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INTERVIEW

Tchad : Succès Masra poussé dans ses retranchements ? "C'est un mauvais choix"


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 3 Mars 2020


Interdiction de meeting, politique, élections, Sultanat du Ouaddaï, société, développement, entrepreneuriat, affrontement à l'extrême Nord, violences contre les femmes, le président des Transformateurs s'explique dans un long entretien accordé à Alwihda Info.


Tchad : Succès Masra poussé dans ses retranchements ? "C'est un mauvais choix"
Monsieur Succès Masra, samedi dernier, Les Transformateurs ont à nouveau été empêchés de tenir leur meeting à la cité de Gassi. C'est une situation assez inédite. La Police semble en avoir été informée. Vous a-t-elle formellement notifiée un refus ? Doit-on déduire que les Transformateurs sont implicitement privés de meeting ou d'attroupements publics pour X raisons ?

Alors, je crois que les Tchadiens ont appris par votre voie d'ailleurs, par la voix de votre média, la dernière fois, lorsqu'il était question de l'interdiction du meeting que nous avions prévu le 25 janvier 2020, au motif, semble-t-il, que nous n'avions pas demandé à ce que la police vienne assurer la protection. C'était ça le mobile de toute façon. Donc nous replié par responsabilité. Et nous avons écrit en disant évidemment au ministre de l'Administration du territoire que c'est une rencontre dans un local privé qui nous appartient.
 
Voyez-vous, c'est comme si vous organisez une réunion chez vous et vous accueillez vos amis pour réfléchir, pour discuter et on vous interdit l'accès de votre maison. Ni la loi 32 sur les partis politiques, ni une autre loi ne fait obligation de déclaration des réunions privées dans un local qui nous appartient. La loi, dans son article 23, demande plutôt une déclaration préalable quatre jours avant lorsqu'il s'agit des meetings publics, des marches de manifestations publiques, etc. Là, en l'occurrence, il s'agissait d'une réunion dans un local qui appartient aux transformateurs, la Cité des transformateurs de Gassi, c'est une cité qui nous appartient.
 
Malgré cela, nous avons adressé la correspondance pour dire nous n'avons aucune objection à ce que les forces de sécurité nous viennent en appui parce que nous devions être quelques milliers de tchadiens, donc c'est toujours une bonne chose d'avoir un coup de main de la police nationale. De toute façon, ils sont payés par l'argent de tous les contribuables tchadiens, donc veiller à notre sécurité est une bonne chose. Nous avons écrit au ministre le 24 février pour les informer de la rencontre du 29 février.
 
Et puis finalement, le jour J, nous arrivons et on interdit l'accès à nos locaux. Sans compter que la dernière fois, ils avaient déjà pris les équipements qui nous appartiennent, sans notre avis, en violant notre domicile. Parce que quand quelqu'un vient rentrer chez vous sans une autorisation écrite, sans une décision administrative, c'est une violation de domicile. Et quand quelqu'un emporte des choses qui vous appartiennent, sans votre avis, ça s'appelle du vol.
 
Nous n'avons pas pensé que notre police nationale soit truffée de voleurs et donc par responsabilité, nous avons simplement demandé dans une correspondance au ministre l'Administration du territoire de nous remettre nos équipements. Ni l'un ni l'autre. Donc, ceci est révélateur de quoi ? Ça s'appelle en droit l'arbitraire, lorsqu'il n'y a aucune règle de droit. Aucun texte de la République ne vous interdit une réunion privée, sauf à dire que toutes les rencontres privées dans ce pays organisées par les partis politiques, etc, doivent faire l'objet d'une déclaration et d'une demande de permission.

Vous voyez, ça veut dire quoi ? Les symptômes de la dictature sont là. Les symptômes de ce que nous avons appelé la même vieille chaussure de la dictature sur laquelle on a mis le cirage de la démocratie sont là. Et l'arbitraire et l'injustice, c'est quelque chose que nous ne supportons pas. C'est pour cela que nous n'accepterons pas. C'est l'occasion aussi d'alerter l'ensemble des partenaires de notre pays qui voient ce qui se passe, qui, pour certains, sont en train de se préparer à prendre une partie des ressources de leurs contribuables pour injecter dans le processus démocratique, dans un processus électoral à venir, etc.

Mais, ça ce serait simplement financer de la dictature pure et dure. Parce que si le droit de se regrouper, le droit de réfléchir ensemble, de faire des propositions ensemble, même dans un endroit privé, est interdit, alors qu'est-ce qu'on fera pour les meetings publics ? Qu'est-ce qu'on fera pour les marches ? Etc. Et donc tout cet arbitraire là qui est organisé au sommet de l'État, il est temps que cela cesse, et nous allons continuer à insister pour que cela puisse changer.
 
Ces policiers aussi doivent le savoir, nous ne sommes pas leurs ennemis, nous ne sommes pas leurs adversaires. Je peux vous faire une confidence, c'est que parmi ces policiers même, il y en a quelques nombres qui ne sont même pas d'accord avec cela. Ils exécutent des ordres, mais ils savent que tout cela est injuste et l'injustice va conduire à l'injustice et c'est ce que nous ne voulons pas pour l'avenir de notre pays.
 
Vous savez, certains tchadiens se disent : il y a plus d'une centaine de partis politiques au Tchad mais Les Transformateurs ont rencontré des obstacles pour leur légalisation. Et ils ajoutent ceci : Pourquoi Succès Masra n'a pas d'abord créé son parti avant de se dévoiler au grand jour au public pour éviter les désagréments ?

