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INTERVIEW

Tchad : "on va continuer la lutte. On ne va pas oublier Ibni", Mahamat Ahmat Alhabo


Alwihda Info | Par Info Alwihda - 3 Février 2020


Le secrétaire général du Parti pour les libertés et le développement (PLD), Mahamat Ahmat Alhabo, a accordé un entretien à Alwihda Info. Ce lundi 3 février 2020 marque les douze ans de la disparition du Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh.


Le secrétaire général du PLD, Mahamat Ahmat Alhabo. Illustration. © Alwihda Info
Le secrétaire général du PLD, Mahamat Ahmat Alhabo. Illustration. © Alwihda Info
Alwihda Info : 12 ans après la disparition du Professeur Ibni Oumar Mahamat Saleh, jusqu'à maintenant rien n'a été fait. Quelle est votre réaction ?

Mahamat Ahmad Alhabo : Vous savez que le 3 février 2008, après le coucher du soleil, Ibni était chez lui avec sa femme, ses enfants, ses parents, ses voisins, et c'est devant tout ce monde là que des éléments des forces de défense et de sécurité sont venus l'arrêter. Il a été emporté par ces éléments formellement identifiés par leur tenue, par le véhicule de l'armée qu'ils montaient, et on l'a amené vers une destination inconnue. Depuis lors, il n'a pas réapparu.

Tout crime est imprescriptible parce qu'un crime, le jour où un seul petit élément réapparait, naturellement le dossier sera rouvert et les vrais responsables de ce crime là seront jugés ou condamnés. Pourquoi je dis cela, parce qu'immédiatement après la disparition du secrétaire général du PLD, nous avons porté plainte au niveau de la justice tchadienne et elle a rendu un non-lieu. Ils ont dit qu'ils ne savent pas qui l'a arrêté, qu'est-ce qu'il est devenu. Pourtant, immédiatement après l'arrestation et la disparition d'ibni, une commission nationale a été mise en place. Cette commission, des experts internationaux sont venus et ils ont collaboré. Des grands enquêteurs, des grands policiers qui savent faire les enquêtes, sont venus et ils ont conclus que la chaine de commandement n'a pas été rompue ce jour-là. C'est-à-dire que les forces de défense et de sécurité qui agissaient recevaient des ordres des plus hautes autorités. Donc, les gens qui sont venus arrêter Ibni, ne sont pas venus d'eux-mêmes. On leur a donné l'ordre de venir l'arrêter. Ils l'ont arrêté, emmené à la destination qu'on leur a instruite. Ceux qui ont donné l'ordre sont connus. Ils le savent eux-mêmes, tout le monde le sait. Un jour ou l'autre, ils rendront compte de leur décision de la disparition d'Ibni. Elle leur incombera.

Quelles sont vos attentes 12 ans après sa disparition ?

Nous, on va continuer la lutte. On ne va pas oublier Ibni. On va toute notre vie, le parti, le PLD va continuer à se battre pour que la lumière soit faite sur le sort réservé à Ibni. On n'abandonnera jamais cette bataille. Le pouvoir qui a décidé de l'élimination d'Ibni pense que le temps fera oublier la bataille démocratique que Ibni a mené. Au contraire, Ibni est peut-être mort, disparu, mais il y a 1000 autres Ibni qui sont nés, qui vont continuer la lutte.

Ibni n'était pas simplement le secrétaire général du PLD, il était le porte-parole de toute l'opposition démocratique. Il était un homme farouchement contre la lutte armée, il pensait que la meilleure façon de se battre au Tchad c'est de mener une lutte démocratique. Mais le pouvoir actuel pense que chaque fois que tu n'est pas avec lui, tu est son ennemi, tu est contre lui. C'est comme ça qu'ils définissent tous ceux qui ne sont pas avec eux et qu'il faut tout simplement éliminer. Et c'est comme ça qu'Ibni a été éliminé par le pouvoir, pensant que c'est un ennemi. Or, lui c'est un adversaire politique, un démocrate. Il se battait avec sa tête, sa plume et sa parole. Rien de plus. Il n'a jamais tenu une arme, donc nous on va continuer la bataille jusqu'à ce que la vérité soit dite sur le sort réservé.

Sa femme, la mère de ses enfants, devant elle, il a été arrêté. Cette femme a attendu son mari pendant dix ans. Il n'est pas revenu. De chagrin, je pense, elle est morte. Ceux qui ont arrêté Ibni, ils ont fait disparaitre Ibni, ils emportent aussi la responsabilité morale de la disparition de son épouse. C'est tout cela que nous déplorons et condamnons à la fois. Nous exigeons toujours, on va continuer à exiger, à demander, qu'au moins la dépouille mortelle d'Ibni soit remise à sa famille biologique pour qu'une sépulture digne de l'homme soit donnée.

Quelles sont les activités prévues pour le 12ème anniversaire de la disparition d'Ibni ?

Le samedi 8 février, nous allons organiser une manifestation au siège du PLD, dans l'après-midi. Nous invitons tout le monde à venir commémorer avec nous ce triste anniversaire de la disparition de notre secrétaire général.

Pendant un certain temps, le PLD voulait construire un monument ?

On ne peut pas construire un monument dans un pays qui est dirigé par les gens qui l'ont tué. Ils n'accepteront pas. Nous allons faire peut-être une fondation. Dans tous les cas, le nom d'Ibni n'appartient pas seulement à sa famille politique ou biologique. Ibni est devenu un patrimoine national, et beaucoup de nous, au Tchad et à l'étranger, sans nous demander, eux-mêmes commémorent la disparition d'Ibni. Si aujourd'hui vous entrez dans les pages des réseaux sociaux, partout vous verrez que les gens n'oublient pas, les gens commémorent cette disparition. 

Espérez-vous toujours que la justice tchadienne puisse rouvrir le dossier ?

La justice tchadienne malheureusement, elle est fonction de ceux qui sont au pouvoir. Elle obéit à l'exécutif et donc elle est incapable. Les crimes politiques qui ont été commis au Tchad, aucune lumière n'a été faite. Ibni n'a pas été le seul qui a été politiquement éliminé. Il y a beaucoup de responsables politiques qui ont été éliminés. La justice tchadienne n'a jamais été capable de faire la clarté sur un seul cas. Sur Ibni, elle ne le fera pas non plus.

Propos recueillis par Djimet Wiche.



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