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Tchad : le procureur général mis en cause dans la fuite d'Haroun Hissein


Alwihda Info | Par - 24 Janvier 2019


Le mari de la jeune tchadienne Hawariya Mahamat Abdoulaye, condamné l’an dernier à un an de prison pour l’avoir séquestrée et torturée plusieurs mois en 2016 est toujours en fuite, selon des sources judiciaires. Haroun Hissein a été condamné le 8 novembre dernier en son absence mais n’a pas été appréhendé. Pourtant, un mandat d’arrêté a été lancé à son égard par la justice tchadienne.


Hawariya Mahamat Abdoulaye. © DR
Hawariya Mahamat Abdoulaye. © DR
La famille de la jeune Hawariya accuse le procureur général, Moucktar Abdelhakim de tout faire pour protéger le condamné Haroun Hissein dans le but de le soustraire à une décision de justice, en se basant sur un lien de parenté qui unit les deux. Le cousin de la victime, Saleh Idriss, dans un entretien accordé à Alwihda Info, demande l’implication personnelle du président Idriss Deby pour que l’arrêt rendu par la justice en faveur de Hawariya Mahamat Abdoulaye soit appliquée dans toute sa rigueur.

Par ailleurs, il déplore que certains magistrats se basent sur des connotations ethniques pour bloquer l’application d’une décision de justice et exhorte le ministre de la justice à intervenir.

Alwihda Info : M. Saleh Idriss Moussa, la justice a condamné Haroun Hissein pour détournement de mineure, il y a 2 mois. Comment expliquez-vous que jusqu’à maintenant, le condamné n'ait pas été arrêté puis incarcéré pour purger sa peine ?

Saleh Idriss : Cela reflète l’image exacte de ce qui se passe avec cet enfant depuis 2 à 3 ans. Un procès qui ne finit pas malgré l’implication de tout le monde, montre ce qui se trame depuis toujours derrière cette affaire. Bien que M. Haroun Hissein ait été condamné depuis le 8 novembre 2018 pour détournement de mineure, on n'arrive pas à le saisir. Cela démontre qu’il n’y a pas de volonté réelle de la part du procureur général, Moucktar Abdelkerim d’arrêter un condamné pour viol mais il le protège depuis longtemps.

Comment pouvons nous comprendre que le bourreau qui a été condamné par la justice, continue à être libre de ses mouvements ? Des recherches n’ont pas été lancées à l’encontre d’Haroun Hissein par la justice sinon il n’est pas loin parce que son garant est proche du procureur général, Moucktar Abdelkerim. Il lui rend visite chaque semaine au moins. Cela ne peut pas s’expliquer autrement que par le manque de la volonté du procureur général d’exécuter une décision de justice.

Pour quelle raison le procureur général, Moucktar Abdelkerim fait tout pour qu’Haroun Hissen ne puisse pas purger sa peine ?

Nous avons eu comme information qu'il y a un lien de parenté entre le procureur général, Moucktar Abdelkerim et le bourreau Haroun. C’est pourquoi le procureur général ne voulait pas arrêter Haroun Hissein. C’est l’unique raison pour laquelle il échappe à l’application de la décision de justice rendue en faveur de Hawariya Mahamat Abdoulaye. Si le procureur général Moucktar Abdelkerim a la volonté d’appréhender le bourreau de Hawariya, il peut facilement mettre la main sur lui mais il n’a pas l’intention de le faire.

Comment ressentez-vous au sein de la famille le fait qu’Haroun Hissen soit condamné et qu’il continue d'être libre de ses mouvements ?

Nous exprimons un sentiment de déception et d’injustice parce que justice ne nous a pas été pas rendue. C’est une décision qui a été rendue de manière complaisante avec une condamnation moins sévère comparativement à la gravité de l’acte posé par ce criminel, dans le but de faire calmer l’esprit de l’opinion. Sinon, il est difficile de comprendre qu’une décision ait été rendue et que son application pratique pose problème.

Nous disons non à une décision de justice qui ne se matérialise pas par son application stricte et effective. La justice n’a pas été rendue dans ce cas de figure à la victime Hawariya parce que les magistrats décident de rendre un verdict et de ne pas arrêter le coupable. Je crois que la non application de cette décision de justice va contribuer à pérenniser l’impunité en protégeant un criminel condamné par la justice.

