ANALYSE

Les Rifains sont-ils vraiment des séparatistes ?


Alwihda Info | Par Islam al-Maghribi - 19 Mai 2017


Le Rif est en ébullition. Depuis la mort tragique de Mohcine Fikri en octobre dernier, les sit-in ne font que se multiplier et les manifestations ne font que redoubler d'intensité. Le gouvernement parle d'agenda extérieur, séparatisme et atteinte aux fondamentaux sacrés du pays. Les manifestants nient en bloc ces accusations et rétorquent : marginalisation, injustice et corruption. Qui dit vrai, qui dit faux ? Réponse de l'écrivain marocain Kamal Znidar :


Se trompe celui qui nie toute présence d'éléments séparatistes au Rif. Menteur celui qui dit que la contestation populaire que connait cette région est le produit de mouvements indépendantistes.

Des éléments séparatistes, ça existe au Rif. Et certes, aujourd'hui, ils exploitent la colère populaire pour intoxiquer la population rifaine par leurs tendances racistes et leurs poisons indépendantistes. Mais, à cette heure-ci, ils ne représentent qu'une infime minorité.

Cette infime minorité coopère depuis de longues années avec les séparatistes de la Kabylie. Les deux aspirent à la réalisation du Grand Maghreb ou ce qu'ils appellent Tamazgha. Leur travail commun a eu un certain succès en Kabylie. Mais au Rif, toutes leurs tentatives ont échoué.

Les séparatistes rifains sont en grande partie des apostats qui ne croient plus à l'Islam et qui militent pour le renversement de l'Etat islamique et la création d'une république laïque. La population locale, quant à elle, elle est dans sa majorité écrasante très attachée à l'Islam et voit en noir toute personne qui milite pour l'établissement d'un régime non-islamique… Donc au Rif, c'est mort pour eux et pour leurs dessins politiques.

La contestation populaire que connait cette région n'est pas le produit de mouvements séparatistes comme ils l'avancent certains. Cette contestation est le produit d'une jeunesse rifaine qui est toujours attachée au Maroc mais qui se sent humiliée, marginalisée et victime de beaucoup d'injustice.

Dans ses manifestations, cette jeunesse dénonce le sous-développement dont pâtit sa région, ainsi que la corruption et le comportement souvent répressif et humiliant des représentants de l'Etat. Elle revendique sa dignité… et elle a tout à fait raison.

Le Rif, et surtout la ville d'Al Hoceïma, manque de presque tout. Marginalisée, depuis 1958, par les gouvernements qui se sont succédés, cette ville ne dispose d'aucune infrastructure industrielle et souffre d'une insuffisance d'écoles et d'hôpitaux et d'une absence totale d'universités.

Normal donc que la jeunesse de cette ville et ses environs se révolte et milite pour de meilleures conditions de vie, la fin de la marginalisation, l'emploi et des réformes économiques urgentes.

L'âme des jeunes d'Al Hoceïma et ses environs est brisée par la pauvreté, la précarité de la vie, le chômage et toutes sortes de crises socioéconomiques. Malgré ça, ils restent sages et veillent que toutes leurs manifestations se déroulent dans le calme.

Mais si l'Etat continue dans l'ignorance des régions rifaines voire si demain ou après demain décide de recourir à la violence pour enterrer la contestation au Rif, cette jeunesse peut se radicaliser et devenir séparatiste.

Le racisme n'est pas l'unique mobile qui donne naissance aux mouvements indépendantistes... parmi les facteurs qui génèrent ces mouvements : être victime de l'humiliation, l'injustice et l'exclusion.

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