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INTERVIEW

"Je n’aime pas que la femme joue trop la victime", Ahmat Yacoub (interview)


Alwihda Info | Par Alwihda Info - 4 Mai 2011


Marié et père de sept enfants dont une fille, Ahmat Mahamat Yacoub Abdelwahit connu sous le nom de Ahmat Yacoub Dabio était le premier à lancer la presse tchadienne sur le Net en septembre 1999.
Titulaire d’un DEA en relation internationale de l'université du Maine, France 2001, après l’obtention d’une maîtrise en traduction de l’université Al-Azhar, le Caire, Égypte en 1986, Ahmat Yacoub Dabio obtient une inscription pour préparer un doctorat à l’université du Maine. Auteur de plusieurs ouvrages dont le plus connu est “Les relations franco-tchadiennes” sans oublier la traduction de trois ouvrages pour le compte du centre des études et de recherches africaines : « l’Afrique est une puissance économique ignorée » de Kamanda Wa Kamada, « Les Enfants de Soweto » de Paul Bernetel, « Les relations entre l’Afrique du Sud et Israël » de Ben Abdallah. De novembre 1987 à octobre 1989, il travaille comme chercheur à l’Université de Sebha-Libye (centre des études et de recherches africaines), avant d’atterrir en France où il se réfugie pendant 17 années. En avril 2009, il rentre au pays et occupe le poste de conseiller chargé de Missions auprès du Médiateur de la République.


"Je n’aime pas que la femme joue trop la victime", Ahmat Yacoub (interview)

1.         MAGAZINE HORIZON FEMMES : Vous êtes le premier tchadien à fonder, à élaborer et à mettre en ligne un journal « AL Wihda », c’est un véritable défi, êtes-vous satisfait aujourd’hui?

Ahmat Yacoub Dabio : D’abord je suis heureux de découvrir votre magazine et je tiens à vous remercier pour m’avoir offert l’opportunité de m’exprimer sur certains sujets que vous jugez utiles. Oui, je suis le tout premier à faire basculer la presse tchadienne dans le monde de l’Internet à travers lequel beaucoup d’étrangers ont découvert le Tchad. C’était en septembre 1999. Nous avons montré à la jeunesse la voie et la voix de la liberté d’expression.


Satisfait ? Non. Puisque douze ans après, je constate que la presse tchadienne trébuche et n’a pas trop évolué.


 


2.         MAGAZINE HORIZON FEMMES : Parlez nous de votre parcours politique du début à nos jours !

Ahmat Yacoub Dabio : En somme, mon parcours politique qui ne se résume pas en quelques lignes a commencé en 1975 quand j’ai quitté le lycée national d’Abéché avec plusieurs amis pour rejoindre le Frolinat ; Après la victoire du Frolinat en 1979, j’ai bénéficié d’une bourse d’études. En 1982, j’obtiens un baccalauréat puis une maîtrise de langues et de traduction en 1986. De 1987 à 1989, je me suis réfugié en Libye où j’ai travaillé comme traducteur et chercheur dans l’Université de Sebha en Libye. J’ai traduit trois livres. En 2002, j’ai obtenu un DEA en France. C’est pour vous dire que pendant tout ce temps et jusqu’en 2009, je n’ai pas manqué de construire ma vie et de mener au même moment une lutte en faveur de la démocratie, de la justice et des droits de l’homme.

 


3.         MHF : Vous avez écrit un livre sur les relations Tchado Française ? Qu’est ce qui vous a poussé d’écrire un tel ouvrage très critique à l’égard de la politique française et quel est l’intérêt?


 


      Ahmat Yacoub : Pendant mon séjour en Europe et particulièrement en France, j’ai voulu comprendre la politique de la France au Tchad. C’est pourquoi je me suis lancé dans des recherches et collecter des informations. A ma grande surprise, on m’a refusé l’accès aux archives qu’on qualifiait de confidentielles. Pour avoir accès, je me suis inscrit à l’université pour préparer un DEA sur le même sujet et grâce à l’intervention de l’université j’ai eu un accès légal. Le sujet dégage ainsi une vision sur les relations et la gestion par les deux pays. L’intérêt de l’ouvrage est double. D’une part, il concerne une période très critique dans l’histoire des deux pays à savoir la période de l’indépendance, un événement historique auquel aspirèrent, en cette époque précise, plusieurs autres pays africains. C’est une période où le Tchad et la France ont cherché à tourner une page pour en ouvrir une autre. Certainement qu’ils ont eu, à cette époque, à mettre en place une autre forme de coopération « arbitrairement improvisée » et c’est à juste titre que j’ai qualifié volontiers l’indépendance de « sevrage ». D’autre part, l’intérêt de ce sujet réside en ce qu’il se réclame un diagnostic de ces relations surtout celles d’après l’indépendance où les deux pays défendirent avec acharnement leurs intérêts respectifs.

