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Tchad : "les autorités ne peuvent pas chercher à empiéter sur les fonctions judiciaires"


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 22 Juin 2018


Le secrétaire général du Syndicat des Magistrats du Tchad, Djonga Arrafi a répondu aux questions de la presse, à la sortie d'une assemblée générale des magistrats, ce jeudi 21 avril 2018.


Le secrétaire général du Syndicat des Magistrats du Tchad, Djonga Arrafi. Alwihda Info
Le secrétaire général du Syndicat des Magistrats du Tchad, Djonga Arrafi. Alwihda Info
Vous, vous êtes réunis au cours d’une assemblée générale. Que ressort-il de cette rencontre ?
 
Djonga Arrafi : Nous sommes entrés dans un vaste mouvement de contestation. Nous avons dans les revendications que nous avons émises un point culminant, c’est celui de la destitution et de l’arrestation du gouverneur et de ses sbires pour avoir violé l’intégrité physique du tribunal de Doba, et par-delà, s’être illustré par des actes de rébellion contre les décisions de justice.
 
Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’au moins, quelques points de ces revendications ont été satisfaits. Nous sommes réunis ce matin pour évaluer les progrès. Il a été destitué de ses fonctions ainsi que certains de ses sbires. Il a été traduit hier devant le procureur de la République et a été déposé dans le cadre d’un dépôt à la maison d’arrêt. Les audiences le concernant doivent également démarrer, n’eut été notre arrêt de travail. C’est pourquoi, l’assemblée générale de ce matin a décidé de reprendre les activités pour permettre le jugement du gouverneur, du commandant de légion et quelques éléments de sécurité qui sont actuellement en détention sur ce point exclusif. Il convient de dire qu’il s’agit d’une suspension du mot d’ordre de grève lancé il y a trois semaines pour permettre à la justice saisie de la question des différentes infractions qui ont été commises dans le cadre de l’affaire de Doba de régler ces affaires.
 
A part cette affaire de Doba, les magistrats constatent un regain des actes proférés à leur encontre. L’affaire d’Iriba a été également relevée au cours des assises de ce matin, et hier ; des bastonnades suivies d'actes de violences ont été subis sur la personne du procureur de la République de Goz Beida par des forces de défense et de sécurité à Abéché. Ces deux situations ont interpellé les magistrats pour qui ces situations doivent attendre une issue puisque selon les informations reçues, ces deux cas sont entrain d’être réglés. Nous donnons un mois au Tribunal de N’Djamena pour qu’il puisse juger la première affaire et nous reprendrons certainement notre mot d’ordre de grève en cas de nécessité. Les affaires d’Abéché et d’Iriba seront traitées.
 
Qu’est-ce qui explique l’acharnement des militaires contre les avocats et les magistrats ?
 
Je crois qu’en soi, c’est une affirmation de notre autorité et je m’en réjoui d’ailleurs. Il faut vous rappeler que les magistrats sont jaloux de leur indépendance. Les autorités militaires ou administratives ne peuvent pas chercher à empiéter sur les fonctions judiciaires. Tout ce que nous réclamons des plus hautes autorités c’est que pour nous avoir investi de ces fonctions, ils ont également l’obligation de nous protéger. Nous avons décidé au cours de cette assemblée générale que des rencontres soient effectuées entre le ministre de la Justice, le ministre de la Défense et celui de l’Administration du territoire, pour que l’acte qui confère au magistrat la liberté de circulation et le port d’arme soit suivi d’effet et respecté par n’importe qui. Je crois que c’est à ce niveau-là que les choses peuvent entrer dans la sérénité.
 
Nous avons l’impression que les autres pouvoirs sont jaloux de ce troisième pouvoir puisque nous avons la lourde responsabilité d’attenter à la liberté des gens en les mettant en prison. Nous avons également cette responsabilité de grignoter sur le patrimoine des personnes. C’est peut-être le seul pouvoir qui fait qu’aujourd’hui les gens nous redoutent. Les gens sont envieux de ce pouvoir. Un pouvoir sans contrainte est vidé de son contenu. Aujourd’hui, le pouvoir exécutif, même s’il veut réprimer les délinquants, a toujours recours au pouvoir judiciaire. Les magistrats étant jaloux de leur indépendance, ne se laissent pas faire et ça se traduit souvent par ces actes d’affrontements, parfois sanglants comme celui d’hier à Abéché que nous avons d’ailleurs déploré.
 
