Ilyes Zouari - Président du CERMF (Centre d'étude et de réflexion sur le Monde francophone)
7 006 dollars par habitant début 2021
Selon les données récemment publiées par la Banque mondiale, le Gabon affichait un PIB par habitant de 7 000 dollars début 2021, dépassant ainsi celui du Botswana, qui s’établissait à 6 711 dollars. Le Gabon devient ainsi le pays le plus riche du continent, hors très petits pays ne pouvant être pris en compte pour l’établissement de comparaisons pertinentes en matière de richesse et de développement économique et social, en raison d’une très faible population (moins de 1,5 million d’habitants) et d’une superficie particulièrement réduite, avec un territoire parfois à peine visible sur une carte géographique. Il s’agit notamment de Maurice, des Seychelles et de la Guinée équatoriale, qui affichent une richesse par habitant supérieure, mais dont la population est comprise entre seulement 0,1 et 1,4 million d’habitants, et dont le territoire est très limité (la Guinée équatoriale et Maurice, les deux moins petits de ces trois pays partiellement francophones, étant respectivement 9,5 fois et 131 fois moins étendus que le Gabon…).
Le Gabon et le Botswana ont le double point commun d’être des pays au sous-sol très riche en matières premières non renouvelables, tout en ayant une population quasi égale en nombre. Peuplé de 2,2 millions d’habitants, le Gabon est en effet le 8e producteur africain de pétrole (et le 36e au niveau mondial) ainsi que le premier producteur africain et le 3e mondial de manganèse (et en passe d’en devenir le second, derrière l’Afrique du Sud), tandis que le Botswana, peuplé de 2,3 millions d’habitants, est le deuxième producteur mondial de diamants, après la Russie. Sur ces deux points, ces deux pays peuvent également être comparés à la Namibie, pays voisin du Botswana et ancienne colonie sud-africaine ayant obtenu son indépendance en 1991 au terme d’un long conflit de 23 années. Comptant 2,6 millions d’habitants, la Namibie est en effet le 5e producteur africain de diamants (et le 7e mondial), ainsi que le premier producteur continental et le quatrième mondial d’uranium, essentiellement destiné à la Chine et avec une production désormais près de deux fois supérieure à celle du Niger (second producteur africain, et fournissant aujourd’hui moins d’un tiers de l’uranium consommé par la France, qui s’approvisionne principalement au Kazakhstan et au Canada). Toutefois, la Namibie traverse une grave crise économique depuis quelques années, et affiche un PIB par habitant de seulement 4 211 dollars début 2021, largement derrière le Gabon et le Botswana.
Diversification, réformes et économie résiliente
Les bonnes performances du Gabon résultent principalement d’une politique volontariste en matière de diversification menée au cours de la dernière décennie, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), lancé en 2009. Visant à le sortir de sa forte dépendance aux industries extractives, tout en œuvrant à en tirer davantage profit en commençant à transformer localement une partie de la production, ce plan consiste à industrialiser le pays en s’appuyant grandement sur le développement de la filière bois et de l’agriculture, ainsi qu’à investir dans les services en développant notamment le secteur du numérique, et plus récemment le tourisme.
Dans ce cadre, le Gabon s’était illustré par la mise en œuvre d’une mesure très audacieuse dès le 1er janvier 2010, en interdisant l’exportation de grumes afin de valoriser la filière bois à travers la transformation locale avant exportation, et avec à la clé la création d’un tissu industriel source d’une valeur ajoutée bien plus importante. Toujours dans cette optique, le gouvernement a mis en place une série de mesures incitatives afin d’attirer les investisseurs, dont, par exemple, la création de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, vaste zone franche s’étendant sur 1 1126 hectares à proximité de la capitale, et créée grâce à un partenariat public-privé (PPP) avec le groupe singapourien Olam, géant mondial de l’agroalimentaire. Cette zone abrite désormais près de 80 entreprises (très majoritairement, mais pas uniquement, dans le secteur du bois), et représente à elle seule un tiers de la production nationale de bois transformé.
