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Tchad : à N’Djamena, quand le rang social dicte le choix du conjoint


Alwihda Info | Par Temandang Gontran - 15 Juillet 2025



Dans les cercles aisés de N’Djamena, où le train de vie luxueux est perçu comme un signe extérieur de réussite, une pratique ancestrale refait surface avec une intensité particulière : le choix du conjoint par les parents.

Loin d’être guidée par l’affection ou la compatibilité des caractères, cette décision est souvent dictée par des considérations purement matérialistes, privilégiant le rang social et la fortune du jeune homme au détriment des sentiments de la jeune fille. Une tendance qui soulève une question fondamentale : une relation amoureuse doit-elle être conditionnée par le statut social ?

« Certaines familles fortunées pensent que le mariage est bien plus qu’une union entre deux individus ; pour elles, il repose essentiellement sur le rang social. Il s’agit d’un fondement stratégique, d’un moyen de consolider ou d’accroître leur statut et leur influence », explique un observateur.

C’est pourquoi les parents interviennent souvent dans la vie sentimentale de leurs enfants, en imposant un(e) conjoint(e) issu(e) d’un milieu équivalent, voire supérieur. Pour ces familles, assurer un avenir confortable et stable dans une famille du même standing constitue la priorité absolue.

« Je suis amoureuse d’Alex, mais mes parents sont contre cette relation. Ils justifient leur opposition en disant que ce garçon n’a pas les moyens de prendre en charge une famille », confie une jeune fille sous anonymat, habitante du quartier Chagoua. Cette logique pragmatique se heurte de plein fouet aux aspirations des jeunes générations, nourries aux récits romantiques et à l’idéal de l’amour libre véhiculé par les médias et les réseaux sociaux.

Pour beaucoup de jeunes filles, l’idée d’un mariage sans amour, arrangé par les parents pour des raisons financières, est vécue comme une véritable contrainte. L’analyse de cette dynamique révèle une tension profonde entre tradition et modernité.

Si le mariage arrangé a longtemps été une norme dans de nombreuses cultures, son maintien au nom du statut social crée une dissonance dans une société de plus en plus ouverte sur le monde. Le rang social peut offrir un cadre de vie confortable et des opportunités, mais il ne garantit ni l’épanouissement émotionnel, ni la complicité, ni la passion.

« Le mariage basé uniquement sur le statut social est une forme d’investissement économique et social », explique Arnaud Djilbay, sociologue et enseignant. Il ajoute : « Les parents agissent en pensant protéger leurs enfants. Cependant, ils oublient que l’être humain est une entité émotionnelle. Une relation amoureuse solide se construit sur la confiance, le respect mutuel et l’affection, des éléments que l’argent ne peut ni acheter ni garantir. »

Les conséquences de ces unions imposées peuvent être lourdes : mariages malheureux, solitude, infidélités, voire divorces coûteux. Au-delà du bonheur individuel des époux, c’est la stabilité familiale et la transmission de valeurs saines qui sont en jeu.

La question n’est donc pas de savoir si l’amour peut exister dans un mariage arrangé, mais si une relation fondée uniquement sur des critères matériels est assez solide pour durer. À N’Djamena, ce dilemme est révélateur de profondes transformations sociales. Le mariage, jadis pilier de l’alliance clanique et de la transmission patrimoniale, est aujourd’hui confronté à l’émergence de l’individu et de ses désirs propres.

L’amour, dans son essence, aspire à la liberté de choix et à la sincérité des sentiments, des valeurs qui, dans certains foyers opulents de la capitale tchadienne, semblent parfois reléguées au second plan, face à l’éclat trompeur du statut social.



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)