Quelques tchadiens peuvent se poser cette question, mais la plupart des tchadiens, voyez-vous la question qui se pose, c'est pourquoi les transformateurs et pas les autres ? Plus de 200 partis politiques et ils ont la réponse. C'est parce que nous ne sommes pas un parti commercial. Nous ne sommes pas un parti qui dit une chose le matin et le soir, dit une autre chose. Nous ne sommes pas un parti qui veut jouer en quatrième division avec la Quatrième République. Nous sommes un parti de première division et un parti de gouvernement, un parti sérieux, un parti avec un gouvernement prêt demain matin, pour faire quoi ? Pour transformer la vie des tchadiens. C'est une différence fondamentale.

La question que nous, nous sommes posés en lançant Les Transformateurs, ce n'est pas la question d'un parti de plus, c'est un parti avec un plus et donc la question la plus importante c'était déjà l'engagement. C'était déjà l'engagement, c'est à dire se regrouper et de s'appeler Les Transformateurs pour transformer la vie des tchadiens. La forme juridique, les cadres, etc, ce n'est qu'une sorte de canevas à travers lequel on va servir. Mais nous avons au mieux respecter toutes les lois et les tchadiens savent.
 
Lorsque Les Transformateurs naissaient, c'est dans la foulée que la question de l'augmentation de l'âge à la présidentielle est née. Lorsque Les Transformateurs naissaient, c'est dans la foulée que la question de changement de la durée pour devenir un parti (...) Savez-vous qu'avant c'était 45 jours, on a fait passer ça à six mois. Pourquoi ? Semble-t-il pour interdire aux Transformateurs d'avoir des députés à l'Assemblée, etc. Et puis, finalement, les élections n'ont pas eu lieu. Lorsque nous avons tout respecter, on a voulu nous freiner. À cause de quoi ? A cause de trois conseillers dans le parti qui ont moins de 30 ans. Voilà un pays dans lequel on peut être général à 26 ans, on peut être directeur de cabinet adjoint du Président de la République à vingt et quelques années, on peut aller mourir au Mali à 18 ans, 19 ans pour le pays, on peut diriger les régies financières importantes à vingt et quelques années. Un pays dans lequel à la trentaine, on peut être Président de la République. Souvenez-vous, l'actuel président, il avait la trentaine et on interdit aux jeunes autour de vingt et quelques années de faire partie d'un parti politique. Mais malgré cela, qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons répondu à cela en corrigeant cela, en faisant quoi ? En leur montrant, voici ceux qui sont les dirigeants et ils ont tous 30 ans. Vous avez le courrier, la correspondance elle est là, vous avez tous les éléments.
 
Donc, malgré cela, malgré que tout cela a été reconnu, que ça a été publié au Journal officiel de la République, par l'arbitraire, on veut cantonner Les Transformateurs à un rôle de parti illégal. Donc, oui, les compatriotes savent que nous sommes totalement légaux et même la plupart des partis politiques sérieux nous reconnaissent cela, etc. Tout le monde le reconnaît, donc ils perpètrent une sorte un peu de mensonges répétés par les gens autour du pouvoir pour faire passer Les Transformateurs pour un parti qui serait illégal. Tout ça est faux. Et c'est en cela que ça montre bien que l'arbitraire et l'injustice, c'est la marque de fabrique de ce gouvernement, de ceux qui sont encore à la tête de notre pays. J'espère pour très peu de temps. Donc oui, nous allons continuer à avancer. Le problème, ce n'est pas un problème de légalité, c'est un problème politique. L'attaque des Transformateurs, c'est une question politique, des choix politiques, des violences politiques, je dois même dire. Et c'est pour cela que face à la violence politique, face à l'arbitraire, nous allons continuer à résister et avancer. Et croyez-moi, nous allons y arriver.

Le 3 mai 2016, lors de la proclamation définitive des résultats de l'élection présidentielle par le Conseil constitutionnel, le chef de l'État Idriss Déby a prononcé une phrase un peu passé inaperçue. Il a dit ceci : « Il faut que les partis aient une dimension nationale. Nous, nous avons une dimension nationale ». Une double question à ce sujet : Est-ce la clé de l'alternance ? Comment Les Transformateurs ancrent progressivement leur dimension nationale ? 
 
Je vais répondre par l'essentiel qui est la fin de votre question. Les citations de celui qui est à la tête de notre pays n'ont pas de valeur. Je vais vous dire pourquoi, mais l'essentiel de votre question, c'est est-ce que nous avons une dimension nationale ? Oui, nous sommes dans les 23 provinces du Tchad. Vous savez pourquoi on ne veut même pas que nous, nous réunissions, parce qu'ils connaissent que nous sommes nombreux. Nous sommes le seul parti opérationnel très actifs dans ce pays, en dehors de ceux qui utilisent les moyens de l'État. Ceux-là, ils n'ont pas de militants, ils ont des clients, des clients ponctuels qui viennent à l'occasion des rencontres, des déplacements, etc. Pour avoir quelques miettes. Mais ils n'ont pas des militants. Nous, nous avons une application disponible. Vous pouvez regarder partout où nous sommes, où nous trouver. Nous sommes dans les 23 provinces de notre pays. Nous sommes dans les 74 quartiers de N'Djamena, dans les dix arrondissements, etc. Il y a des dizaines de milliers de gens qui nous rejoignent, mais mieux, des millions de tchadiens aujourd'hui qui nous suivent et qui croient dans la vision que nous portons. Parce qu'ils savent que nous sommes engagés en politique, non pas pour nos intérêts, non pas pour nos poches, non pas pour un mandat, non pas pour un titre. Nous sommes engagés en politique pour transformer leur vie, ça au moins, ils en sont convaincus. Et votre modeste serviteur ici, devant vous là, mon histoire, les tchadiens savent que je m'engage en politique, ce n'est pas pour acheter mon premier pantalon ou djalabiya, ou chemise avec l'argent du pays.
 