Grace à cette politique, le Gabon a ainsi multiplié par deux le poids de cette filière dans l’économie nationale, qui pèse désormais pour près de 5 % du PIB et 13 % des exportations de marchandises (13,5 % en 2020). Cette performance s’est notablement traduite par la multiplication par quatre du volume du bois transformé sur la même période, la création de plusieurs milliers d’emplois, et ce, tout en réduisant le volume total de bois coupé ! En quelques années seulement, le Gabon s’est ainsi hissé au premier rang africain et au troisième rang mondial pour la production de contreplaqués. Par ailleurs, le pays vient récemment de monter encore en gamme en commençant à produire des meubles exportables, et envisage même de devenir prochainement un des dix principaux exportateurs mondiaux en la matière. De plus, le développement de l’industries de transformation du bois commence à entraîner l’apparition de nouvelles industries produisant d’autres matières nécessaires à cette activité. Ainsi, la première usine de fabrication de colle pour contreplaqué vient tout juste de démarrer sa production, en septembre dernier, et constitue une première dans les pays de la zone Cemac.
En dehors de la filière bois, le Gabon a également porté son attention sur le secteur agricole et les industries agroalimentaires, fortement négligées dans le passé. De nombreux programmes ont ainsi été mises en œuvre dans le cadre du PSGE, comme le Plan national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN) et le programme Graine, lancés en 2014 et consistant notamment à distribuer des terres, à soutenir la création de coopératives, et à former, financer et équiper des agriculteurs. Plus récemment, en juin 2021, et dans le cadre du Plan d’accélération de la transformation (PAT) lancé en début d’année, le gouvernement est même allé jusqu’à adopter une loi imposant aux entreprises actives dans le domaine de la distribution alimentaire de se fournir à hauteur de 50 % auprès de producteurs locaux pour leurs stocks de produits frais et transformés. Une nouvelle loi audacieuse, visant à parvenir à la souveraineté alimentaire sur un certain nombre de produits stratégiques, et à réduire de moitié les importations de produits alimentaires, transformés ou non, d’ici 2025, dans un pays qui importe aujourd’hui environ les trois quarts de sa consommation en la matière. L’augmentation attendue de la production agricole se fera notamment à travers les cinq zones agricoles à forte productivité, récemment créées, et s’appuiera également sur un futur centre de recherche et développement dédié au secteur, dont la création a été annoncée en juin dernier (et qui sera analogue à celui qui venait d’être inauguré quelques jours plus tôt en Côte d’Ivoire, grande puissance agricole).
Parallèlement à cette volonté de réduire fortement sa dépendance alimentaire, le pays a également œuvré à développer des cultures destinées principalement à l’exportation, et notamment celles du palmier à huile (pour l’huile de palme) et de l’hévéa, ou encore le café et le cacao qu’il souhaite relancer. En 2020, et malgré la pandémie, les exportations d’huile de palme ont bondi de 59 %, et représentaient déjà 0,6 % des exportations du pays, quelques années seulement après les premières plantations d’arbres. Ayant inauguré en 2017 la plus grande usine d’huile de palme du continent, le Gabon ambitionne de devenir prochainement le troisième producteur africain et le premier exportateur continental d’huile de palme. Et comme pour la filière bois, l’essor de cette activité est à l’origine de l’apparition d’autres productions industrielles, telles que la production de savon et la fabrication de biocarburants (qui devrait prochainement démarrer).
Ces efforts en faveur du développement agricole et industriel ont par ailleurs été accompagnés d’une politique volontariste de développement des nouvelles technologies et du secteur du numérique. Et ce, en investissant notamment dans la construction d’un réseau haut débit à fibre optique (dès 2012), la numérisation de l’administration, le soutien à la transformation numérique des entreprises (à travers notamment de la création de Société d’incubation numérique du Gabon - SING, en 2018, en partenariat avec la Banque mondiale), et dans le soutien aux jeunes créateurs de startups, de plus en plus nombreuses.
