INTERVIEW

Mali: Le député Mamère plaide pour une conférence régionale


Alwihda Info | Par - 21 Janvier 2013


Les enjeux économiques sont très importants, du fait des ressources en hydrocarbures et en eau de la région. L'Algérie vit de ces ressources. L'uranium au Niger et la présence d'Areva ne sont pas neutres non plus. La France aussi a ses intérêts.


Vous avez été l'un des seuls à ne pas adhérer au consensus national autour de l'intervention au Mali. Pourquoi ?

Parce que j'ai tiré les leçons des interventions militaires qui ont abouti à des fiascos politiques en Afghanistan, en Irak et en Libye. Choisir une option militaire au risque de l'enlisement est un piège. En outre, en tant qu'écologiste, je suis contre l'article 35 de la Constitution qui permet au président de décider d'une guerre sans passer par un vote du Parlement.

Vous avez ensuite tempéré vos propos. Pourquoi ?

Je ne remets pas en cause la nécessité d'une opération, disons, de police, pour arrêter des groupes terroristes et djihadistes qui menaçaient de fondre sur Bamako. Mais cela ne peut pas se confondre avec « la guerre au terrorisme » dont a parlé le président de la République. Bush avait utilisé les mêmes mots pour justifier son intervention en Irak. Et Nicolas Sarkozy aussi en 2008 au Tchad pour maintenir au pouvoir Idriss Déby, qui enfermait ses opposants et les torturait. L'urgence n'a pas commencé le vendredi 11 janvier mais quand l'intervention de Nicolas Sarkozy en Libye a libéré des forces de soutien à Kadhafi qui se sont déplacées au Nord-Mali, avec des armes sophistiquées.

Comment résumer l'imbroglio malien ?

Les enjeux économiques sont très importants, du fait des ressources en hydrocarbures et en eau de la région. L'Algérie vit de ces ressources. L'uranium au Niger et la présence d'Areva ne sont pas neutres non plus. La France aussi a ses intérêts. Les Américains ont dépensé des millions de dollars dans la formation de militaires maliens, dont le capitaine Sanogo qui a déposé le président Touré en mars dernier. Une partie d'entre eux sont aujourd'hui dans les groupes du Nord, qui menacent l'intégrité territoriale du Mali. Les Maliens eux-mêmes ont entretenu des relations ambiguës avec ces djihadistes qui jouent à la fois de la pauvreté et du dépérissement de l'État malien. De la même manière que l'Algérie a joué un jeu très dangereux en nourrissant ses propres preneurs d'otages d'aujourd'hui.

Ce conglomérat de narco-djihadistes-islamistes-indépendantistes n'est pas composé que de terroristes. Les Touaregs n'en sont pas. Il n'y a pas de solution militaire. Il n'y a qu'une solution politique. Parler de « reconquête du Nord-Mali », comme le fait Jean-Yves Le Drian, implique une guerre terrestre et le risque de déstabiliser toute la région, dont le Niger et la Mauritanie.

Par où pourrait passer une solution politique ?

Par une conférence régionale associant les grands voisins du Mali, en particulier l'Algérie, le Niger et la Mauritanie. Le rôle de l'Algérie est fondamental. Veut-elle rompre avec ses pratiques habituelles et stabiliser cette région dans laquelle elle a des intérêts énormes ? Celui de l'Union européenne et de la gauche française aussi. Si elles restent inertes, elles laisseront la France à ses vieilles pratiques. Notre pays est un des seuls au monde à avoir encore des bases militaires dans ses anciennes colonies.

Enfin, il n'y aura pas de réunification et de reconstruction de l'État malien sans y associer les Touaregs. Ils sont victimes de la double peine. Ils ont été éliminés et instrumentalisés par ces groupes narco-djihadistes venus de Libye. Et ils sont face à un gouvernement malien qui voit très mal une réconciliation avec eux.

Qu'implique la prise d'otages en Algérie ?

Une plus grande incertitude encore. Cela pourrait ouvrir la porte à une volonté de coalition internationale. Ce serait le pire. Le poison. L'intérêt du Sahel, du Mali et des Africains est qu'on en reste à barrer la route aux djihadistes vers Bamako. Les mêmes qui applaudissent aujourd'hui l'intervention française nous considéreront comme des occupants si une coalition internationale se met en œuvre, à l'image de l'Afghanistan.

Cette prise d'otages d'In Amenas ne peut-elle pas contraindre l'Algérie à sortir de son ambiguïté ?

L'Algérie est un régime corrompu qui accapare les richesses et ne les redistribue pas. Les djihadistes ne s'y sont pas trompés en attaquant ce complexe gazier. C'est une première dans l'histoire de l'Algérie. Est-ce le début d'un tournant en politique intérieure algérienne ? C'est trop tôt pour le savoir.  Sud Ouest


Dans la même rubrique :