ANALYSE

Cameroun : la crise anglophone préoccupe


Alwihda Info | Par Florence Akano, Humanitaire et Journaliste indépendante. - 18 Avril 2022


En 2016, des grèves et des manifestations ont éclaté dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Les tensions alimentées par les revendications de longue date de la population anglophone du pays, faisaient rage, mais il était encore difficile de prédire qu'une guerre allait éclater, et qui durerait 6 ans, et n'aurait toujours pas d’issue favorable, à l’heure actuelle.


Manifestations au Cameroun, 2016.
Les Anglophones du Cameroun constituent environ 20% de la population et représentent la partie du pays où l'on parle l’anglais, à la différence du reste qui parle le français. En 2016, des émeutes, des grèves et des protestations ont soudainement éclaté, mais cela n'a été soudain que pour le monde extérieur, car au Cameroun, cela se préparait depuis fort longtemps.

En effet, pendant plusieurs années, les Anglophones ont exprimé leur frustration de marginalisation et en 2016, ils ont décidé de faire part de leurs préoccupations au gouvernement, ainsi qu’à la communauté internationale. Cependant, la réponse des autorités camerounaises à leurs sollicitations a été froide et aussitôt le peuple anglophone a commencé à revendiquer l'indépendance ou l'autonomie dans un État fédéral.
L'idée d'un État fédéral n'était pas nouvelle. En effet, après l'indépendance en 1960, le pays existait en tant que tel, une union avec les francophones jusqu'en 1972. Ces mouvements ont commencé à exiger un retour à l'ancien modèle fédéral. Cette demande a été rejetée par le gouvernement, ce qui a aggravé le sentiment de traitement d’injustice des peuples anglophones.

Quelques mois plus tard, le gouvernement camerounais a pris plusieurs mesures inclusives et souples pour essayer de répondre aux préoccupations légitimes des anglophones : création d'une Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, création de la section Common Law à l'École nationale d'administration et de magistrature (ENAM), recrutement de magistrats anglophones et de 1000 enseignants bilingues, rétablissement d'Internet après une coupure de 92 jours pendant les manifestations etc.

Toutefois, les leaders du mouvement anglophone ont considéré que ces mesures étaient insuffisantes et tardives. Plus de 30 groupes armés se sont alors soulevés, et se sont unis pour protéger leur population face à la réponse musclée du gouvernement pendant les manifestations, et ont saisi la même occasion pour proclamer la sécession et l'auto-gouvernance de leur région. Préférant la violence au dialogue, ils sont depuis lors en lutte constante avec l'armée régulière. Les Nations Unies estiment que plus de 3 millions de personnes ont été affectées par la crise anglophone, avec environ 10 000 morts et un million de personnes déplacées.

Le conflit est d'abord passé sous le projecteur des médias étrangers, mais il a depuis attiré davantage l'attention, bien que pas suffisamment. La dynamique des combats a également varié au fil des ans et les deux parties ont été accusées d'être des agitateurs à différents moments ; les séparatistes ont attaqué les militaires et des cibles innocentes comme des écoles et des bus, les militaires ont riposté en tuant des civils dans les zones occupées par les séparatistes.

Les combats ne mènent pas à la paix et la durée de ce conflit l'a montré. Les analystes soulignent qu'avec les deux autres crises humanitaires - à l’Extrême-Nord avec Boko Haram et à l’Est avec les rebelles centrafricains- qui existent actuellement dans le pays, la nation pourrait glisser vers un état fragile, d'où la nécessité de conjuguer davantage les efforts diplomatiques, en vue d’une médiation réussie dans les prochains jours. Il s’agit de restaurer la paix, la stabilité et le développement dans le pays autrefois considéré comme une Afrique en miniature et un modèle de stabilité en Afrique centrale.


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