Voici la réaction de l'ancien Premier Ministre de la RCA :
"𝗕𝗼𝘇𝗶𝘇𝗲́–𝗗𝗲𝗯𝘆 : 𝗱𝗶𝗽𝗹𝗼𝗺𝗮𝘁𝗶𝗲 𝗿𝗲́𝗴𝗶𝗼𝗻𝗮𝗹𝗲 𝗼𝘂 𝗹𝗲́𝗴𝗶𝘁𝗶𝗺𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱’𝘂𝗻 𝗳𝘂𝗴𝗶𝘁𝗶𝗳 𝗽𝗼𝗹𝗶𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 ? Analyse critique d’une rencontre aux allures ambiguës.
𝟭. 𝗨𝗻 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗲𝘅𝘁𝗲 𝗹𝗼𝘂𝗿𝗱 𝗱𝗲 𝗿𝗲𝘀𝗽𝗼𝗻𝘀𝗮𝗯𝗶𝗹𝗶𝘁𝗲́𝘀
La rencontre entre le Maréchal Mahamat Idriss Deby Itno, Président de la République du Tchad, et François Bozizé, ancien Président centrafricain fugitif et poursuivi par la justice de son pays, suscite des interrogations légitimes.
Bozizé fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour son rôle présumé dans des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tentatives de renversement de l’ordre constitutionnel.
Comment interpréter alors cette audience accordée par le président tchadien, sous couvert de consolidation de la paix ?
𝟮. 𝗟𝗮 𝗽𝗮𝗶𝘅, 𝗼𝘂𝗶. 𝗠𝗮𝗶𝘀 𝗽𝗮𝘀 𝗮̀ 𝗻’𝗶𝗺𝗽𝗼𝗿𝘁𝗲 𝗾𝘂𝗲𝗹 𝗽𝗿𝗶𝘅.
L’argument diplomatique de la « consolidation de la paix » est classique.
Mais peut-on parler sincèrement de paix lorsqu’on donne la parole à un homme qui a semé la guerre ?
Rappelons :
• En décembre 2020, François Bozizé était à la tête de la CPC (Coalition des Patriotes pour le Changement), un mouvement armé qui a tenté de marcher sur Bangui, plongeant le pays dans une spirale de violence.
• Sa stratégie a visé à renverser des institutions démocratiquement établies, au prix de nombreuses vies humaines, de déplacements massifs et de la destruction d’infrastructures.
• Depuis sa fuite, il s’est maintenu hors du territoire national pour échapper à la justice, tout en poursuivant des démarches de lobbying régional, notamment au Tchad, au Soudan et ailleurs.
Accepter de le rencontrer, c’est accorder une forme de reconnaissance politique à un homme qui ne reconnaît pas la légitimité de la République centrafricaine actuelle.
𝟯. 𝗟𝗲 𝗿𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗱’𝘂𝗻𝗲 𝗶𝗻𝘀𝘁𝗿𝘂𝗺𝗲𝗻𝘁𝗮𝗹𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝗧𝗰𝗵𝗮𝗱
Il ne faut pas être naïf : Bozizé n’est pas un homme en quête de paix, mais un stratège politique expérimenté, qui sait activer les réseaux régionaux pour tenter de reprendre pied dans l’arène centrafricaine.
Cette rencontre pourrait être interprétée comme :
• Une tentative de réhabilitation personnelle par les canaux diplomatiques ;
• Une démarche visant à obtenir du soutien logistique ou politique discret ;
• Une stratégie pour se repositionner comme acteur incontournable de l’avenir centrafricain, malgré son rejet populaire et son passé de putschiste.
Si le Tchad souhaite jouer un rôle d’État médiateur dans la sous-région, il ne doit pas s’aligner avec des forces rétrogrades qui cherchent à affaiblir les institutions voisines.
𝟰. 𝗘̂𝘁𝗿𝗲 𝗽𝗿𝗲́𝘀𝗶𝗱𝗲𝗻𝘁 𝗻’𝗲𝘀𝘁 𝗽𝗮𝘀 𝘂𝗻 𝗺𝗲́𝘁𝗶𝗲𝗿, 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻𝗲 𝗿𝗲𝘀𝗽𝗼𝗻𝘀𝗮𝗯𝗶𝗹𝗶𝘁𝗲́
François Bozizé semble considérer la fonction présidentielle comme un titre héréditaire ou un statut auquel il aurait droit éternellement. Or, la République n’est pas une affaire privée.
Être président, ce n’est pas une profession, c’est une mission transitoire au service du peuple.
Lorsqu’on a failli, on doit répondre devant la justice, pas négocier dans les coulisses pour revenir par la petite porte.
𝟱. 𝗝𝘂𝘀𝘁𝗶𝗰𝗲 𝗲𝘁 𝘃𝗲́𝗿𝗶𝘁𝗲́ : 𝗽𝗶𝗹𝗶𝗲𝗿𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗽𝗮𝗶𝘅 𝗱𝘂𝗿𝗮𝗯𝗹𝗲
Aucune paix durable ne peut exister sans justice pour les victimes, sans vérité sur les événements récents, et sans respect de la souveraineté des institutions légales.
Toute tentative de réintégration politique de Bozizé en dehors d’un cadre judiciaire clair serait :
• Un coup de poignard à la République ;
• Une trahison pour les victimes des crimes de la
CPC ;
• Un signal dangereux envoyé aux futurs
putschistes.
𝗠𝗮 𝗰𝗼𝗻𝗰𝗹𝘂𝘀𝗶𝗼𝗻: 𝘃𝗶𝗴𝗶𝗹𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗶𝗽𝗹𝗼𝗺𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗲𝘁 𝗳𝗲𝗿𝗺𝗲𝘁𝗲́ 𝗿𝗲́𝗽𝘂𝗯𝗹𝗶𝗰𝗮𝗶𝗻𝗲
Il est du devoir des autorités centrafricaines, de la société civile et des défenseurs de la République de rester vigilants face à toute manœuvre régionale visant à réhabiliter un fugitif politique.
Le Tchad, s’il veut jouer un rôle honorable dans la stabilisation régionale, doit appuyer la justice et non les ambitions personnelles d’un ancien chef d’État en rupture avec la légalité.
La paix n’est pas la négociation avec les semeurs de guerre.
Elle commence par la vérité, la justice et le respect des institutions de la République.
Dites-moi en commentaire votre lecture de cette rencontre.
Bangui le 29 Mai 2025
Firmin Ngrebada
Ancien Premier Ministre de la République Centrafricaine
"