C'est pour que la justice redevient la règle. Que la dignité de chaque tchadien soit respectée. Ça, ils le savent. Ils en sont convaincus. Donc l'ancrage national, il n'y a même pas de débat là-dessus. Parce que nous avons capté l'espérance de tout un peuple qui veut quoi ? Qui veut le changement. Demandez aux tchadiens, lequel d'entre eux ne veut pas de la transformation de ce pays ? Qui ne veut pas de la transformation ? C'est ça la question la plus importante. Le reste, sur les questions, les citations ici et là qui sortent de la bouche de celui qui est à la tête de notre pays aujourd'hui, il a perdu sa dignité parce que sa parole n'a plus de valeur. Quand un chef de l'État, démocrate dit-il, vous dit que le poste de Premier ministre ne sert à rien, que les postes de députés ne servent à rien, devant les gouverneurs à Abéché, vous l'avez couvert. Devant les gouverneurs à Abéché, il a dit, un chef, ça ne partage pas son pouvoir.
 
C'est parce que les gouverneurs partagent le pouvoir qu'ils sont faibles mais un chef ne partage pas son pouvoir. Dans une interview de vos confrères de Jeune Afrique, qu'est-ce qu'il disait ? Le poste de Premier ministre ne sert à rien dans un pays comme le nôtre, le Tchad. Le poste de Premier ministre qui a été créé à l'époque pour recoller les morceaux d'un Tchad divisé, aujourd'hui, Déby dit que le poste de Premier ministre ne sert à rien.
 
Il supprime le poste et dit que l'Assemblée nationale ne sert à rien. La preuve, il n'a jamais organisé dans les délais une élection législative. Il n'a qu’organisé des élections présidentielles, qui, tout le monde sait, ont été truquées. Ce n'est pas l'ancrage national du parti au pouvoir. Ce n'est pas l'ancrage national qui leur a permis une quelconque élection. Si on va dans la loyauté, dans la transparence, aux élections crédibles et sérieuses, je peux vous garantir, ils ne peuvent même pas peser devant Les Transformateurs parce que nous avons capté, nous, l'espérance d'un peuple à qui nous demandons de se mettre debout pour prendre ses responsabilités pour son pays.
 
C'est par la terreur, par le trucage, par les vols et pire encore, il y a quelque chose sur laquelle je voudrais alerter les tchadiens. Le président actuel est dans une stratégie de division de notre pays qui est clair. Il l'a mis dans la Constitution ; suppression du poste de Premier ministre, inclusion de ce qu'on appelle le serment confessionnel. Et aujourd'hui, dans le découpage électoral. Voyez-vous, je vous donne un exemple : N'Djamena à 9,6% de la population. N'Djamena va avoir 14 députés. Le Borkou, l'Ennedi Est, Ouest, le Tibesti, le Wadi Fira, 7% de la population, vont avoir 27 députés.

Le Kanem, un député pour 140 000 personnes. Le Tibesti, un député pour 7 000 personnes. Le Logone oriental, 7% de la population va avoir 10 députés et les cinq provinces que je viens de citer vont avoir presque 30 députés. Donc, de façon arbitraire, le président actuel a changé même le poids électoral de chaque province. Vous voyez la catastrophe, c'est à dire que même si vous allez dans la loyauté aux élections, vous aurez même bien gagné ces élections, on veut privilégier certaines provinces qu'on considère comme son fief, mais encore que là-bas, je ne suis même pas sûr qu'il puisse gagner. Ce qu'il fait, c'est pour bourrer les urnes, c'est pour s'assurer un minimum de députés, même en cas de vote loyal.

Donc, il ne croit même pas à l'installation des partis à l'échelle nationale. Tout ça, c'est pour amuser la galerie et donc c'est pour cela que nous exigeons que pour l'alternance dans ce pays, il faut que les règles du jeu démocratique soient normales, soient justes, si ce n'est pas juste, si c'est fabriqué comme ça, comme je viens de vous le dire, on va se retrouver dans une situation où clairement, la démocratie sera biaisée. C'est pour ça que nous exigeons un dialogue en amont, pour changer toutes ces choses-là. Nous avons abondamment parlé de cela. Nous avons fait cette proposition dans les 20 propositions pour un nouveau départ pour le Tchad. J'invite l'ensemble de vos auditeurs, de vos lecteurs à lire, à suivre et regarder. Nous avons présenté à la nation et nous avons envoyé aussi y compris au gouvernement.

Vos candidats aux prochaines échéances législatives, sont-ils prêts à battre campagne ?
 
Nous sommes prêts en tant que parti politique. Nous sommes prêts. Nous étions prêts depuis longtemps. Mais la question importante ce n’est pas si nos candidats sont prêts. La question importante que les tchadiens doivent se poser, à quoi serviront ces élections ? Je suis là pour dire à nos compatriotes, nous autres, notre engagement en politique ce n’est pas pour devenir un député qui, chaque trois mois, va avoir une minute de prise de parole dans une télévision qui est prise à 80% par une Fondation qui appartient à la femme du président de la République.
 
