Accueil
Envoyer à un ami
Imprimer
Grand
Petit
Partager
REPORTAGE

Tchad : Comment survivent les familles avec moins de 1 000 FCFA par jour ?


Alwihda Info | Par Gloria Ronel - 24 Août 2025


Au Tchad, la survie des familles en milieu urbain est un défi quotidien. Les crises économiques, la flambée des prix des denrées alimentaires et les aléas climatiques – sécheresses et inondations – aggravent la situation de nombreuses familles déjà vulnérables. Celles-ci peinent à subvenir à leurs besoins essentiels tels que la nourriture, le logement ou les soins de santé, et adoptent diverses stratégies pour tirer le meilleur parti de leurs maigres ressources. Un combat marqué par la pauvreté, l'incertitude, mais aussi la solidarité.


Un repas au Tchad. Illustration © Barra Lutter/Alwihda Info
Un repas au Tchad. Illustration © Barra Lutter/Alwihda Info
Installés pour la plupart dans les quartiers périphériques et vivant dans des conditions précaires, les pères de famille exercent des métiers informels comme porteurs, clandomans, menuisiers, maçons ou artisans occasionnels. Les femmes, quant à elles, s’activent dans la vente de nourriture, de produits artisanaux ou comme travailleuses domestiques afin de subvenir aux besoins de leurs enfants.

Denenodji Dandé Sylvie, quadragénaire, témoigne avec amertume : « La vie au Tchad est tellement chère qu’on n’arrive pas à manger à notre faim. Certains jours, mes enfants dorment affamés. J’essaie de courir dans tous les sens pour gagner un peu, mais ce n’est pas évident. Même trouver 1 000 FCFA relève du miracle », confie-t-elle, les larmes aux yeux.

Selon la Banque mondiale, en 2023-2024, 36,5 % de la population tchadienne vivait en extrême pauvreté, définie par un seuil de 2,15 $ par jour. Un nombre considérable de Tchadiens vit avec moins de 1 000 FCFA par jour — entre 6 et 7 millions selon le seuil considéré (national ou international). 

Comment une famille de 4 personnes survit avec 1 000 FCFA par jour ?

À partir des prix relevés dans le Bulletin de l’Indice National Harmonisé des Prix à la Consommation (INHPC – juillet 2025) de l'Institut National de la Statistique, des Études Économiques et Démographiques (INSEED), voici une estimation : 400 FCFA : un coro de mil/sorgho (base de la boule ou bouillie) ; 300 FCFA : petite portion de légumes (tomate, gombo, oignon) pour la sauce ; 190 FCFA : 100 g d’huile d’arachide pour la cuisson ; 100 FCFA : eau potable, sel, condiments et un peu de charbon de bois. Résultat : une ration quotidienne très simple (boule + sauce légère), mais sans protéines animales (viande ≈ 1 600 FCFA/kg, poisson ≈ 900 FCFA/kg, donc inaccessibles).

Avec ce budget, les besoins alimentaires minimaux peuvent être couverts, mais sans diversité ni équilibre nutritionnel. Aucun espace n’est laissé pour l’éducation, la santé, le transport ou les urgences. La malnutrition et la précarité deviennent inévitables.

Vivre avec 1 000 FCFA par jour pour une famille de quatre personnes relève davantage de la survie que de la vie. Ce montant couvre à peine une ration alimentaire minimale, sans protéines ni perspectives de développement. Pour sortir de ce cercle vicieux, des réformes structurelles et des filets sociaux solides sont indispensables.

Nodjilar Chantal explique que seuls les réseaux de solidarité lui permettent de tenir : « Il m’a fallu huit ans pour économiser et acheter un demi-lot de terrain, grâce à notre association de tontine. Mais je dois encore patienter des années avant de construire. Souvent, je puise dans mes maigres économies pour des dépenses imprévues. C’est vraiment lamentable », déplore-t-elle.

"Je suis endetté jusqu’au cou"

Face aux difficultés financières, certaines familles privilégient des aliments moins chers et moins nutritifs, réduisent voire suppriment des repas. Dans les cas les plus extrêmes, certaines recourent à la mendicité, et des enfants se retrouvent dans la rue. D’autres contractent des dettes auprès de proches ou de prêteurs informels, ce qui les enfonce davantage.
« Je suis endetté jusqu’au cou. Peut-être qu’un jour, j’irai en prison, qui sait ? », lance, désespéré, Djedanem Pierre, père de six enfants.

Selon Agaziz Baroum, sociologue et président du Centre d’étude et de formation pour le développement et l’action humanitaire, la pauvreté urbaine est aggravée par la criminalité et l’insécurité qui freinent les activités économiques. Les enfants sont particulièrement touchés par la malnutrition et l’abandon scolaire.
« La pauvreté peut contraindre les parents à ne plus honorer leurs engagements envers les écoles. Les enfants quittent alors les classes pour travailler et aider leur famille, ce qui compromet leur avenir », explique-t-il.

Le sociologue plaide pour un investissement massif dans des programmes de protection sociale, d’éducation, de santé et de création d’emplois pour les jeunes et les femmes. Il appelle aussi à soutenir les initiatives locales afin de renforcer la résilience des communautés et de promouvoir une croissance inclusive.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)