REPORTAGE

Tchad : les jeunes diplômés affrontent le chômage avec la débrouillardise


Alwihda Info | Par Djibrine Haïdar Kadabio - 27 Novembre 2019



Tchad : les jeunes diplômés affrontent le chômage avec des petits emplois. © Alwihda Info
Au Tchad, le taux de chômage s'est accentué avec la crise économique, particulièrement chez les jeunes. L'affaire Matebaye Manayel Bonheur -un jeune diplômé qui exerçait le métier de clandoman, tué en pleine rue- symbolise également cette jeunesse diplômée en manque d'emploi, et qui se tourne vers d'autres métiers pour subvenir aux besoins du quotidien.

Un grand nombre de ces jeunes sont poussés vers différents emplois souvent précaires, ou vers des secteurs où le manque d'encadrement par la formation professionnelle laisse la voie libre aux débrouillards.

Saleh Abba fait partie de ces jeunes diplômés qui n'ont pas trouvé d'emploi à la fin de leurs études. Il est aussi de ceux qui ont choisi de ne pas "rester à attendre à la maison".

"J'ai choisi d’être un maçon. J'ai étudié, j’ai mon diplôme mais rester à la maison et perdre l'expérience acquise pendant les études, ce n'est pas bien. J'ai décidé de travailler comme maçon plutôt que de perdre le temps et attendre la fonction publique ou que l'Etat nous fasse quelque chose", explique-t-il.

Pour lui, la fonction publique n'est plus une option. "La fonction publique, c'est l'idée de tous les jeunes tchadiens, en particulier ceux de N'Djamena", souligne Saleh.

"Moi, en tant que jeune maçon, j'ai jugé utile de ne pas rester aux carrefours pour perdre le temps sans expérience et vieillir sans rien faire dans la vie", ajoute ce jeune maçon qui est en plein travail dans un chantier à N'Djamena où il a obtenu un contrat de main d'oeuvre, une opportunité qui se fait rare en temps de crise.

En effet, "depuis un bon moment, trouver du travail est très difficile parcequ'il n'y a pas de chantiers qui fonctionnent à N'Djamena. Nous faisons avec", reconnait-il.

Pour ce jeune diplômé, il est inconcevable "de ne pas avoir de projets futurs". La maçonnerie est pour lui, un moyen de "contribuer à la construction du Tchad" afin de le "hisser parmi les meilleurs pays du monde".

En découvrant ce métier, Saleh a aussi balayé ses propres préjugés selon lesquels il serait très difficile de s'en sortir sans l'intégration à la fonction publique. "Je remercie Dieu, je suis à l'aise sans l'Etat. Personne ne me dérange et j'utilise le peu que je trouve comme je veux", affirme Saleh qui trouve des petites chantiers de temps en temps, tout en comptant sur son sérieux et le bouche-à-oreille.

A la question de savoir s'il aime son travail, Saleh répond par l'affirmative. "J'aime bien ce travail, certainement. C'est mon job* et c'est le seul et unique qui me rapporte un gain".

Il travaille généralement tous les jours de 7 heures à 17 heures. "Je prends ma pose à 13 heures pour la prière et je continue ensuite".

Aux jeunes, Saleh conseille la persévérance. Il les invite à faire comme lui, "une initiative très satisfaisante pour être libre par le labeur et la sueur". Il explique qu'il "ne faut pas rester sans rien faire mais plutôt entreprendre un petit business** et tenter de réussir un projet."

"Cherchez un travail et vous allez voir, vous serez indépendant. Vous allez même refuser de travailler pour l'Etat", promet-il, afin de lutter contre le taux de chômage en hausse selon les chiffres de l'Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques du Tchad.

* Job : travail
** business : affaires

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