Ce n'est pas ça qui va changer la vie des tchadiens. On ne veut pas devenir des députés pour avoir des Rav4 de plus. Si demain nous devions présenter des candidats à des élections, nous voulons aller à ce qu'on appelle, non pas seulement des élections transparentes, crédibles, inclusives, mais utiles. Il faut que les tchadiens le sachent, dans les conditions actuelles, on va aux élections, c'est des élections qui seront simplement inutiles.
 
Je donne trois raisons pour que les tchadiens comprennent. La Constitution a mis tout le pouvoir entre les mains d'un homme. Ça veut dire quoi sur le plan législatif ? Le président de la République peut légiférer par ordonnances sur tout, tout le temps et pendant tout le mandat. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Constitution qui lui donne ce pouvoir. C'est à dire que s'il décide de consulter l'Assemblée nationale, c'est par courtoisie républicaine. Demain, si on va aux élections et que nous gagnions les élections, par exemple, ce qui va se passer, c'est que le président a deux choix. Il peut utiliser l'article 96 de la Constitution pour dissoudre l'Assemblée nationale pour n'importe quelle raison ou il peut ignorer l'Assemblée nationale. A quoi ça sert d'avoir des députés qui ne pourront même pas changer les politiques publiques parce que les députés ne peuvent même pas interpeller le président de la République. Le président peut dissoudre l'Assemblée mais les députés ne peuvent pas l'interpeller, parce qu'il est président est en même temps chef du gouvernement et ils ne peuvent pas interpeller le gouvernement. Et si les ministres viennent répondre aux questions des députés, c'est simplement par courtoisie républicaine.
 
Troisième point qui est pire. C'est lui qui doit trancher en matière électorale. S'il y a un litige avant les élections ou après les élections ou dans les candidatures, celui qui doit trancher, c'est le président de la Cour suprême. Le président de la Cour suprême rend compte à qui ? Il rend compte au président de la République qui sera donc juge et partie parce que le président de la Cour suprême n'est que deuxième vice-président du Conseil supérieur de la magistrature suprême. La Chambre constitutionnelle de la Cour suprême dépend du président de la Cour suprême, et qui lui-même rend compte au Président de la République. Vous n'avez pas d'indépendance du pouvoir judiciaire. Et puis, vous ajoutez à cela tout ce que je viens de vous dire par rapport au manque de pouvoir réel des députés. Et ensuite, on va avoir des élections tout en ayant des compatriotes qui vont rester, j'allais dire, dans les brousses, croyant encore à la force de la rébellion, comme moyen d'accession au pouvoir.
 
Donc, pour éviter tout ça, il faut que nous dialoguions en amont. Nous avons proposé de coupler les élections législatives avec des élections présidentielles. Et du coup, de prendre trois mois pour dialoguer, trois mois ce n’est pas beaucoup et ça ne freinera rien puisque le dialogue de la Quatrième République a été organisé en 45 jours. Vous, vous souvenez ? De mi-mars à fin avril, nouvelle Constitution y compris. Nous proposons la même chose mais avec un dialogue plus élargi, plus inclusif, où l'ensemble des tchadiens se réunissent, définissent les conditions pour un avenir meilleur, créent les conditions pour une véritable démocratie, une véritable transparence.
 
C'est cela qui va permettre que nous, nous projetions vers l'avenir et que nous ayons à la fois l'alternance, le pardon national, la capacité à nous projeter vers l'avenir avec de nouvelles institutions. Voilà ce que Les Transformateurs proposent.

A Abéché, la tension ne faiblit pas après des tentatives de déguerpissement de la famille Royale Ourada de domiciles privés pour qu'ils soient cédés au nouveau sultan. Pour l'avocat Alain Kagonbé, "il faut arrêter de gérer le Tchad comme une bergerie (...) Cessons d'humilier les gens au risque de créer des frustrations". Rejoignez-vous son avis ?

Vous savez, nous avons à la tête de notre pays un président qui n'est pas satisfait par son poste de président et qui a lui-même dû se décréter Sultan. Moi, président de la République, je prends un décret pour me nommer sultan de telle province. Ça vous donne une idée sur ce qui se passe au sommet de l'État. La gestion de notre pays est une gestion (...) ce n'est même pas comme une épicerie, c'est géré comme un butin de guerre.
 
Je l'avais dit, ça titillait beaucoup de gens, mais je réinsiste là-dessus. Notre pays est géré comme un butin de guerre, comme le produit d'une chasse que vous avez organisé, vous répartissez entre vos amis, entre votre famille et vous faites ce que bon vous semble. Ce qui m'attriste dans la gestion de ce qui se passe dans le sultanat du Ouaddaï, c'est que ce Sultanat là, c'est un patrimoine de notre pays. C'est un patrimoine de notre pays qui a existé avant même l'arrivée des colons, qui était là, que nous autres avons appris dans l'histoire, que tous les tchadiens ont appris. C'est quelque chose que nous devons progressivement préserver pour être quelque chose qui doit appartenir à tous les tchadiens d'une certaine manière. On ne doit pas l'instrumentaliser au service d'un régime, d'un clan, d'une partie. C'est en cela que c'est dommage. Nous ne sommes jamais arrivés à cette situation, depuis l'existence de ce sultanat jusqu'à aujourd'hui.

