Advienne que pourra...

Obligation d'infléchir le cours de l'Histoire en RDC
Répondant à une requête en interprétation déposée par plus de 250 députés de la majorité présidentielle alors que la perspective de la tenue du scrutin présidentiel en 2016 est de plus en plus incertaine, la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo, saisie par voie d'action, a un rendu un arrêt sur le sort du président sortant. En effet, selon ledit arrêt lu le 11 mai à Kinshasa par le président de la Cour, Benoît Luamba, « suivant le principe de la continuité de l’État et pour éviter le vide à la tête de l’État, le président actuel reste en fonctions jusqu'à l'installation du nouveau président élu ».

Le conflit horizontal de normes

Il s'agit, dans ce cas précis, d'une situation de conflit de normes entre l'article 70 et 75 de la loi fondamentale. D'une part, le maintien en fonction du président de la République sortant s'opère jusqu'à l'installation du nouveau président élu. D'autre part, l'exercice provisoire des fonctions du président de la République en cas de vacances pour des causes bien définies est assuré par le président du Sénat. Par conséquent, à l'occasion d'un litige donné qui implique deux ou plusieurs normes de même valeur, la Cour constitutionnelle ne peut qu'être amenée à prendre position pour l'une ou l'autre, sans qu'il ne statue sur leur validité. Ainsi est-il indispensable de déterminer la règle à appliquer. Les deux normes ayant le même champ d'action, il n'était donc pas question pour la Cour de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur la norme qui lui est subordonnée. Par conséquent, le juge aurait dû recourir à une démarche pragmatique en vue de la conciliation. Or, en ayant privilégié l'une des normes au détriment de l'autre, la Cour a exclu à tort l'article 75 de la loi fondamentale du principe de la continuité de l'État. Ainsi a-t-elle ignoré que ces deux articles sont concernés de la même façon par la question prioritaire de constitutionnalité, que l'intérim du président du Sénat aurait aussi permis d'« éviter le vide à la tête de l'État ».

Les rôles du juge et de la norme

Si le juge doit trancher, faute de commettre un déni de justice, il doit donc se positionner par rapport aux deux normes en conflit sans outrepasser ses pouvoirs. Mais ce constat est mis à rude épreuve dès lors que la Cour n'a pas résisté au devoir naturel d'interprétation, lequel est apparu comme un acte de volonté. En effet, en n'ayant pas apprécié tous les éléments qui auraient dû être pris en compte pour régler ce conflit horizontal de normes qui lui était soumis, la Cour constitutionnelle s'est fondée sur des éléments potentiellement très subjectifs.

La séparation des pouvoirs ?

En accordant la primauté à l'article 70 de la Constitution stipulant qu'« à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l'installation effective du nouveau Président élu », sur l'article 75 spécifiant qu'« en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d'empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l'exception de [quelques-unes biens définies] sont provisoirement exercées par le Président du Sénat », l'arrêt rendu par la Cour a tout simplement mis à mal la sécurité juridique. Ainsi est-on en droit de s'interroger sérieusement sur la subordination du pouvoir judiciaire au pouvoir politique en République Démocratique du Congo, sur la violation de la clause constitutionnelle relative à la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaires – plus précisant l'article 149.

Et maintenant ?

L'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle n'a pas du tout tenu compte de la volonté manifeste du gouvernement congolais de ne pas organiser les élections dans le délai constitutionnel dans le but de permettre le maintien au pouvoir du président sortant. Par conséquent, cette décision laisse présager que la tenue du dialogue souhaité par le président de la République n'aura pour seul objectif que d'entériner son maintien au pouvoir à la tête d'un gouvernement de transition.
Dans un pays où l'opposition s'oppose systématiquement de manière épidermique, où des partisans de la majorité présidentielle deviennent curieusement et sans aucun fondement idéologique des opposants, où l'élite n'a jamais osé jouer son rôle de conscientisation et d'éducation politique, le cours de l'Histoire ne peut être infléchi que par le Peuple qui est le souverain primaire. Les Congolaises et les Congolais sont condamnés à déjouer tout pronostic pour ne pas rester les éternels dindons de la farce.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

RDC : Qui veut la peau de Moïse Katumbi ?
Le 9 mai 2016 à 18 h 00 (heure de Paris) - Sur Africa n° 1

L'ex-gouverneur du Katanga est convoqué lundi devant le procureur à Lubumbashi, après l'ouverture d'une enquête l'accusant de recruter des mercenaires. Une convocation qui intervient alors que l'ancien allié de Joseph Kabila a déclaré sa candidature à l'élection présidentielle, sans consulter ses « amis » de l'opposition.

Angles abordés :
- Accusations contre Moïse Katumbi et réaction des USA ;
- Situation politique, dialogue et calendrier électoral ;
- Situation dans l'Est, et notamment à Béni ;
- Candidature unique de l'opposition.

Pour écouter cette émission : prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.africa1.com/IMG/mp3/le_grand_debat_-_09_05_16_ok_-_pad.mp3

Invités :
- Dominique Kamulete, Juriste. Chargé des questions juridiques et la section France du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, parti au pouvoir). Membre de la section juridique du PPRD à Kinshasa ;

- Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Premier Vice-Président de l'Alliance de Base pour l'Action Commune (ABACO) ;

- Trésor Kibangula, journaliste pour l'hebdomadaire « Jeune Afrique » (qui rend hommage à Papa Wemba dans son dernier numéro).

