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TCHAD

Tchad : l’excision ampute les femmes de leur féminité (1/2)


Alwihda Info | Par Koffi Dieng - 20 Février 2024



Dans le sud du Tchad, l’excision est une pratique persistante, obéissant à des dictats sociétaux répressifs. Privant les femmes de leurs droits sur leurs corps et leurs désirs, les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont dangereuses, voir mortelles.

Un rapport conjoint de plusieurs agences onusiennes (UNICEF-OMS-UNFPA-OHCHR-ONU), mené à l’échelle mondiale, estime à 200 millions le nombre de femmes et de filles ayant été excisées.

Cette étude, publiée à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro contre les mutilations sexuelles féminines (MSF), le 6 février, fait état d’une situation alarmante. Au Tchad, précisément, l’excision touche des milliers de femmes chaque année. Consistant en l’amputation des organes génitaux féminins externes, elle est massivement pratiquée dans le sud du pays.

La région de Mandoul, berceau de l’ethnie Sara, est la plus impactée. Plus de 80 % des femmes y sont excisées. Parmi elles, 10 % sont des enfants ou jeunes filles âgées de 0 à 14 ans et 38 % sont des femmes âgées de 15 à 49 ans. Pratiqué sans distinction religieuse, cet acte est associé à une coutume séculaire, profondément enracinée dans les mœurs de nombreux villages.

Vivre le tabou dans sa chaire
Là où elle ne tue pas, l’excision laisse de profondes cicatrices, à la fois physiques et psychiques. Pour la grande majorité des femmes victimes, les MSF ont lieu dans l’adolescence. Considérée comme une « initiation » des jeunes filles vers l’âge adulte, l’excision est un rituel facteur de reconnaissance sociale. Lorsqu’une femme se fait « couper », elle « entre dedans ».

Pour beaucoup, s’y soustraire reviendrait à se soustraire à la communauté, rejeter son identité et jeter la honte sur sa famille. S’il existe une dimension relevant du « mystique » autour de cette pratique, aujourd’hui, les motivations poussant les parents à faire exciser leurs filles sont toutes autres. Interrogées par le groupe URD, de pair avec l’ONG CARE dans leur documentaire,

« La jeune fille, les chouettes et les hommes lions », publié en février 2024, des Tchadiennes racontent leurs excisions. Pour bon nombre d’entre elles, la douleur est encore présente et elles portent dans leur chair le poids de la tradition. Elles racontent le déroulement du jour où leur âme d’enfant fut tranchée à vif.

Clothilde Wassigué, agricultrice de Bedaya, raconte : « J’étais toute petite quand on m’a excisée. Quand on est retourné au village, on nous a rappelées pour nous dire que c’était mal fait, que nos clitoris étaient encore là et qu’il fallait recommencer. On m’a donc excisée une seconde fois. (…) Faute de soins, les plaies sur mon vagin se sont mal cicatrisées et les lèvres se sont refermées. Une fois mariée, mon époux a voulu avoir des rapports avec moi, mais c’était impossible car les lèvres étaient collées. On m’a ramenée une nouvelle fois en brousse pour m’opérer. (…) Cette troisième opération a tout gâté, et il a encore fallu me couper pour que je puisse accoucher de mon premier enfant. À chaque naissance, on m’a opérée et j’ai tellement souffert. ».

Malgré ces conséquences, cette souffrance, ancrée au cœur de l’intimité féminine, est passée sous silence ; synonyme d’un tabou intergénérationnel immuable.



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