La question du Sultanat du Ouaddaï est une question qui mérite d'être réglée avec sagesse, sans faire l'immixtion de la politique-politicienne. Ces bavures que les tchadiens observent, c'est révélateur du manque de dialogue dans notre pays.

En parlant d'humiliation et de frustration, au Tchad, on a un très grand problème que d'ailleurs l'avocat Maître Alain Kagonbé ne cesse de répéter tout haut ces derniers temps. Il s'agit de l'humiliation. On a tendance à facilement humilier les gens. L'avocat a par exemple formulé la même critique dans l'affaire de son client Kalzeube Payimi Deubet ou plus récemment pour l'affaire Ourada. On humilie l'humain et on crée de la frustration. Comment changer vraiment nos mentalités ?
 
Quels sont ceux qui acceptent de faire ça ? Qui acceptent que cela se fasse ? Je demande à ces tchadiens de ne plus accepter et je demande aux tchadiens de se mettre debout pour qu'on change ceux qui humilient les autres, qui ont fait de l'humiliation la marque de fabrique dans leur gouvernance. Mais il y a une humiliation plus profonde. C'est l'humiliation de tout le peuple tchadien. Un peuple sans dignité est-il un peuple qui n'est pas humilié ? Bien sûr que c'est un peuple humilié.
 
Lorsque vous n'avez pas un emploi décent, vous n'avez pas de l'eau potable pour étancher votre soif, lorsque vous n'avez pas d'électricité pour vous illuminer, vous n'avez pas de voie d'accès pour organiser vos activités, lorsque vous n'avez pas un emploi décent pour nourrir votre physique, lorsque vous n'avez pas un toit décent pour dormir, etc. Est-ce que ce n'est pas de l’humiliation ? Évidemment que c'est de l'humiliation. Lorsque vous êtes dernier au monde sur le plan de développement, de compétitivité. Est-ce que ce n'est pas de l'humiliation ? Oui, c'est de l'humiliation. La plus grande humiliation, c'est l'humiliation de tout un peuple. Et c'est à ce peuple là que je m'adresse pour lui demander de se mettre debout pour arrêter le cycle de l'humiliation. Et l'humiliation, ça commence par un endroit et ça arrive ailleurs.

Je veux dire aussi aux tchadiens de ne pas attendre d'être humiliés directement sur un aspect donné, de ne pas vivre une injustice d'abord directement et qui les concernent avant de se sentir concerné par l'injustice que subit l'autre. Parce que, comme on dit souvent, lorsqu'on fait du mal à ton voisin, il faut penser que ton tour arrive bientôt. Que ceux qui revendiquent la justice pour le sultanat du Ouaddaï pensent aussi à ceux qui revendiquent la justice pour ce qui a été fabriqué comme Sultanat à Sarh et inversement. Et c'est cela aussi qui doit devenir un réflexe lorsque votre voisin est en train d'être humilié, pensez que la prochain c'est vous.

Nous avons aussi beaucoup de gens au sommet de l'État qui n'ont pas de dignité. Il faut le dire aussi simplement que cela, qui peuvent être humiliés, remis sur scelle, humiliés, remis sur scelle. Ça ne leur fait absolument rien parce que ces gens ont perdu toute la dignité humaine. Et donc, il est venu aussi le temps d'élever la dignité humaine au-dessus de tout. Et nous faisons une boutade en disant aux tchadiens que nous avons choisi de mettre dans le logo des transformateurs un homme, une femme et un enfant. Il n'y a ni épis de maïs, ni têtes de bœufs, ni armes brûlées, ni feux, etc. Parce que nous avons choisi de mettre l'humain au cœur du projet de société. Lorsque vous mettez l'humain au cœur du projet de société, alors vous défendez avant tout l'humanité et l'humain. Pour préserver l'humain, c'est la dignité.

Le chef de l'État a bouclé une tournée à l'intérieur du Tchad où d'importants projets ont été amorcés ou inaugurés. A Bongor (Le Pont avec Yagoua), à Laï (Le Programme d'appui au développement local et à la finance inclusive) et à Moundou (l'abattoir). Peut-on dire que l'espoir renait pour ces zones et pour la population ?

C'est ce que j'appelle les poses des pierres du mensonge. Ce sont des poses des pierres du mensonge, tout ça pour amuser la galerie. Les promesses qui ont été faites pendant la campagne présidentielle, chemins de fer, etc. Vous les avez vus ? C'est où ? Nous sommes à quelques mois de la fin, c'est où ? Nous avons un système qui a institutionnalisé le mensonge au sommet de l'État.

La parole présidentielle n'a aucune valeur dans ce pays. Voilà le problème de notre pays. Quand un président de la République, sa parole n'a pas de valeur, quand il peut promettre une chose et il n'y arrive pas, et il veut quand même continuer à rester, vous voyez bien que nous avons un problème. C'est le même qui est allé promettre des choses aux tchadiens ici et là. C'est le même qui a dit que la kermesse du désordre est terminée. Combien de fois a-t-il dit ? Plus de quarante fois. La fin de la corruption, la fin des gens qui ont le milliard dans leurs comptes, etc. C'est ce même Monsieur qui est à la tête de ce pays pendant 30 ans, c'est lui qui a nommé les gens. C'est le même qui a dit que contre la corruption il a tout essayé.

Oui, il a tout semble-t-il essayé. C'est lui qui nomme les gens. C'est lui qu'il crée les institutions, qui crée les ministères chargés de cette question. Mais c'est lui aussi, tous ceux qui ont les casiers judiciaires entachés de détournements et des pillages, c'est eux qui sont au sommet de l'État. C'est eux qui sont ses conseillers.

