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Tchad : Khalil, 23 ans, tué par des gendarmes, sa famille demande justice, "un droit absolu"


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 17 Mai 2019


Khalil Mahamat, un jeune homme de 23 ans, est décédé dans la nuit de mercredi à N'Djamena après avoir été pris pour cible avec ses amis par des gendarmes en patrouille. Son cousin Dezerty Mahamat Karam qui l'hébergeait à son domicile donne des explications à Alwihda Info sur les circonstances du drame. Il demande que justice soit faite, "un droit absolu" et s'étonne de la brutalité des gendarmes.


Tchad : Khalil, 23 ans, tué par des gendarmes, sa famille demande justice, "un droit absolu".
Tchad : Khalil, 23 ans, tué par des gendarmes, sa famille demande justice, "un droit absolu".
Alwihda Info : Comment est survenu l'incident ayant conduit à la mort de la victime ?

Dezerty Mahamat Karam​ : Pendant le Ramadan, les jeunes sortent discuter au carrefour et reviennent la nuit. Vers 1 heure du matin, ils étaient cinq à bord de deux motos. Le défunt était sur la moto qui transportait trois personnes. Il était assis derrière. La moto est neuve, elle n'a pas encore de plaque (d'immatriculation, ndlr). En roulant, ils ont croisé des gendarmes armés qui sont sortis en patrouille en motos aussi. Les gendarmes les ont vus sur une moto qui n'a pas de plaque, ils les ont directement pourchassés. Eux aussi, ils se sont enfuis et les gendarmes ont tiré sur eux. Une première balle a touché le petit par derrière. Il a dit au conducteur : "Ils m'ont touché, ils m'ont touché". Le conducteur de la moto continuait d'accélérer. Une deuxième balle a été tiré et a touché la roue avant de la moto. Ils sont tombés. L'autre moto qui était devant avec les deux autres personnes a freiné et est revenue en arrière. Les gendarmes les ont rattrapés. Quand ils ont vu que l'un des jeunes est touché par balle, ils ont paniqué et ont fui. Les deux jeunes qui étaient sur l'une des motos ont poursuivis les gendarmes. Les gens du quartier sont aussi sortis.

Les gendarmes ont été pourchassés, ils voulaient fuir et essayaient de se cacher. Ils ont tiré trois balles en l'air pour effrayer les jeunes qui les poursuivaient et les faire partir, en vain. Ils ont été pourchassés jusqu'au sous-poste du 8ème arrondissement, à Angabo.

Arrivés sur place, les gendarmes se sont précipités à l'intérieur. Le chef de poste s'est levé et leur a demandé : "Qu'est-ce qu'il y a ?". Ils ont expliqué avoir tué quelqu'un et ont échangé avec le chef de poste qui a demandé des explications sur l'incident. Il a dit que dans ce cas, "on part sur place le voir". Le chef de poste a pris un autre de ses éléments et s'est rendu sur place, accompagné des quatre gendarmes. Ils sont arrivés et ont trouvé le petit au sol.

A peine arrivé, le chef de poste a voulu expliquer que ce n'est pas une balle qui a touché la victime. Si c'est pas une balle, c'est quoi ? Il persiste, ce n'est pas une balle. Au même moment, des policiers du 10ème qui ont entendu les coups de feu se sont dépêchés sur les lieux. Ils ont trouvé le jeune au sol et ont demandé des explications. 

Le chef du sous-poste de gendarmerie a demandé à ce que le jeune soit transporté à l'hôpital. Les policiers ont refusé. "Nous sommes des policiers, on ne peut pas masquer un incident. Vous avez tiré sur lui, vous devez résoudre cette affaire. Nous on ne l'emmène pas", ont expliqué les policiers. Les deux parties ont fait un peu de bruit puis les policiers ont laissé, ils sont partis. Peu après leur départ, les petits m'ont appelé pour m'expliquer qu'ils rentraient du carrefour et qu'on leur a tiré dessus. "Viens nous voir à cet endroit". Le chef de poste a appelé son commandant de brigade adjoint avec qui, il a parlé. Pendant que je m'apprêtais à sortir de la maison et à rejoindre les lieux de l'incident, ils ont pris la voiture du maire du 8ème arrondissement et ont transporté le petit à l'hôpital. Ils m'ont dit de les rejoindre à l'hôpital Chinois ("hôpital de l'amitié Tchado-chinoise" dans le 8ème arrondissement de N'Djamena, ndlr). Quand je suis arrivé, j'ai trouvé le petit blessé, celui qui conduisait l'une des motos.