Cette politique active de diversification a permis au Gabon d’augmenter considérablement le poids des activités non directement liées aux industries extractives dans l’économie nationale. Ainsi, ces activités ont été à l’origine de 14,5 % des exportations de biens du pays en 2019, soit plus du double que pour le Botswana (+99 % environ) qui affichait un taux de seulement 7,3 %, et dont la dépendance aux industries extractives (essentiellement les diamants, mais aussi le sel, entre autres) demeure écrasante. Un écart important qui s’observe encore davantage en effectuant la même comparaison avec d’autres pays proches au sous-sol et aux fonds sous-marins particulièrement riches, comme le Nigeria et l’Angola, où ce taux n’atteint qu’environ 7 % et 1 %, respectivement, du total des exportations de biens (7,1 % et 2,0 % en 2019). Au Nigeria, les activités directement liées aux hydrocarbures et aux industries minières sont ainsi à l’origine d’environ 93 % des exportations du pays (premier producteur africain de pétrole et huitième exportateur mondial, ainsi que 3e producteur continental de gaz naturel et 6e exportateur mondial de gaz liquéfié), tandis qu’elles pèsent pour environ 98 % des exportations de l’Angola (second producteur africain de pétrole, et désormais 2e producteur africain et 4e mondial de diamants).
Les importants progrès réalisés par le Gabon en matière de diversification ont ainsi permis au pays d’avoir une économie plus solide et capable de mieux résister aux crises internationales et aux fluctuations défavorables du cours et/ou de la production des matières premières, que celle de bien d’autres grands producteurs d’hydrocarbures, de minerais ou de pierres précieuses sur le continent. Ainsi, le pays n’a enregistré aucune croissance négative sur la période de cinq années allant de 2015 à 2019, alors que le Botswana et le Nigéria en avaient déjà enregistré une (en 2015 et en 2016, respectivement), et l’Angola quatre (2015, 2016, 2017 et 2018). Quant à l’année 2020, marquée par la pandémie, le Gabon est toutefois parvenu à limiter la baisse de son PIB à seulement -1,3 %, la plus faible des quatre pays précédemment cités, et bien moindre que celle connue par la Botswana (-7,9 %).
Au final, et pendant la période 2015-2020 (6 années), la croissance annuelle moyenne s’est alors établie à 1,6 % pour le Gabon, soit le double que pour le Botswana (0,8 %) et le Nigeria (0,7 %, et pourtant bien moins développé). Pour leur part, l’Angola ou encore la Namibie voisine ont enregistré une évolution annuelle négative de - 1,4 % et - 0.7 %, respectivement. Par ailleurs, et malgré une croissance supérieure, l’inflation a été davantage maitrisée au Gabon, qui a affiché une inflation annuelle de 2,1 % en moyenne sur la période 2015-2020, contre 2,9 % au Botswana et 4,4 % en Namibie, et non moins de 12,9 % et 21,0 % pour le Nigeria et l’Angola, respectivement et pour la période 2015-2019 (selon les dernières données disponibles auprès de la Banque mondiale).
Ce processus de diversification a également contribué à accroître l’excèdent commercial du pays, passé de 1,9 à 3,4 milliards de dollars entre 2015 et 2019 (et à 2,0 Mds en 2020, toujours selon la Banque mondiale), alors que le Botswana peine désormais à enregistrer régulièrement un solde commercial positif, le pays ayant déjà affiché un déficit en 2015 et en 2019 (ainsi qu’en 2020, estimé à 2,1 Mds). Sur la période de six années allant de 2015 à 2020, le Gabon a ainsi réalisé un excédent commercial de 2,5 Mds de dollars en moyenne annuelle, contre un déficit de 0,4 Md pour le Botswana. Les récentes mesures audacieuses prises pour la promotion de la production alimentaire locale, ou encore le doublement prochain de la part de la production locale de gaz butane (devant être protée à 40 % d’ici deux ans, en 2023), seront également de nature à accroître les excédents commerciaux de pays, à travers la réduction significative des importations en la matière. Au passage, il est à noter que la Chine est désormais le premier partenaire commercial du Gabon, dont elle a représenté 37 % du commerce extérieur en 2020 (et absorbé 49 % des exportations). Elle est suivie par la France, qui arrive en deuxième position avec une part de seulement 10 % du commerce extérieur.