 


4.         MHF : Pouvez vous nous citer un passage marquant de cet ouvrage ?


Ahmat Yacoub : Tout le contenu est marquant et je peux citer le premier incident juste après l’indépendance du Tchad. Après son retour au Tchad de la négociation de Paris sur le transfert des compétences qui a débouché aux accords signés, le 12 juillet 1960, François Tombalbaye accuse la France d’accorder une grande importance à Lisette, son adjoint. Et par arrêté N° 1050 du 19 août 1960, il donna au commandant de la gendarmerie tchadienne l’ordre d’arrêter un ministre tchadien mais le commandant « blanc » refuse cet ordre venant d’un indigène. Voilà le premier grave incident entre les deux Etats.


 


5.         MHF : A un moment de votre vie, vous avez menez une lutte pour un certain idéal, quel est cet idéal ? Est-ce que vous avez eu à côtoyer des camarades (femmes) dans la poursuite de ce rêve ?

Ahmat Yacoub : Depuis mon jeune âge je luttais pour la démocratie, la justice et la liberté d’expression. Et dans ma lutte j’ai côtoyé beaucoup de femmes étrangères et tchadiennes. De part ma petite expérience, j’ai compris que la femme est un élément essentiel dans toute activité. 

 


6.         MHF : Quelle appréciation faites-vous de la presse tchadienne ? Et la presse féminine particulièrement ?


Ahmat Yacoub Dabio : Pour être sincère, j’ai pitié de la presse tchadienne en général. Les journalistes tchadiens sont les plus démunis au Monde. Pourtant grâce à leur courage ils font du bon boulot. A maintes reprises, j’ai abordé ce sujet avec les autorités compétentes notamment le HCC plus proche de la presse et qui pourrait plaider sa cause. Je me demande pourquoi ne pas apporter une aide efficace aux journalistes ? Lors des législatives, les missions européennes et africaines ont constaté les difficultés des journalistes tchadiens à couvrir l’événement. Avec l’avènement de la Maison de la presse et de l’Association des Editeurs et d’autres associations du Média et de la presse, la situation de la presse au Tchad va changer vers le mieux dans un avenir proche.


 


7.         MHF : Le statut de la femme tchadienne est assez réducteur au Tchad, que peut-on faire pour inverser la tendance ? Peut-on dire que l’horizon de la femme tchadienne est-il radieux ?

Ahmat Yacoub Dabio : Je suis de ceux qui soutiennent la femme dans sa lutte pour son émancipation mais je suis contre l’exploitation de ce volet par la femme pour écraser l’homme. Je n’aime pas que la femme joue trop la victime. N’oublions pas que c’est la femme qui éduque l’homme, elle est alors capable de lui donner une bonne ou mauvaise éducation. Au Tchad, la femme évolue bien grâce à la politique du président Idriss Deby. Je peux même me permettre de dire que le Tchad est un des premiers pays en Afrique où la femme évolue bien. J’aimerai bien voir la femme occuper le poste de Premier ministre.


 


8.         Que vous inspire ces mots : « genre », « parité » « égalité » ?

Ahmat Yacoub Dabio : Ces mots constituent la pierre angulaire de la stabilité du pays.


 


9.         Y a-t-il des femmes qui ont marqué dans votre vie ? quelle a été cette influence ?


Ahmat Yacoub Dabio : Oui beaucoup et la question est heureusement toujours d’actualité. Car j’ai une admiration pour la femme qui se bat sans baisser les bras. Parmi celles là, c’est aussi ma femme qui m’a soutenu pendant toutes les années dures d’exil avec le haut et le bas. Je dirais même qu’elle a supporté mes caprices et m’a permis de positiver mes énergies négatives.

 


10.      Pour conclure, dites un mot aux jeunes gens (garçon et filles) épris de paix et d’ambition pour leur pays le Tchad.

Ahmat Yacoub Dabio : Je dis à la jeunesse qu’elle a une chance d’avoir un pays pétrolier et stable. Un pays où la liberté d’’expression est autorisée. Je l’appelle à l’entretenir et consolider cette paix chère aux tchadiens qui ont vécu dans un passé récent des périodes difficiles. Ne dit on pas que chaque génération refait son histoire sur les acquisitions de la génération précédente ? Alors la jeunesse doit tout faire pour ne pas se laisser entraîner par des aventuriers.



Entretien réalisé par Amina Rebgos

MAGAZINE HORIZON FEMMES
N’DJAMENA - TCHAD




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