EDITORIAL

Centrafrique : Le Rassemblement n'est pas Centrafricain


Alwihda Info | Par Jean-Gualbert Togba - 22 Avril 2015



Fragilisée et affaiblie, la République centrafricaine vit depuis le 24 mars 2013 dans les petits papiers de la communauté internationale à travers une crise voulue, conçue, laissée faire, cordonnée et orchestrée pour une plus grande déstabilisation. La boîte de pandore est alors ouverte au détriment de la population confondue aux moutons de panurge. Ainsi, tous les moyens concourent au bien de ceux qui cherchent leurs bonheur dans ce jeu de positionnement.

Le mode d'expression en Centrafrique sur fonds de clivage politique et d'appétit du pouvoir se fait ou bout de la baïonnette nourrissant des rébellions vieilles comme Mathusalem, lesquelles rébellions s'éclorent pour un oui ou pour un non dans une Centrafrique coutumière du fait. Mesurer à l'aune de crises successives et du déroulement de la résolution de la crise centrafricaine qui perdure, chaque observateur peut tirer la conclusion qu'au vu des événements, la Centrafrique n'est pas un pays de rassemblement encore moins de l'unité nationale – rassemblement n'est pas centrafricain. Même dans les pires moments qui demandent un consensus national, pour faire bloc derrière un leader de consenus pour parler d'une seule voix, l'esprit n'y est pas.

Tant de mauvaise gouvernance, du clanisme, de l'impunité, et j'en passe, ont eu raison sur l'état d'esprit des de toute couche confondue. L'unité nationale construite autours de la langue nationale le sango ne suffit plus à endiguer la déchirure sociale conséquence d'une absence de programme national de civisme pour consolider cette unité nationale qui en fait n'était qu'éphémère. La devise nationale centrafricaine (Unité-Dignité-Travail) est vidée de sa substance. En occurrence, la vision sociétale centrafricaine formatée peu à peu à l'individualisme, imbibant dans le subconscient une attitude de positionnement qui devient un sport national, au grand dam de l'intérêt collectif. L'égoïsme s'installe dans l'esprit chassant l'altruisme. L'individualisme, le calcul/la guerre de positionnement prennent pli dans la société. En final, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Le défit majeur de ce pays est la dépollution de la mentalité en commençant par les élites, les éclairés qui sèment la paupérisation.

La nocuité d'un tel forum fabriqué dans la précipitation selon une exigence internationale est compromettante et désastreuse pour l'avenir de la Centrafrique.

Le bas blesse n'est pas le forum en lui même. L'appréhension faite autours du forum est de le voir être transformé en une foire d'empoigne par les adeptes de manger à tous les râteliers. Conçu sous cette forme, il va à vau-l’eau toute une Nation. Il faut affecter l'austérité et la pruderie face à ce jeu qui ne fait que prolonger le malheur des centrafricains. Le forum dit de la dernière chance à la poudre de perlimpinpin négocie l'allure d'un conciliabule au jugement de Salomon entre des criminels et une population exigeante, dans une Centrafrique indignée de la manipulation et du mensonge. Un pays qui s'excelle dans l'art du forum et de la culture de la rébellion, se retrouve péricliter dans une sorte de grenelle aux fins de satisfaire des exigences internationales pour noyer le poisson que d'apporter une vraie solution afin d'épargner lle pays des différentes crises politico-militaires. Les solutions immédiates doivent avoir aussi la vocation de parer dans le future aux prochaines crises de ce genre. Or tel n'est pas le cas.

Loin de la théorie que ce forum doit réunir tous les centrafricains y compris ceux qui ont invité l'enfer et Satan à visiter la Centrafrique et qui se sont illustrés en grands criminels de tout le temps de la république centrafricaine - que la solution de sortir de crise doit se conjuguer avec eux, n'obtient pas l'assertion de la majorité des centrafricains. Le tapis rouge qui va être déroulé aux groupes rebelles pour faire le matamore à l'issue de ce forum est l'expression d'une reconnaissance de leur victoire face à l'impuissance des forces internationales à les désarmer par la force, condition sine qua non pour amorcer le retour de la confiance, de la paix et la sécurité pour permettre aux uns et aux autres de libérer la parole, d'aller vers le dialogue national en toute sérénité. Invités les criminels arme au point à s'asseoir en position de vainqueur pour revendiquer un certain nombre « de droit » qu'ils s'octroient, malgré tous leurs odieux crimes. Ce qui ferra de la Centrafrique un État de non droit et ingouvernable où quiconque se permettrait n'importe quoi car il n'existe pas de criminels rebelles doux et innocents à partir du moment où ils ont porté atteinte contre les institutions de la République. De là, aucune justification possible n'est pas crédible, ni quoi ni qu'est-ce que !