Cette vaste politique de développement économique menée par le Gabon depuis une décennie s’est également accompagnée de grandes réformes administratives, mais aussi juridiques et fiscales, visant à faciliter la création d’entreprise et à améliorer le climat des affaires. De nombreuses mesures ont ainsi été mises en œuvre, et en particulier depuis 2019, telles que la création d’un guichet numérique à l’investissement (GNI, ayant notamment permis de réduire le délai moyen de création d’une entreprise de 30 jours à 3 jours seulement, ainsi que les coûts indirects), la réduction du délai d’obtention d’un permis de construire de 90 à 15 jours, la réduction du délai de raccordement au réseau électrique de 75 jours à 30 jours, ou encore l’abaissement considérable du montant du capital minimum nécessaire à la création d’une Sarl, passé de 100 mille à seulement 5 mille francs CFA.
Ces réformes spectaculaires, non encore prises en compte par tous les classements internationaux en matière de climat des affaires, commencent elles aussi à contribuer au dynamisme de l’économie gabonaise, et donc à la poursuite de la réduction de sa dépendance aux industries extractives. Ces réformes seront d’ailleurs également très utiles au développement du secteur touristique, encore embryonnaire mais qui constitue désormais une des priorités gouvernementales. En effet, et contrairement aux pays francophones que sont le Maroc et la Tunisie, deux des destinations phares du tourisme sur le continent, l’Afrique francophone subsaharienne à largement et longuement délaissé ce secteur à fort potentiel, faisant ainsi presque ignorer au reste du monde l’existence d’une faune et d’une flore exceptionnelles et comparables à celles pouvant être observées dans certains pays anglophones du continent (comme le Botswana, justement, qui a abondamment investi dans ce secteur). Le Gabon, où le tourisme ne représente qu’un peu moins de 2,5 % du PIB, ne manque pourtant pas d’atouts en la matière : vastes parcs nationaux (recouvrant 11 % de territoire national, un des taux les plus élevés du continent), faune diversifiée (comme les éléphants de forêt, dont le Gabon abrite plus de la moitié de la population continentale), plages, baleines à bosse au large… Le développement significatif de ce secteur permettrait ainsi au Gabon d’accroître encore davantage sa richesse nationale et de consolider ainsi sa position de pays le plus riche du continent (hors très petits pays).
Par ailleurs, il est à noter que le développement du Gabon s’effectue dans le respect des normes internationalement recommandées en matière de transparence financière. Ainsi, il ne fait pas partie des huit pays africains, dont le Botswana, qui figurent sur la liste des pays sous surveillance (ou liste grise) du Groupe d’action financière (GAFI, organisme intergouvernemental), en raison de leur insuffisante coopération en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et d’un possible soutien - au moins indirect - au terrorisme.
Une modernisation rapide, dans le respect de l’environnement
Les grandes avancées réalisées en matière de diversification, de réformes et plus globalement en matière de bonne gouvernance, ont ainsi permis au pays de connaître d’importants progrès économiques et sociaux au cours de la dernière décennie. À titre d’exemple, et dans le domaine de la santé, le taux de mortalité infantile est passé en 2019 au-dessous de celui du Botswana (31,3 et 32,3 décès pour 1 000 naissances vivantes, respectivement), suite à une baisse de 25 % au Gabon entre 2010 et 2019 et une hausse parallèle de 31 % au Botswana sur la même période. Ce taux est largement inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (51,7 %), se rapproche de celui de l’Afrique du Sud (27,8 %), et est très éloigné de celui de pays comme le Nigeria (74 %, et troisième taux le plus élevé du continent, selon la Banque mondiale). Par ailleurs, le pays se distingue sur la scène internationale en étant l’un des deux seuls pays du continent à disposer d’un laboratoire de type P4, avec l’Afrique du Sud (laboratoire habilité à manipuler les virus les plus dangereux de la planète, comme le virus Ebola). Toujours dans le registre de la santé, il est à noter que la Gabon se distingue également par son assez bonne maîtrise de la progression du VIH (ou Sida), avec un taux de prévalence de 3 % de la population âgée de 15 à 49 ans en 2020, contre 19,9 % au Botswana qui affiche le troisième taux le plus élevé au monde, juste devant l’Afrique du Sud.