Donc deux jeunes ont été touchés par balle ?

Non, un seul a été touché par balle. Un autre a été blessé au genou pendant la chute. Le jeune touché par balle était vraiment souffrant, il agonisait. 

J'ai ensuite échangé avec le chef de poste qui m'a expliqué le déroulé de l'incident. Lorsque le commandant de brigade adjoint est arrivé, il a dit aux jeunes que ce n'est pas une balle qui a touché la victime. Les jeunes ont répondu : "Comment est-ce possible que ce ne soit pas une balle ?" Même les gens du quartier ont témoigné que cinq coups de feu ont été tirés lors de l'incident.

Le ton est monté un peu avec le commandant de brigade adjoint. Il est arrivé à l'hôpital avec plus de dix de ses éléments. Il a embarqué les autres jeunes. Au moment où l'on partait, l'un des éléments du commandant de brigade qui a surement étudié le droit, a expliqué au commandant de brigade que ça ne devrait pas se passer comme ça : "Ces jeunes, on leur a tiré dessus. Encore on les prend et on les emmène chez ceux qui leur ont tiré dessus ? Il y aura un autre dégât. Comme tu est le commandant de brigade, laisse leur ton numéro de téléphone et de plaque d'immatriculation. Arrête les quatre gendarme et on verra l'affaire demain". Le commandant de brigade a demandé à son élément de retourner voir la victime pour lui trouver une solution. Puis ils sont partis. On a tout fait à l'hôpital pour le maintenir en vie.

Il est mort à l'hôpital ?

Il est mort à l'hôpital.

Est-ce que les gendarmes ont été arrêtés ?

Ils ont été arrêtés.

Les gendarmes sont cinq ?

Ils sont quatre à bord de deux motos. J'ai appelé le commandant de brigade la nuit, avant la mort du jeune homme, il m'a confirmé l'arrestation des quatre gendarmes. Je lui ai dit qu'il est leur supérieur et qu'il est responsable car ce n'est pas normal que des gendarmes sortent armés en moto, sans voiture de service, et qu'ils pourchassent des gens. J'ai fermé le téléphone.

Les services hospitaliers ont pu extraire la balle du corps de la victime ?

Non, la balle est dans le corps. Ils ont directement fait une radio.

Les médecins ont confirmé qu'une balle se trouvait dans le corps dans la victime ?

Oui, c'est une balle de Famas.

Une balle de Famas, mais sur quel côté du corps ?

La balle s'est logée dans les omoplates. La victime a été touché par derrière. Lorsque les médecins l'ont vu, ils ont dit qu'il ne va pas survivre. "On est entrain de faire le nécessaire", nous disaient-ils mais il savaient qu'ils ne survivrait pas. Ils ont fait une radio et ont dit qu'il y a un corps étranger. J'ai bien suivie l'interprétation de la radio par les médecins. Vers cinq heures du matin, peu après la prière, il s'est éteint.

Le secrétaire général de l'hôpital a appelé le commandant de brigade et le procureur. Le procureur est venu et a fait le constat. Le commandant de brigade et les gendarmes ont menti au procureur en disant qu'il y a eu un échange de tirs. Regarde moi ces gens. On a pris le corps et l'affaire est maintenant entre les mains du procureur.

Quel procureur est venu ? Youssouf Tom ou Mahamat Saleh Breme ?

Il s'agit du 4ème substitut du procureur je pense, il est de petite taille. Je ne connais pas son nom.

Que réclamez-vous ?

On veut la justice, c'est un droit absolu. Comment se fait-il que des auxiliaires de justice, paramilitaires tirent sur des civils et font des dégâts comme ça ? Ils sortent la nuit en moto, on ne sait même pas si ce sont des malfrats, ils tirent avec des armes à feu et pourchassent les gens.

Quel âge a la victime ? C'est un étudiant ?

Ce n'est pas un étudiant. Il travaillait dans un atelier à Amsinene, il aidait dans la couture. Il a 21 ou 23 ans, quelque chose comme ça.

C'est votre petit frère direct ?

Non, ce n'est pas mon petit frère direct. C'est mon cousin et il est avec moi à la maison.

Il s'appelle comment ?

Il s'appelle Khalil Mahamat. 

Propos recueillis par Djimet Wiche.

La victime Khalil Ibrahim.
La victime Khalil Ibrahim.



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