C'est pour ça qu'il veut nous interdire nous autres de révéler ces choses à notre peuple. Donc, il veut nous cantonner par l'arbitraire mais jamais ça ne s'arrêtera.

Je voudrais aussi profiter de votre micro, de votre plume pour exprimer cela directement à nos compatriotes qui, je sais, sont nombreux à me suivre à travers votre site.

Nous revenons d'ailleurs de la province de la Tandjilé où nous avons couvert pour Alwihda Info le lancement par le chef de l'État du PADLFIT (Programme d'appui au développement local et à la finance inclusive). Le programme est ambitieux. Nous avons aussi rencontré le maire de la ville de Laï avec des confrères. Il nous a évoqué l'extrême enclavement malgré un potentiel agricole énorme pour le pays. Comment peut-on nous rattraper de la mauvaise gestion des ressources du pétrole pour vraiment désenclaver ce vaste territoire qu'est le Tchad ?

Le président de ce pays qui est là depuis trente ans semble découvrir aujourd'hui que Laï a un potentiel énorme et que Laï est enclavé. C'est curieux non ? C'est curieux quand même, il ne vient pas de prendre le pouvoir. Ça fait 30 ans. Mais ce qui se passe à Laï c'est valable pour le Kanem où il n'y a pas d'eau. C'est valable pour le BET. Regardez, vous avez quelle infrastructure de ce côté-là ? Absolument rien. Et pourtant le potentiel, le potentiel dans ce pays, le Tchad est un potentiel. Tout le Tchad est un potentiel. Nous sommes deniers, non pas parce qu'il n'y a pas de potentiel. Il n'y a pas que le potentiel à Laï. Il n'y a pas que le potentiel à Abéché. Il n'y a pas que le potentiel à Moundou. Il n'y a pas que le potentiel dans le BET. Il y a le potentiel partout. Le tourisme dans le BET, qu'est-ce que nous en faisons ? L'ail, les oignons, les tomates d'Abéché, qu'est-ce que nous en faisons ? (...)

C'est juste pour faire de la diversion et donc c'est ça le drame de notre pays. Il n’y a pas une seule solution dans ces situations-là, c'est de changer de leadership, la manière de gouverner. Pour changer de manière de gouverner, ce n'est pas la même vieille marmite où il y a 30 ans on a cuisiné la même chose qui va changer le cours des choses. C'est pour ça que nous proposons aux tchadiens ensemble de prendre un autre chemin parce qu'un autre chemin est possible.

Quelles mesures proposez-vous pour soutenir plus efficacement la création et la croissance des jeunes entreprises ? La législation actuelle n'est pas favorable aux jeunes entrepreneurs.

Le problème de l'entrepreneuriat du Tchad n'est pas un problème de législation uniquement c'est d'abord un problème de l'environnement et puis un problème de vision politique. Le rôle du secteur privé dans un pays, c'est le moteur de la croissance, de la création de la richesse. Nous voulons faire du Tchad une sorte de Start up nation. C'est fondamental pour notre pays. Nous avons proposé quelque chose de concret. Nous avons mis sur la table ce que nous avons appelé le plan "oser, oxygène, social et économie", 100 milliards de francs CFA pour 100 000 emplois. Vous savez, des conseillers, des gens autour du président disent que dans ces pays avec 1 million, on ne peut pas créer d'emplois. Il y a des jeunes avec moins de cela qui peuvent être capables de créer un emploi. Nous avons dit un emploi, un million de Francs CFA, c'est possible et avec ça on peut créer 100 000 emplois. Vous savez le nombre de fonctionnaires aujourd'hui, c'est moins de 100 000. Avec ce plan "oser" des transformateurs, nous pouvons créer 100 000 emplois avec 100 milliards de Francs CFA. Et sur ces millions de Francs CFA, l'État peut mettre un tiers, 34 milliards, les partenaires de notre pays mettent un tiers 34 milliards, et puis les banques mettent le tiers restant. Rien qu'avec ça. On organise un appel à projets à l'échelle nationale, province par province, au prorata de la population de chaque province. Donc N'Djamena c'est 10% de la population, ça va être 10% d'emplois. Le Logone oriental c'est 7% de la population, ça va être 7%. Le Tibesti c'est 2% de la population, ça va être 2%.  Le Ouaddaï c'est 10% de la population, ça va être 10% d'emplois.

Vous faites comme ça, un appel à projets. Vous mettez su pied les structures qui les accompagnent dans la création sur trois ans. Du coup, de cette façon-là, vous allez permettre aux jeunes de se prendre en charge et mieux de pouvoir aussi créer des emplois. Chaque emploi créé pourra générer un autre emploi. On va se retrouver avec 200.000 emplois. Et vous savez, chaque tchadien qui travaille aujourd'hui, c'est pour à peu près 80 personnes, 100 personnes. Vous imaginez, si vous créer 200 000 emplois, même si un tchadien c'est pour 2 000, pour 10 personnes ça fait 2 millions de personnes qui vont en bénéficier directement et c'est quelque chose de faisable au prorata de chaque province, de la population de chaque province. Donc on va faire des appels à projets. Dans quels secteurs me demanderiez-vous ? Dans les secteurs porteurs, l'agriculture qu'il faut transformer, l'élevage qu'il faut transformer, les transformations de produits, tout ce qui a trait aux technologies, à l'économie numérique, etc. Sur l'ensemble de ces sujets-là, les tchadiens ont des projets gigantesques. Moi-même dans une autre vie, j'étais à la tête d'une plateforme de leadership et d'entrepreneuriat qui chaque année organise des séminaires, des rencontres, des ateliers pour primer les entrepreneurs. Et croyez-moi, il y a des centaines de projets que nous recevons, qui n'attendent qu'un accompagnement. C'est une proposition concrète qui est faisable, qui n'a même pas besoin de trop d'argent.