Dans le domaine de l’électrification, le taux d’accès à l’électricité s’élevait à 90,7 % de la population gabonaise fin 2019, plaçant le pays au premier rang en Afrique subsaharienne (hors très petits pays insulaires), devant l’Afrique du Sud (85 %) et loin devant le Botswana (8e, avec un taux de 70,2 %). De même, le Gabon est à la pointe des nouvelles technologies, et notamment en matière d’accès à internet. Deuxième pays le plus connecté d’Afrique subsaharienne et quatrième au niveau continental, tout juste devant le Botswana (et également hors très petits pays insulaires), les utilisateurs d’internet y représentaient 61 % de la population en 2019, selon les dernières données de la Banque mondiale.
Enfin, le pays n’oublie pas d’investir dans le domaine de l’éducation et de la formation : création du premier campus virtuel d’Afrique centrale en 2016, lancement en 2020 du programme PISE (« Projet d’investissements dans le secteur éducatif », qui prévoit notamment la construction de 15 nouveaux établissements scolaires en seulement trois ans, ce qui est assez important à l’échelle du pays), octroi de bourses généreuses pour les étudiants (parmi le plus élevées du continent) …
Par ailleurs, et même si des progrès demeurent à accomplir, le développement économique et l’enrichissement du pays profitent, à divers degrés, à la quasi-totalité de la population, comme en témoigne la faiblesse du taux d’extrême pauvreté qui s’établissait à seulement 3,4 % de la population en 2017 (pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,90 dollars, parité pouvoir d’achat 2011, selon les dernières données de la Banque mondiale). Un taux considérablement inférieur à celui du Botswana, pays pourtant situé au même niveau de richesse globale, mais où 14,5 % de la population vivait dans l’extrême pauvreté en 2015, et qui constitue un des pays les plus inégalitaires de la planète (le pays serait même le 8e pays le plus inégalitaire du continent et le 11e au niveau mondial, selon le classement relatif à l’indice Gini, mais ayant pour lacune de manquer de données très récentes).
L’ensemble des progrès réalisés ont ainsi permis au Gabon de se classer désormais, hors très petits pays insulaires, au 4e rang en Afrique subsaharienne en matière de développement humain, et au 8e rang continental, selon le dernier rapport de la fondation Mo Ibrahim. Un classement plus fiable et à jour que celui de l’ONU, qui comporte de nombreuses incohérences du fait qu’il se base sur des données parfois assez anciennes (ainsi, le Niger, qui connaît le taux de fécondité le plus élevé au monde et qui est classé devant non moins de 15 pays africains par la fondation Mo Ibrahim, continue à être systématiquement - et étrangement - placé à la dernière position mondiale par l’ONU, alors qu’il est de notoriété que des pays comme et le Soudan du Sud et la Somalie, entre autres, sont bien moins développés…).
Le dynamisme économique du Gabon devrait donc lui permettre de progresser encore davantage dans ce classement au cours des quelques prochaines années. Par ailleurs, son développement rapide est à l’origine d’une immigration assez importante dans le pays, qui affiche déjà la proportion d’immigrés la plus élevée du continent, et atteignant 18,7 % de la population totale en 2019, contre seulement 4,7 % pour le Botswana, qui a pourtant une population comparable (et loin devant la Côte d’Ivoire ou l’Afrique du Sud, où le pourcentage atteint, respectivement, 9,7 % et 4,8 %). Ce qui n’empêche pas pour autant le pays de savoir prendre des mesures protectrices lorsque cela est nécessaire, comme par exemple à travers la fixation d’un taux maximal de 10 % de travailleurs étrangers au sein des entreprises pétrolières et minières, et ce dans le double objectif de protéger l’emploi local et d’accroître le transfert de connaissances.
