry. Pour brouiller les cartes ?

Même les pays qui n’avaient pas de candidat, ont tourné casaque au profit de la canadienne, sans doute, pour ne pas susciter le courroux du président français, figure tutélaire de l'OIF, qui est soupçonnée, à juste titre, d'avoir « trahi le pacte non écrit qui faisait de la fonction de secrétaire général de la Francophonie une chasse gardée subsaharienne », comme l’écrivait notre confrère Jeune Afrique sur son site le 1er novembre dernier. « Avec l’arrivée de la canadienne Michaëlle Jean à la tête de l’OIF, la Francophonie échappe au continent africain. Une petite révolution, qui n’est pas sans déplaire à François Hollande et aux oppositions africaines », poursuivait-il, avant de conclure que c’est « un coup dur pour les pays africains, qui faute de consensus, ont perdu la bataille ».

Ainsi, s’auto-fragilisant, l’Afrique a brisé le consensus déjà obtenu autour du candidat du Congo, Henry Lopes, dont la candidature devenait presque naturelle, après s’être fait retoquer en 2002, face à Abdou Diouf.

Est-il possible que l’Afrique tire les leçons de cette douche froide hollandaise, pour corriger le tir, lors des prochaines occasions ? Car, cette culture individualiste n’est pas au bénéfice du développement harmonieux de l’Afrique.

Déjà l’Afrique s’est montrée faible devant l’Union Européenne dans le débat sur la négociation des Accords de partenariat économique (APE). Certains pays ayant fait cavaliers seuls, alors que les discussions avec l’UE avaient commencé entre deux groupes : les pays européens d’un côté et les pays africains, de l’autre.

Après la douche froide hollandaise à l’Afrique, les réactions n’ont pas manqué. Le mauricien, Jean-Claude de l'Estrac, candidat malheureux a trouvé « surprenant que la France ait laissé ce poste échapper à l'Afrique. Et je ne suis pas sûr que cela soit dans son intérêt ».

Pour le ministre congolais des Affaires étrangères, Basile Ikouebé, « Michaëlle Jean est une bonne candidate, qui a les compétences requises. Mais nous déplorons qu'aujourd'hui, on s'oriente vers une Francophonie politique où l'on vient donner des leçons aux Africains sur leur sol, tout en menaçant d’insurrections soutenues de l'extérieur, les États qui ne respecteraient pas les règles constitutionnelles».

Le moins que l’on puisse dire c’est que les réactions suscitées par la méthode Hollande ne sont pas de nature à favoriser davantage de consensus au sein de l’OIF.






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