Vous voyez pourquoi ça c'est plus crédible qu'embaucher 20 000 jeunes dans la fonction publique. Je vous donne un exemple, si vous embauchez 20 000 jeunes dans la fonction publique, si chaque chacun d'eux à 300 000 Francs CFA, à la fin de chaque année, vous allez dépenser 76 milliards, et si vous faites ça pendant 15 ans, voyez ce que ça fait, chaque année l'État doit mettre ça. Or là, l'État en mettant moins que ça, permettra aux jeunes de se prendre d'argent, créera plus d'emplois et puis eux-mêmes ils vont s'auto-employer et créer d'autres emplois. Ça c'est plus plausible. Voilà les propositions alternatives que nous faisons parce qu'être Transformateurs, ce n'est pas seulement être dans le diagnostic, c'est être dans les propositions.

Nous avons une série d'autres choses que nous proposons aux jeunes. J'invite les uns et les autres à lire notre manifeste pour la transformation du Tchad et à lire aussi les 20 propositions pour un nouveau départ pour notre pays, qui vont permettre en tout cas à toute la population mais aussi surtout à la jeunesse -qui représente la majorité- de pouvoir se prendre en charge.

Africa Intelligence évoque un rapprochement ces derniers temps entre Abakar Manany -ancien proche du président Déby- et vous ? Qu'auriez-vous à répondre ?

J'ai une règle simple, je ne commente pas mes discussions en privé avec les uns et les autres. Dans ce pays, il y a des officiers que je rencontre, des ministres que je rencontre, en fonction, des conseillers qui travaillent avec le président actuel que je rencontre. Il y a des gens qui ont travaillé avec lui par le passé que je rencontre, à l'étranger je rencontre l'ensemble de nos compatriotes, dans d'autres pays je rencontre les chancelleries, etc. Est-ce que vous m'avez déjà vu publier une rencontre avec une chancellerie ? Est-ce que vous m'avez déjà vu publier une rencontre avec un ministre en fonction ici au Tchad ou avec un ancien conseiller d'un Président de la République ici au Tchad, ou avec n'importe lequel ? J'ai une règle simple, c'est de ne pas parler de mes rencontres privées avec les uns et les autres.

Je voudrais dire à nos compatriotes que nous avons vocation Les Transformateurs à travailler avec l'ensemble des 15 millions des tchadiens. Nous visons les 15 millions de tchadiens pour transformer notre pays parce que demain, lorsque nous allons j'espère arriver au pouvoir, il ne s'agira pas d'aller d'importer des chinois ou je ne sais plus, des français ou des américains pour venir changer le Tchad. Il s'agira de travailler avec l'ensemble des tchadiens.

C'est pour ça aussi, c'est l'occasion pour moi de dire à tout le monde que personne ne doit avoir peur de cet avenir que nous voulons proposer ensemble parce qu'aujourd'hui, dans le gouvernement actuel, dans l'administration actuelle, parmi les gens qui ont travaillé par le passé avec le président actuel, il y a des gens compétents qui n'attendent qu'à servir le pays. Et ceux-là, je voudrais dire qu'ils ont leur place. Peu importe le passé des uns et des autres, ce qui importe ce sera l'avenir, c'est sur cet avenir là que nous sommes engagés, sans chercher à regarder dans le rétroviseur. Et dans cette démarche là, croyez-moi, j'ai l'intention de parler à tous les tchadiens si j'en ai la possibilité.

Au Tibesti, le CCMSR a revendiqué le 19 février dernier une attaque contre une position de l'armée tchadienne qui a riposté. Que feriez-vous à la place du président Déby pour faire taire les armes et encourager la paix ?

Nous avons proposé cela. Ça c'est les 20 propositions pour un nouveau départ. Dans ces 20 propositions, l'une des propositions phares c'est le dialogue national pour un nouveau départ. Ce dialogue franc et sincère. Vous organisez ce dialogue en trois mois. Nous l'avons proposé, nous sommes prêts même à proposer comment opérationnellement on va organiser, et qui va participer à ce dialogue. Et parmi les gens qui doivent participer à ce dialogue là, le CCMSR, le FACT, l'UFR, tous les mouvements politico-armés ont vocation à rentrer au Tchad et travailler pour le pays. Pourquoi ? Parce que ce sont des tchadiens qui sont là-bas aussi. Parmi eux, il y a aussi des patriotes. Ils ont choisi une voie qui n'est pas la nôtre. Mais est-ce que pour autant cela veut dire que leur apport pour notre pays sera inutile ? Évidemment non.