Mais la modernisation rapide du pays, qui se matérialise également par de grands chantiers d’infrastructures (comme celui de la Transgabonaise, route de 820 km devant relier la capitale à Franceville, au sud-est du pays, et lancé en septembre 2020), se déroule dans le respect de l’environnement, domaine dans lequel le Gabon fait souvent figure de modèle. À titre d’exemple, la filière bois, qui est en plein essor, évolue dans le cadre d’une gestion responsable et durable du patrimoine forestier du pays, qui a d’ailleurs décidé que 100 % des concessions forestières devaient être certifiées FSC d’ici 2022 (norme internationale relative à l’exploitation durable des forêts). De même, les plantations effectuées dans le cadre du développement de la production d’huile de palme et d’hévéa ont été presque entièrement réalisées sur des terres non ou faiblement boisées, afin de préserver la forêt équatoriale (contrairement à d’autres pays, et notamment en Asie).
Dans le secteur minier, le nouveau code mis en place en 2019 impose aux entreprises de réaliser une étude d’impact environnemental préalable au lancement de tout projet, et devant être approuvée par deux ministères différents. Dans le même temps, les énergies renouvelables sont en plein essor, avec une multiplication des projets en la matière afin de parvenir à un mix énergétique composé majoritairement d’énergies renouvelables : construction de plusieurs centrales solaires (le plus récent projet, d’une capacité de 20 MW, ayant été décidé au mois d’août dernier), édification d’un complexe hydroélectrique de 35 MW devant être livré en 2024…
Autre exemple, le tourisme est appelé à se développer en s’appuyant en grande partie sur l’écotourisme, grâce aux 13 parcs nationaux ayant été créés en 2002, et couvrant non moins de 11 % du territoire national (un des taux les plus élevés du continent). La crédibilité et la notoriété internationalement acquises par le pays lui ont d’ailleurs permis d’être, en 2019, le premier pays africain à bénéficier de fonds internationaux en soutien à la lutte contre la déforestation, dans le cadre d’une initiative lancée par l’ONU. Une crédibilité qui s’explique notamment par la stabilité du couvert forestier (91 % du territoire national), qui n’a baissé que de 0,5 % au cours de la dernière décennie, malgré un fort développement démographique et économique.
Une Afrique francophone subsaharienne qui continue à tirer l’économie africaine
Les importants progrès réalisés par le Gabon ne sont pas un cas isolé en Afrique subsaharienne francophone, qui continue à être le moteur de la croissance africaine. En 2020, et malgré la pandémie, cet ensemble de 22 pays a globalement réalisé les meilleures performances économiques du continent pour la septième année consécutive et la huitième fois en neuf ans, tout en en demeurant, et plus qu’auparavant, la partie la moins endettée. Sur la période 2012-2020, soit neuf années, la croissance annuelle de cet ensemble s’est ainsi établie à 3,5 % en moyenne (4,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale, dont la production pétrolière a baissé presque aussi vite qu’elle n’avait augmenté au début des années 2000), contre 2,1 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Pour rappel, et juste avant la pandémie, la croissance globale annuelle s’était établie à 4,2 % pour l’Afrique subsaharienne francophone pendant les huit années de la période 2012-2019 (4,7 % hors Guinée équatoriale), et à 2,8 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
De son côté, l’espace UEMOA constitue depuis plusieurs années la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle globale du PIB de 5,6 % en moyenne sur la période de neuf années allant de 2012 à 2020 (et 6,3 % sur la période 2012-2019). Des performances exceptionnelles compte tenu du fait que cette région n’est pas la région la plus pauvre du continent (l’Afrique de l’Est étant la partie la moins développée).