Les avocats du gouverneur de Doba disent qu’il y a un acharnement contre leur client. Que répondez-vous ?
 
La presse en ligne titrait que le gouverneur de Doba est livré à la meute judiciaire. Tout ce qui est meute est vorace, et tout ce qui est vorace est dangereux. La parole d’un avocat est libre, il peut la tenir quand il veut. Il n’y a pas mieux que les magistrats qui ont été victimes de la violation de leurs locaux qu’un avocat qui ne défend que la cause de cet individu.
 
Lever le mot d’ordre de grève alors que deux magistrats viennent d’être agressés, ce n’est pas une manière de donner plus d’importance à l’affaire de Doba par rapport aux autres ?
 
A Iriba, la situation est entrain d’être réglée. J’ai été en contact avec le ministre de la Justice. Le procureur est sous bonne protection. Le ministre de la Sécurité en personne a quitté Abéché ce matin pour Iriba en vue de le chercher, de le prendre et de l’évacuer à N’Djamena.
 
En ce qui concerne la situation de Goz Beida, ceux qui ont agressé ce magistrat sont actuellement conduits devant le procureur de la république qui doit certainement les renvoyer devant une unité de police judiciaire afin qu’ils soient entendus.
 
Tout ce que nous voulons c’est que les actes posés puisent avoir une finalité judiciaire. Dans la mesure où le ministre de la Sécurité les a livrés à la justice, il n’y a pas mieux que ça. La justice est le dernier rempart du citoyen, nous ne pouvons pas arrêter son fonctionnement. A Doba, ils avaient refusé d’accéder à nos revendications, c’est pourquoi nous avons arrêté le fonctionnement. Au cours de l’assemblée générale, le procureur Général nous a appelé pour nous dire que les éléments de la DGSSIE qui ont attenté à la vie de nos collègues sont devant lui. Je crois qu’il y a une suite judiciaire car ces éléments ont été appréhendés et conduits devant le procureur, lui-même nous l’a certifié.
 
A ce niveau, je crois que les choses sont entrain de marcher. Il ne sert à rien de vouloir résister. Il faut afficher une attitude de bonne collaboration surtout que le ministre de la Sécurité publique était là et a pu circonscrire cet événement. Cette reprise est faite essentiellement pour permettre à la justice de se prononcer sur les charges qui pèsent contre les accusés.
 
Je profite également pour dire que ceux de nos collègues qui seront chargés de cette affaire, devront examiner avec l’attention la plus scrupuleuse les charges qui seront portées contre ce gouverneur, de ne trahir ni les intérêts du prévenu, ni ceux de la société qui le poursuit, et ni même les intérêts de la victime. Ce serait le gage d’une bonne justice. Tout ceci fait appel à l’idée de l’impartialité.
 
Lors de l’ouverture de la session criminelle, vous avez souligné qu’il ne sert à rien de lancer une enquête ou de juger si les décisions ne sont pas appliquées. Est-ce que vous avez soulevé le cas de Oumar Magadi au cours de votre assemblée générale ?
 
Le cas de Oumar Magadi a été soulevé. Parmi les charges retenues contre le gouverneur, il y a aussi la détention arbitraire, c’est-à-dire qu’il doit chercher là où le type est détenu. La famille a déjà porté plainte pour séquestration et détention arbitraire.
 
Tout ceci trouve sa suite dans le cadre d’une action en justice.
 
Oumar Magadi qui est concerné dans cette affaire n’apparaît nul part. Pourquoi cette affaire est traitée en flagrant délit et non en instruction ?
 
Le procureur de la République dispose de l’opportunité des poursuites. C’est un principe général qui dirige toutes les procédures pénales et les instructions criminelles. Cette opportunité de poursuite ne dispense pas de choisir une voie estimée nécessaire.
 
Je crois que c’est la meilleure alternative d’avoir mis ce dossier en flagrant d’élit puisque l’opinion attend. Vous savez que l’instruction dure deux à quatre ans. Quelle sera la suite réservée à un tel dossier ? C’est un dossier brulant. D’ici deux à trois jours, il faut que l’opinion sache s’ils ont été relaxés ou sanctionnés. C’est pour répondre à cette exigence que le procureur de la République a choisi cette voie qui est expéditive.
 
Est-ce que vous confirmez la fuite du commandant de Légion impliqué dans cette affaire ?
 
Je ne confirme rien, ni n’infirme rien également. 



Pour toute information, contactez-nous au : +(235) 99267667 ; 62883277 ; 66267667 (Bureau N'Djamena)