Il faut noter qu'à ce forum qui prend l'allure d'une assiette au beurre et qui tourmente les adeptes de manger à tous les râteliers, les inconditionnels de voir midi à leur porte, ainsi, les centrafricains ne trouveront pas chaussures à leurs pieds. Dire pis que prendre de cette transition qui n'arrange pas la situation politique, économique, sociale et sécuritaire, et il temps d'arrêter l’hémorragie. Tant s'en faut !
Si on veut encore être optimiste et voir l'avenir de la Centrafrique en rose et une véritable résolution de paix pour sortir de la crise, ce n'est ni dans le forum, ni dans la conférence nationale qui sont sujets à caution de par leur nocivité à l'impunité et à l'impuissance de l’État. Encore que les centrafricains n'ont pas encore compris réellement l'impact désastreux des forums successifs centrafricains qui est la coulée de source de la crise actuelle pour pouvoir prendre de la graine, tirer positivement la leçon de l'expérience des forums. Une crise à cascade qui a atteint son paroxysme tant sur le fonds que sur la forme. Me dira t-on, Paris vaut bien une messe ! Autrement dit, que l'on lâche un peu de lest par des concessions dans cette situation compromettante pour parvenir à une résolution. A Dieu ne plaise !

On peu considérer avec l 'expérience de la Centrafrique que le fameux DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion) est une véritable putréfaction qui attire la formation des groupes rebelles met en péril la capacité existentielle de l’État à se consacrer au développement.
Mais là, il s'agit de faire un choix certes difficile mais audacieux et responsable car la paix à un prix, c'est la fermeté et la justice dans un État de droit. Un certain nombre de problématiques doivent avoir un feed-back assez net et claire pour la visibilité politique :

Quel message politique fort à adresser aux groupes rebelles ? Quelle projection pour l'avenir ?
Fumer le calumet de la paix ou fabriquer/inciter/planifier les prochains déstabilisation/massacres ?
De quelle paix l'on veut aspirer - certaine et durable/profonde ou simplement de circonstance et précaire ? Quelle vision pour la paix avec quelle politique ? patin couffin ...

Sur ce, le nœud du problème centrafricain réside dans l'absence d'une réelle volonté politique et de manque de courage politique à s'attaquer sans détours aux problèmes qui minent le pays, lesquels sont connus comme un loup blanc. A la communauté internationale qui impose un agenda dans un traitement superficiel de la crise selon ses propres ambitions pour pérenniser ses intérêts, aux locaux qui souhaitent et veulent un règlement en profondeur pour un renouveau. Encore une fois je reviens sur le fait que, quand on ne déblaie pas le gravât, comment peut-on imaginer et penser reconstruire sur un tas de ruine ? C'est tout simplement un manque du sérieux et de la légèreté dans la vision qui nécessite un bon sens politique.

Envers et contre tous, un bon nombre de centrafricains et d'observateurs pensent et croient dure comme fer, comme moi que tant de massacres civiles, de la destruction de biens publics, de traumatisme et de profonde dislocation sociale ne doivent pas faire l'objet d'un sacrifice d'expiation aux criminels.

Sans vouloir me regarder le nombril, et surtout quand on sait que toute solution de sortir de crise est la bienvenue, Je dirais oui mais pas à n'importe quel prix car à chat échaudé craint l'eau froide. En d'autres termes, l'expérience du passé nous amène à une très grande prudence, changer de cap pour aborder les choses d'une manière responsable, une autre vision réaliste et non le « copie-coller ».

Un forum où il faut manager la chèvre et le chou, tellement que les intérêts contradictoires des uns et des autres s'assemblent pour se converger vers une lutte de positionnement, où les rebelles sont invités à discuter le bout de gras pour défendre leurs intérêts et non répondre de leurs actes criminels. Il s'agit là de revendiquer « le droit acquis aux DDR » là où ils tirent leur miel. Et dans cette position, il est évident qu'on ne peut pas à la fois leur accorder le DDR et en même temps les poursuivre. Cela revêt un non sens et une vérité de la palisse. S'attaquer de cette manière pour lutter contre l'impunité et la banalisation de la rébellion en Centrafrique c'est comme tuer un âne à coup de figues molles quand on connaît l'entêtement de l'animal, sa capacité d’endurance. Pour illustrer je dirais que la caque sent toujours le hareng, en d'autre terme , même chasser le naturel revient toujours au grand galop car il n'y a ni rebelles responsables, ni criminels gentils quand tous ont comme l'assiette au beurre le DDR, le pouvoir par la force des armes, la corruption pour acheter leurs silence …..