En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire, qui a affiché une croissance de 8,1 % en moyenne sur la période 2012-2019, soit la deuxième plus forte progression au monde au cours de ces huit années (et la plus forte pour la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur à 1 000 dollars début 2012), est récemment devenue le pays le plus riche de la région en réussissant notamment l’exploit de dépasser le Nigeria, dont la production pétrolière est environ 50 fois supérieure (avec un PIB par habitant de 2 326 dollars pour la Côte d’Ivoire début 2021, contre 2 097 dollars). Le Nigeria devrait d’ailleurs être bientôt dépassé par le Sénégal, et à moyen terme par le Cameroun, qui affichent constamment des taux de croissance deux ou trois fois plus élevés (et qui ont actuellement un PIB par habitant de 1 488 et de 1 499 dollars, respectivement, bien loin de pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, où il s’établit à 936 et 798 dollars par habitant, respectivement). Parallèlement, la Côte d’Ivoire, qui continue à creuser l’écart avec le Kenya (1 838 dollars par habitant, et pays le plus prospère d’Afrique de l’Est continentale, après Djibouti, pays francophone), est récemment devenue le premier pays africain de l’histoire disposant d’une production globalement faible en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 1 905 dollars début 2021 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires). La Côte d’Ivoire est d’ailleurs sur le point de devancer également le Honduras (2 406 dollars par habitant).
Pour sa part, et grâce notamment à de nombreuses réformes, le Niger enclavé (et souvent pointé du doigt par certains pour sa forte natalité), n’est désormais plus le pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest, ayant récemment dépassé la Sierra Leone anglophone (565 dollars par habitant début 2021, contre 484 dollars). De plus, le pays pourrait dès cette année dépasser le Liberia, autre pays anglophone côtier (583 dollars par habitant).
Désormais, seul un des quatre pays les plus pauvres du continent est francophone, à savoir le Burundi, qui se trouve aux côtés du Soudan su Sud, de la Somalie et du Mozambique. Ces quatre pays se situent d’ailleurs en Afrique de l’Est, qui constitue la partie la plus pauvre du continent, en plus d’en être la partie la plus instable, puisque l’on y trouve notamment deux des trois pays ayant connu les conflits les plus meurtriers de la dernière décennie, proportionnellement à leur population (le Soudan du Sud et la Somalie). À ces conflits, s’ajoutent un certain nombre de problèmes sécuritaires (terrorisme islamique dans le nord du Mozambique…), et de tensions interethniques, comme en Éthiopie où elles ont déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de personnes ces quelques dernières années (ce qui en fait l’un des pays africains souffrant des plus fortes tensions sociales, avec, en particulier, l’Afrique du Sud et ses près de 15 000 homicides par an). Depuis fin 2020, l’Éthiopie est d’ailleurs entrée en guerre civile sur une partie de son territoire.
Quant à l’endettement, l’Afrique subsaharienne francophone demeure la partie la moins endettée du continent, tout en creusant l’écart depuis le déclenchement de la pandémie. Début 2021, et selon les données disponibles à cette date, le taux global de la dette publique pour cet ensemble composé de 22 pays s’établissait à 47,7 % du PIB, en hausse de 4,1 points sur un an (57,3 % pour l’ensemble de l’Afrique francophone, Maghreb inclus). Un niveau largement inférieur à celui de la majorité des pays développés. Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, le taux se situait à 64,3 %, en hausse de 8,3 points (69,1 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone). Il est également à noter que seuls deux ou trois pays francophones font chaque année partie des dix pays les plus endettés du continent, et qu’aucun d’entre eux ne fait partie des cinq pays les plus endettés.
Enfin, les pays francophones sont globalement moins inégalitaires. La République centrafricaine serait même le seul pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (selon les données de la Banque mondiale relatives à l’indice GINI, qui n’est toutefois pas suffisamment fiable faute de données assez récentes).
L’Afrique subsaharienne francophone connaît donc globalement un important dynamisme économique, et dont résulte - enfin - un intérêt accru de la part des acteurs économiques des pays francophones du Nord. Ainsi, le Medef (principale organisation patronale française) a très récemment organisé la première Rencontre des entrepreneurs francophones (REF), en août dernier, dans le but de densifier les relations économiques entre les différents pays francophones du monde, et de parvenir progressivement à mettre en place une véritable « francophonie économique ». L’Afrique subsaharienne francophone était justement présente en force au cours de cet événement, qui devrait désormais être annuel et organisé une fois sur deux sur le continent, tout comme elle occupera une place prépondérante lors du prochain sommet de l’OIF, qui se déroulera en Tunisie au mois de novembre.