Ce que nous voulons proposer c'est ce dialogue que nous pouvons organiser, qui permette de nous asseoir sur la table de la discussion républicaine, tchadiens de l'intérieur et de la diaspora, ceux qui ont choisi la voie démocratique normale ou la voie militaire, des politico-militaires et le Gouvernement, l'ensemble des acteurs, secteur privé, société civile, etc. Il s'agit de retrouver un peu l'esprit de la Conférence nationale souveraine. Cela permet de l'élargir et d'aller au bout de la logique en faisant en sorte que de cette nature là, nous faisons la paix avec le passé et le présent, et nous dessinons le Tchad de demain sur de nouvelles bases. Nous proposons donc à l'issue de ce dialogue de mettre sur pied un mécanisme de type "Vérité, réparation, justice, pardon national" pour tous les régimes qui se sont succédé au Tchad depuis les indépendances, mais même au-delà. Depuis 1958, la proclamation de la République, jusqu'à aujourd'hui, tous les régimes de Tombalbaye à Idriss Déby, on doit être capables de se pardonner, pardonner au régime d'Hissène Habré. De manière à ce que nous sortions par le haut, que nous arrêtions le cycle de vengeance après vengeance. La meilleure manière de faire ça, c'est de faire asseoir tous les tchadiens et de faire la promesse que désormais, à l'avenir, ceux qui ont des projets politiques, on ne va pas leur interdire d'exposer leurs projets politiques.

Certains de nos compatriotes qui sont en rébellion, ils y sont à cause d'un système qui n'a pas laissé la place à la démocratie de s'exprimer. Vous en avez les exemples. Quand on interdit à un parti démocratiquement engagé de tenir une réunion dans un local qui lui appartient, dans un arbitraire total, évidemment que nos compatriotes descendent en brousse, dans les maquis. Et ils disent, ça ne sert à rien de s'engager face à ce Monsieur. Sur le plan démocratique donc, pour arrêter ça, nous devons pardonner et donner une porte de sortie à chacun, y compris pour l'actuel président. Ce dialogue va permettre d'organiser l'alternance.

Le problème du Tchad, c'est 50%, 25% et 25%. Je vous dis pourquoi. Le départ du président Déby c'est 50% des problèmes du Tchad. Mais il ne s'agit pas de le faire partir pour l'expulser, mais pour lui donner une place de choix dans l'histoire du pays et pour l'avenir parce qu'il aura été le premier à permettre l'alternance démocratique au sommet de notre pays. Ça n'a jamais eu lieu, toutes les successions ont eu lieu par la guerre. Donc s'il accepte de faire ça, les tchadiens seront capables de lui donner une place de choix dans notre histoire. Ce sera 50% des problèmes du Tchad en moins. (...)

Avec une armée tchadienne à 100% de son potentiel, je crois que nous serons encore plus puissants, et c'est ça l'enjeu pour demain. Si on fait ça, la paix va revenir. C'est solutions, ce ne sont pas des solutions que je vous invente là. C'est des solutions sur lesquelles nous avons réfléchi et travaillé pendant un an de consultations nationales et à l'international avec les dialogues de la diaspora. Nous avons envoyé ça en français et en arabe à la Présidence. Nous avons présenté aux partenaires du pays, nous avons présenté à la nation, à la presse. Et ces propositions y figurent.

Demain matin, on convoque ce type de dialogue, Les Transformateurs sont prêts à venir expliquer devant la nation entière ce que nous proposons pour l'avenir de de pays. Est-ce qu'ils ont les oreilles pour entendre ceux qui sont au pouvoir actuellement ? La question reste ouverte.

Les violences contre les femmes, on n'en parlera jamais assez. Elles ont été les premières victimes ces dernières semaines d'un regain d'insécurité à N'Djamena. D'ailleurs, nous célébrons cette semaine la 30ème édition de la Semaine nationale de la femme tchadienne. Cette semaine de sensibilisation est-elle suffisante ?

Non ce n'est pas suffisant. Mais cette violence subie par nos sœurs, je voudrais avoir une pensée pour l'ensemble de ces mamans. (...)

Les nominations, il ne s'agit pas de s'arrêter à 30%. Osons, allons à 50% parce que les femmes en réalité sont même majoritaires dans ce pays. Est ce qu'on va dire aux tchadiens que les femmes tchadiennes ne sont pas capables d'assumer ? Mais ceux qui sont au sommet de l'État, ils n'y croient pas. Dans leur esprit la femme c'est un objet de désir.

Deuxième chose, même les lois qu'ils ont été amenés à prendre, ils ne les respectent pas. Le président de la République a signé un décret nommant un gouvernement qui ne respecte même pas la loi de 30%. Comptez le nombre de femmes ministres dans le gouvernement actuel et vous verrez, ce n’est même pas 20%. Ça veut dire que vous avez un chef de l'État qui nomme un gouvernement illégal puisque le gouvernement ne respecte pas une loi que le président lui-même a prise. Il n'y croit pas. Donc on fait du saupoudrage comme ça aux femmes et ce n'est pas ça qui va changer leur vie. Nous, nous voulons faire ces choses-là concrètement pour l'ensemble des tchadiens, ça va enlever un blocage qui est majeur.

Dernier point sur cette insécurité assortie de mesures irréfléchies : interdire aux clandos de circuler à 23 heures, ce n'est pas ça qui va apporter la sécurité. L'insécurité c'est à pieds, c'est dans les voitures, etc. L'insécurité c'est aussi l'absence d'électricité dans les quartiers qui favorise à ce que les gens même à pieds à un carrefour peuvent tuer une autre personne. Donc ce n'est pas les motos. (...)

La question du développement est au cœur si demain nous voulons projeter le Tchad vers un nouvel avenir. C'est tout ça que nous voulons offrir comme perspectives aux tchadiens à travers les Transformateurs.

Propos recueillis par Djibrine Haïdar.



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