Qu'en est-il du désarmement ? Sensé être le point de départ et la toute première étape pour faire revenir la confiance afin de négocier le dialogue dans un long processus de revivre ensemble, voilà qu'on veut faire bonne impression d'aller trop vite en besogne pour produire et justifier qu'une action ait été initiée en faveur de la paix. C'est foncer droit dans le mur et c'est refiler la patate chaude au prochain/la prochaine locateur/locatrice du palais de la Renaissance.

Le désarmement est immédiat, c'est une responsabilité qui incombe à la transition alors que le dialogue et la réconciliation nationale, un processus long qui revient aux nouvelles autorités issues des élections de mener à bien cette charge avec sérénité et sans pression.

Ainsi, la réconciliation doit s’inscrire dans la durée, mais le désarmement doit être immédiat : Vu l'ampleur des dégâts et le caractère répétitif de la crise, une fois le désarment fait, Il faudrait :
1/ inciter à une réflexion individuelle, un monologue autours de la paix et de la relation avec son prochain pour une prise de conscience individuelle.
2/ L'individu pris en tant qu'entité réfléchira et discutera des thématiques de la paix avec les mêmes membres de sa famille pour échanger sur l'issue de la paix.
3/ les familles dans le même quartier se retrouvent pour suivre la même procédure pour parvenir à une vision par quartier, ensuite par arrondissement, et par ville. Ce mouvement doit prendre une ampleur nationale. Et non une soit disant concertation à la va-vite avec des envoyés spéciaux dépêchés pour la circonstance auprès de quelques individus triés sur le volet. Chaque citoyen est concerné et à son mot à dire, c'est un problème national qui concerne tous. C'est ce que j'appelle la consultation à la base.

La multitude de sujets prévus et élaborer par la transition pour ce forum cache une réelle intention de faire les choses à la légère et d'occulter l'épineux problème du désarmement, comment reconstruire la paix et faire revenir le vivre ensemble. Le forum devient alors un véritable moulin à paroles. Il aurait été sage de donner comme unique sujet toutes problématiques autours de la paix, la sécurité, le désarmement.

L'incompréhension subsiste du fait que la Centrafrique se prépare aux élections avec chaque candidat qui conçoit des projets de société et un programme électoral. Je ne vois pas l’opportunité que la transition invite les centrafricains à débattre sur des sujets dans tous les domaines tout en sachant que le candidat élu mettant en œuvre son programme et non le programme de la transition. On peut analyser que la transition se fait construire un programme de gouvernance dans ses propres intérêts à travers ce forum pour la gestion des affaires du pays à moyen terme pour se substituer à elle même. D'où plane le doute d'une élection dans plusieurs années et le maintien de la transition actuelle au pouvoir.

Ainsi, pour participer au forum la condition sine que non est qu'il ne faut pas avoir un cadavre dans son placard.

Réflexion :
Au risque de susciter une vocation, la communauté internationale doit aider la Centrafrique à se débarrasser des pestiférés criminels avant que naissent les vengeurs de sang.
Quand on sait que maintenir les hommes en arme constitue toujours un moyen de pression extérieur pour la prise de contrôle sur les décisions contractuelles des gisements miniers, quel avenir et quelle marge de manœuvres des nouvelles autorités à endiguer les blocages au développement à partir du moment où les dés sont pipés d'avance, c'est un éternel recommencement.
La transition actuelle doit cesser au terme du mandat prévu pour permettre une élection sous une forme quelconque car à situation exceptionnelle moyens exceptionnels. Une table ronde des forces vives de la Nation doit se tenir pour se pencher sur la question. Que les centrafricains arrêtent de prendre les vessies pour les lanternes et se saisissent des vraies problématiques.
Mieux vaut une élection d'exception que de sombrer sous la déliquescence d'une transition pernicieuse qui n'arrive pas à trouver son chemin de Damas.

Chi va piano va sono, autrement dit, qui va doucement va sûrement.

Jean-Gualbert Togba








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