Saleh Idriss, cousin de Hawariya Mahamat Abdoulaye. © Alwihda Info
Saleh Idriss, cousin de Hawariya Mahamat Abdoulaye. © Alwihda Info
Avez-vous un message à adresser au chef de l'Etat, à la Première Dame ou à certaines organisations internationales des droits de l’Homme pour que justice soit rendue à Hawaria ?

Nous adressons notre demande aux plus hautes autorités de ce pays, notamment au président de la République qui est le premier magistrat, de voler à la rescousse de Hawariya. Aujourd’hui, si nous parlons de la protection de Hawariya, c’est grâce à cette loi que le président Deby Itno a promulguée et nous lui exprimons toutes nos gratitudes parce qu'il a pris en toute conscience cette ordonnance n° 06 dans le but de protéger les enfants tchadiens.

Nous vivons dans une société qui devrait apprendre à protéger les enfants. C’est très important. Je crois que cette ordonnance relative à la protection de l’enfant tchadien est piétinée par les plus grands magistrats du pays qui sont chargés de faire appliquer une décision de justice. Aujourd’hui, il revient à lui de voler au secours de cet enfant sinon je ne verrai pas l’utilité de promulguer une loi qui peine à être appliquée dans sa rigueur et ne met pas l’enfant à l’abri des violences faites aux mineurs.

Nous sollicitons l’implication personnelle du président Idriss Deby pour mettre un terme à l’injustice que subit Hawariya, en prenant des mesures fortes pour que cette décision de justice puisse être appliquée dans toute sa rigueur et prouver au reste du monde que dans la 4ème République, l’impunité n’a pas place et que nos enfants sont protégés. Il ne sert à rien de faire du tapage médiatique de gauche à droite pour dire que le Tchad protège le droit de l’enfant mais au final voilà, il y a un cas palpable, celui de Hawariya qu’on n’arrive pas à gérer.

Si le président Idriss Deby Itno n’est pas au courant, par la voix de votre organe, nous souhaitons l’informer qu'Haroun Hissein a été condamné par la justice et que le procureur général refuse de l’arrêter afin qu'il puisse purger sa peine. L'implication personnelle du président Deby pourrait décanter la situation.

Comptez-vous sur le soutien des organisations nationales et internationales des droits de l’Homme sur cette situation ?

Saleh Idriss : Nous remercions dans un premier temps les organisations nationales et internationales, les associations féminines, les associations des droits de l’Homme qui ont soutenu hawariya dans tous ses parcours en quête de justice. Je crois que si toutes ces organisations ont fait ces importants efforts, ce n’est pas pour que ces luttes finissent par être classées aux oubliettes. Il faut que cela serve de modèle pour que M. Haroun Hissein purge  sa peine en prison. Pour cela, nous sollicitons, une fois de plus l’implication des organisations pour que cette justice soit rendue en faveur d'Hawariya et que la loi soit appliquée dans toute sa rigueur. N’eut été leur implication personnelle, je crois qu'Hawariya n’obtiendrait pas de gain de cause devant la justice.

Qu'attendez-vous du ministère de la Justice ?

Je crois que le ministre de la justice, Djimet Arabi maitrise bien les tenants et les aboutissants de cette affaire d’impunité qui prévaut dans l’application scrupuleuse de cette décision de justice. Le ministre de la justice n’a pas baissé les bras dans cette affaire. Il connait bien la provenance de cette difficulté de faire appliquer une décision de justice à laquelle l’affaire d'Hawariya est confrontée aujourd’hui.

Le ministre de la Justice doit être armé de courage et ordonner surtout à ces magistrats de faire appliquer cette décision de justice dans toute sa rigueur en arrêtant et en incarcérant Haroun Hissein pour qu'il purge sa peine. Il ne faut pas que certains magistrats se basent sur des connotations raciales et ethniques pour empêcher l’application d’un arrêt rendu par la justice.

Cette justice appartient à tous les tchadiens, c'est ce que le ministre de la Justice devrait rappeler à tous les magistrats avec plus de fermeté sur ce point. A quoi ça sert de rendre une décision de justice et de laisser ensuite le bourreau libre ? Cela n’a pas de sens. Nous demandons au ministre de la Justice de tenir un langage de fermeté à l’égard de ces magistrats qui piétinent une décision de justice.

Propos recueillis par Djimet Wiché.
Djimet Wiche Wahili
Journaliste, directeur de publication. Tél : +(235) 95415519 / 66304389 E-mail :... En savoir plus sur cet auteur



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