RDC : Une division interne n'est pas forcément une opposition nationale

Après l'annonce officielle de la candidature de Moïse Katumbi, l'ancien gouverneur du Katanga, à la présidence de la République Démocratique du Congo, l'Alliance de Base pour l'Action Commune (ABACO) donne son point de vue à travers son premier Vice-Président Gaspard-Hubert Lonsi Koko.

 

Œil d'Afrique : Quelle est votre réaction par rapport à l'annonce de Moïse Katumbi Chapwe à la présidence de la République Démocratique du Congo ?

Qu'attendez-vous comme réponse de ma part ? Tout Congolais n'est-il pas habilité à être candidat à la présidence de la République, conformément à l'article 72 de la Constitution ? La candidature de monsieur Katumbi a au moins le mérite de confirmer le statu quo du paysage politique et le choix éventuel, le moment venu, à cet effet.

 

Œil d'Afrique : C'est-à-dire ?

J'ai cru comprendre que monsieur Katumbi était un fervent adepte de la candidature unique de l'opposition. Or, en aucun cas, l'annonce de sa candidature à la présidence de la République n'est le fait de l'adoubement des partis politiques de l'opposition dont il s'est curieusement senti proche après avoir soutenu très longtemps les idées du PPRD. Je constate seulement que la supercherie n'est plus un secret pour personne.

 

Œil d'Afrique : Pourriez-vous préciser encore plus votre pensée ?

Je suis pourtant explicite.

 

Œil d'Afrique : Essayer de sortir un peu de cette ambiguïté, qui caractérise le bon Mukongo et l'habile analyste politique que vous êtes...

Sans renier le fait d'être Mukongo par mes deux parents, je me considère avant tout comme un Congolais d'origine mû par la volonté d'apporter à ses compatriotes la dignité et le bonheur auxquels ils aspirent. Au sein de l'Alliance de Base pour l'Action Commune, parti politique dont je suis le premier Vice-Président, nous sommes conscients que la divergence dans la sphère gouvernementale ne confère pas naturellement le label propre à l'appartenance à l'opposition. On est en principe opposant sur des bases idéologiques, et non sur une simple dissidence interne.

 

Œil d'Afrique : Qualifiez-vous donc Moïse Katumbi comme un membre de la majorité présidentielle et non un opposant ?

En tout cas, la position libérale des partisans de monsieur Katumbi n'ont rien à avoir avec la pensée réellement social-démocrate préconisée par mon parti l'ABACO. La majorité des soutiens de l'ancien gouverneur du Katanga, à commencer par la G7, a constitué une fraction importante de la mouvance gouvernementale. Aucun parti de l'opposition n'ayant été dupe pour croire à la mystérieuse conversion d'anciens kabilistes aux combats de l'opposition, la candidature de monsieur Katumbi reflète tout simplement l'œuvre d'une scission au sein du PPRD qui a poussé les alliés politiques de ce parti à faire le choix entre messieurs Kabila et Katumbi. Une division interne n'est pas forcément une opposition nationale.

 

Œil d'Afrique : Que compte faire l'ABACO face à cette division, interne soit-elle, dès lors que votre parti est partisan d'un dialogue national préconisé par le président Joseph Kabila ?

L'ABACO est favorable au dialogue pour trouver une voie intelligente, s'agissant du devenir de la République Démocratique du Congo et de la vraie joie de vivre du peuple congolais. Nous ne sommes pas partisans d'une transition incluant les premiers responsables de la crise politique et de l'hécatombe socio-économique auxquelles est confronté le pays. Plus précisément, notre aspiration au dialogue inclusif et républicain ne conditionne pas notre adhésion à un individu, qu'il se réclame de l'opposition ou de la majorité. L'ABACO souhaite une réelle alternative politique, raison pour laquelle notre parti politique privilégie le projet de société susceptible de générer une alliance programmatique.

 

Œil d'Afrique : Êtes-vous en train de peaufiner, vous-même, une candidature à la présidence de la République, comme l'affirment certaines sources bien informées ?

Encore faut-il qu'il y ait élection présidentielle à la fin de l'année, après que la CENI ait réellement livré un fichier électoral fiable. Mon implication la plus sérieuse consiste à ce que l'ABACO puisse apparaître comme le parti politique ayant le projet le plus cohérent et le plus crédible possible. C'est dans cette optique que nous travaillons en ce moment. En tous cas, la désillusion étant une sottise en politique, nous préférons privilégier le principe qui veut que chaque chose se fasse en son temps. Je renvoie d'ailleurs vos lecteurs à nos 10 propositions pour la RD Congo de demain . « Que nulle n'entre s'il n'est géomètre », pouvait-on lire à l'entrée de l'Académie, l'école fondée à Athènes par Platon.

 

Propos recueillis par Roger Musandji

 

© Œil d'Afrique


1 ... « 15 16 17 18 19 20 21 » ... 31